Chapitre bonus 2 - Jade

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En quittant le taxi, je me retrouve devant un immeuble imposant, moderne, et résolument luxueux. Les Discovery Dock Apartments s'élèvent majestueusement, offrant une vue imprenable sur la Tamise. La nuit, le bâtiment semble briller de mille feux, illuminé par les lumières de Canary Wharf. Je sens une pointe d'excitation et de nervosité en approchant de l'entrée principale.

Je m'approche de l'interphone et appuie sur le bouton correspondant à l'appartement de Valentin. Après quelques secondes, une voix familière résonne.

— Oui ? demande Valentin.

— Salut, c'est Jade, je suis en bas, je réponds avec une voix légèrement tremblante.

— Je t'ouvre, monte au dernier étage, c'est l'appartement 1403.

La porte en verre s'ouvre automatiquement lorsque j'approche, et je suis immédiatement accueillie par un hall d'entrée élégant et moderne. Le sol en marbre poli reflète la lumière douce des lustres en cristal qui pendent du plafond.

En attendant l'ascenseur, mon regard se pose sur le plan du bâtiment affiché sur le mur. En le parcourant, je remarque qu'il y a une piscine à l'arrière du bâtiment, ainsi qu'une salle de sport et un spa.

— Wow, murmurai-je pour moi-même, impressionnée par les installations luxueuses disponibles ici.

Je me sens légèrement intimidée par tout ce luxe, ce n'est pas vraiment mon monde. Arrivée au dernier étage, les portes s'ouvrent sur un couloir décoré avec gout. L'appartement 1403 se trouve juste en face de moi.

Je prends une grande inspiration avant de m'avancer et la porte s'ouvre quelques secondes après que j'ai frappé. Mon cœur fait un bond en le voyant. Ses cheveux sont beaucoup plus longs qu'au lycée, relevant ses boucles, ce qui le rend encore plus beau, qu'a l'époque. Malgré le temps passé, mon cœur bat toujours aussi fort pour lui.

— Salut Jade, bienvenue, dit-il avec un sourire éclatant.

Je me perds un instant dans ses yeux, me rappelant la première fois que je l'ai recroisé après notre rupture. C'était dans ce petit café-bar près de notre ancien lycée. Il donnait un concert, et je n'avais jamais eu l'occasion de le voir en prestation auparavant. Le voir sur cette scène, avec son look un peu gothique/punk, chantant avec une énergie débordante, m'avait émerveillée. Mon cœur avait battu fort et j'avais ressenti des émotions longtemps oubliées, tout le long du concert.

Même si c'est moi qui ai mis fin à notre liaison au lycée, persuadée qu'une relation à distance ne fonctionnerait jamais, j'ai toujours gardé une place spéciale pour lui dans mon cœur. Maintenant que je l'ai recroisé, je ne sais pas si ce que je ressens est de l'amour qui renaît ou simplement une affection intense pour quelqu'un qui a compté autant.

— Salut, Valentin, merci de m'accueillir, dis-je en entrant dans l'appartement.

En franchissant le seuil, je suis immédiatement impressionnée par la beauté de l'intérieur. L'entrée donne directement sur un vaste espace ouvert, où le salon à gauche et la cuisine à droite se fonde harmonieusement en une seule grande pièce. En face, une immense baie vitrée offre une vue à couper le souffle sur la ville. Même à travers les voilages légers, les lumières de Canary Wharf et de la ville scintillent, créant une ambiance presque magique.

La cuisine est un véritable chef-d'œuvre de design moderne. Les meubles sont d'un blanc éclatant, parfaitement contrastés par les comptoirs en marbre noir qui ajoutent une touche de sophistication. Une tasse et un sachet de pain de mie sont posés sur l'îlot central, témoignant de la vie quotidienne de Valentin. Une magnifique machine à café Nespresso et quelques appareils dernier cri trônent sur les plans de travail.

Le salon, quant à lui, est spacieux et accueillant. Une grande partie est occupée par un canapé blanc, légèrement froissé, offrant un espace de détente parfait. Un plaid en boule et un sweat posé sur le dossier ajoutent une note personnelle et désordonnée. En face, une grande télévision est accrochée au mur, promettant des soirées cinéma confortables. Sur la table basse en bois, des magazines sont éparpillés, mêlés à une télécommande et un verre. Une grande bibliothèque couvre tout un pan de mur, remplie de livres et d'objets décoratifs, ajoutant une touche personnelle à l'ensemble.

L'autre partie du salon est dédiée à la salle à manger, où une grande table occupe l'espace. Un ordinateur portable ouvert y est posé, indiquant que Valentin travaille souvent ici. Sur un mur, un cadre avec un vinyle en or et une photo en dessous est accroché, témoignant d'un succès passé. La guitare électrique datant du lycée est également accrochée au mur en décoration.

J'avoue être impressionné par son appartement. Il est bien différent de son petit studio du lycée.

— Wow c'est sympa chez toi.

— Merci, dit-il en baissant légèrement les yeux. Tu veux une tasse de thé ? On peut s'installer à la table pour travailler.

— Avec plaisir.

Je m'installe à la table et remarque deux platines de DJ posées sur l'une des étagères de la bibliothèque qui se trouve en face de moi. Mon esprit fait rapidement le lien. Ces platines... elles appartiennent sûrement à Lina.

Après notre rupture, Valentin m'a supprimée de ses comptes privés, mais pas de ses comptes publics. Seulement il n'y poste jamais rien de personnel, seulement des choses liées à son travail et à ses intérêts généraux. En revanche, Lina, elle y partage parfois des moments de sa vie privée sur son compte Instagram public. Même si c'est rare, c'était, a l'époque, suffisant pour me donner un petit aperçu de la vie de Valentin.

Je me souviens d'avoir lu un article, quelques mois après ma rupture, évoquant une possible relation entre Valentin et Lina. Ils ont toujours nié une romance, affirmant être simplement de bons amis, mais les photos et les anecdotes racontées au fil des mois et des années ont à chaque fois éveillé ma curiosité. Après plusieurs articles, j'ai commencé à suivre Lina, non par obsession, mais parce que je voulais savoir ce que devenait Valentin. C'était ma manière de faire le deuil de notre relation. Voir qu'il avançait dans sa vie m'a aidé à tourner la page. Suivre Lina me permettait de me sentir encore connectée à lui, même de loin, et de trouver une certaine clôture à cette histoire. Mais même en ayant fait ce deuil, je ne pouvais nier que j'avais encore des sentiments pour lui. Valentin avait été mon premier amour, et personne n'avait su prendre sa place dans mon cœur depuis.

Ces derniers jours, j'ai vu sur Instagram que Lina était partie en Ukraine pour combattre aux côtés de son père. Cette information m'avait touchée, même si je ne la connaissais pas personnellement. Voir ces platines ici, chez Valentin, rend tout cela encore plus réel. Une petite pointe de tristesse me traverse en me demandant à quel point Lina fait partie de sa vie actuelle. A-t-elle réussi à combler ce vide que j'ai laissé ?

Valentin revient avec deux tasses fumantes et les pose sur la table avant de s'asseoir juste à côté de moi.

— J'espère que tu aimes toujours le thé vert, dit-il en souriant.

Je hoche la tête, touché qu'il n'ait pas oublié ma boisson préférée, tout en prenant une gorgée. L'arôme apaisant me calme un peu, et je me surprends à apprécier ce moment simple et intime avec Valentin. C'est étrange d'être ici, mais en même temps, c'est réconfortant.

— Alors, par où commence-t-on ? demande-t-il, son regard chaleureux ancré dans le mien.

Nous commençons à travailler, Valentin se met à taper sur l'ordinateur pendant que je lui explique mes idées. Il ne comprend pas tout, ne connaissant pas grand-chose au cinéma, mais il parvient à saisir l'essentiel de ce que je veux exprimer. Le temps passe, et je remarque qu'il commence à se frotter les yeux de plus en plus souvent. Il se masse la nuque, visiblement fatiguée.

— Une petite pause est-elle possible ?

— Oui, avec plaisir, répond-il en étirant ses bras au-dessus de sa tête. Ça devient difficile de rester concentré.

— Où sont les toilettes ?

— Juste là, dans la salle de bain, au bout du couloir, me répond-il en m'indiquant la direction.

Je me dirige vers cette dernière, et dès que j'y entre, je suis impressionnée par sa taille. Elle est aussi grande que mon studio. À ma droite se trouve une baignoire blanche avec un robinet noir qui donne sur une grande  baie vitrée avec une magnifique vue de Londres et de la Tamise. Je dois bien avouer que cette vue est bien agréable. En face de moi, il y a un meuble de couleur noire avec deux vasques blanches et des robinets noirs. Un grand miroir surplombe ce meuble, avec une grande étagère en dessous où divers objets sont entreposés.

À ma gauche, les toilettes sont cachées par un paravent. Après avoir fini avec les WC, je me dirige vers les vasques pour me laver les mains. Là, je remarque que derrière le mur où se trouvent le meuble lave-main, il y a une grande douche à l'italienne. Le sol est blanc et les murs noirs.

Sous le charme de cette pièce, je me lave les mains. Curieuse, je regarde plus attentivement ce qu'il y a sur l'étagère. Une jolie montre homme de la marque Garrick attire mon regard. Je me souviens de cette montre. C'est un cadeau de sa grand-mère pour son 18e anniversaire. Une montre faite sur mesure, élégante et intemporelle. Rien qu'en la regardant, j'ai toujours su que c'était le genre de montre que je ne pourrais jamais m'offrir. Elle symbolise à elle seule le fossé entre nos mondes. Valentin vient d'une famille fortunée, et même s'il a toujours essayé de se démarquer de la bourgeoisie, il n'échappe pas à cette réalité.

Je souris en voyant son parfum. C'est toujours le même que celui qu'il portait au lycée. Mais mon sourire s'efface lentement lorsque mon regard se fixe sur la deuxième bouteille de parfum qui se trouve à côté. C'est un petit flacon rose, avec un nœud papillon gris, de la marque Miss Dior. Il doit être à Lina. Je sens l'intérieur du capuchon, une magnifique odeur de fraise emplit mes narines. Même l'odeur sent le luxe. Je repose le flacon avec une grande prudence.

Voir ces deux parfums de luxe côte à côte me rappelle brutalement notre différence. Le prix de ces parfums doit facilement équivaloir à un mois de loyer pour moi. Une petite pointe de jalousie me traverse. Certes Lina, ne fait pas partie d'une famille fortunée, mais elle semble avoir réussi sa vie en devenant une DJ connue, elle incarne la réussite et Valentin semble avoir trouvé une semblable, peut-être même une âme sœur.

Je lève les yeux et me regarde dans le miroir. Mon reflet me renvoie une image que je n'aime pas trop. Je perds mon regard dans mes propres yeux et les souvenirs affluent. À l'époque, Valentin ne m'avait jamais caché qu'il était tombé amoureux de moi dès le début de notre relation. Même lors de notre séparation, il avait clairement exprimé son amour, disant qu'il ne pouvait pas vivre sans moi. J'étais aussi amoureuse de lui, mais la peur de la relation à distance avait pris le dessus. Je n'arrivais pas à gérer mes émotions, sans doute à cause de mon immaturité, et cela créait des conflits entre nous. Je souffrais tellement que j'ai pris la décision de le quitter.


Nous étions deux âmes sœurs et pourtant notre relation s'est terminée. Nous avons chacun tourné la page. Mais tourne-t-on vraiment la page quand il s'agit du premier amour ? On a plus ou moins refait notre vie, chacun de son côté, mais Valentin a toujours une place dans mon cœur. Est-ce que c'est aussi le cas pour lui ? Cette affection que je ressens est toujours là, présente et forte. Mais est-ce de l'amour ? Je suis perdue.

Je pose mes mains sur mes joues. Leur froideur me fait du bien et je ferme les yeux pour apprécier le moment. Je ne dois pas penser à ce genre de chose. C'est ridicule de ma part de laisser ces pensées m'envahir. Je suis ici pour travailler avec lui, rien de plus.


En ouvrant les yeux, je remarque une boîte de médicaments sur l'étagère, à côté du support de la brosse à dents. Une petite boîte rectangulaire, blanche avec des accents bleus. En m'approchant, je lis l'étiquette : « Rivotril, Clonazépam 2 mg, Comprimés oraux. » En dessous, un avertissement en lettres rouges : « Attention : Ce médicament peut provoquer une somnolence. Ne pas conduire ou utiliser de machines après sa prise. »

Je reste un moment figée devant cette boîte. Mon esprit s'emballe et je décide de me renseigner sur internet. Une rapide recherche me confirme que le clonazépam est un puissant anxiolytique. Pendant notre relation, Valentin était toujours celui qui me réconfortait, celui qui gardait son calme quand je paniquais. Voir cette boîte de médicament me bouleverse plus que je ne l'aurais cru. Derrière son apparence assurée, il y a une souffrance qu'il cache en silence. Qu'est-ce qui le tourmente à ce point ?

Est-ce le stress de son travail, ou y a-t-il autre chose, quelque chose de plus profond ? Depuis quand prend-il ce médicament ? Est-ce que c'est depuis notre rupture ? En plus d'avoir eu des soucis d'alcool, a-t-il eu aussi besoin de ce type de médicament ? Ai-je détruit sa vie en le quittant ? Ou est-ce que cette prise de médicament est récente ?

Le cœur lourd, je quitte la salle de bain. En revenant au salon, je remarque que Valentin est assis sur le canapé, les yeux fermés, la tête reposant sur le dossier.

Dort-il ?

Entre deux cheminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant