Je me trouve au milieu d'un champ désolé. Je suis immobile, figé, comme agrippé par des chaînes invisibles.
Je regarde autour de moi, mes yeux fixés sur des silhouettes indistinctes qui s'affrontent dans une danse macabre. Des soldats en uniforme se battent pour leur survie, se mouvant avec une férocité mêlée de peur. La scène est chaotique, désordonnée, comme un tableau de l'enfer.
Chaque explosion est un coup de tonnerre dans mon âme, chaque cri de douleur est comme un poignard enfoncé dans mon cœur. Je veux fermer les yeux, fuir cette scène cauchemardesque, mais mes paupières semblent soudées en place, me forçant à regarder l'horreur se dérouler.
Alors que mon cœur bat à un rythme effréné dans ma poitrine, j'aperçois une figure familière. C'est Lina, vêtue de son uniforme militaire, son visage arborant une détermination inébranlable. Elle avance avec précautions, son fusil entre les mains. Mon regard ne la quitte pas alors qu'elle prend position derrière un monticule de terre, cherchant un abri temporaire dans cet enfer.
Un mélange d'angoisse et de détresse me traverse. Je veux courir vers elle, la protéger de tout ce chaos, mais je ne peux toujours pas bouger.
À travers les fracas assourdissants de la guerre, je distingue clairement le léger bourdonnement caractéristique des communications radio et la voix de Lina.
« Shadow -1, ici Bravo 0-7. Nous sommes encerclés par les forces ennemies, demande un appui aérien sur notre position. Je répète, demande un appui aérien sur notre position ! »
La voix rauque d'un opérateur répond dans le grésillement de la radio de Lina.
« Bravo 0-7, ici Shadow-1. Appui aérien en cours de déploiement. Tenez bon. Attendez la confirmation. »
Lina hoche la tête, même si personne ne peut la voir, et sa voix reste calme et professionnelle.
« Compris Shadow-1. Attente confirmation. Bravo 0-7 terminé ».
Soudain, le regard de Lina croise le mien. Alors que nous nous fixons à travers les tumultes du champ de bataille, je capte quelque chose dans ses yeux. C'est la peur, la même peur qui tord mon propre cœur. Nos regards se lient dans un moment d'intense connexion, comme si le monde s'effaçait pour laisser place à cette communication entière silencieuse entre nous.
Ses lèvres bougent silencieusement.
« Je suis désolé »
Une série d'explosions plus proche secoue le sol, projetant des éclats mortels dans toutes les directions. Lina est forcée de se déplacer, cherchant un nouvel endroit où se réfugier. Mon cœur bat la chamade alors que je la perds de vue pendant quelques instants, l'angoisse montant en flèche.
Quand elle réapparaît enfin, son uniforme est maculé de boue et sa main saigne d'une coupure. Elle essuie rapidement le sang sur son pantalon, ses gestes sont rapides et assurés malgré la panique environnante. Mon admiration pour sa force et sa détermination mêlée à la terreur de la perdre crée une tension intérieure insupportable.
Une explosion retentit à proximité, faisant trembler de nouveau le sol. Lina est déséquilibrée, mais ne tombe pas. Une autre série de tirs éclate, plus proche cette fois. Je suis forcé de fermer les yeux un instant, mais la clameur continue à résonner dans mes oreilles. Quand je les rouvre, c'est pour voir Lina en train de tirer avec précision sur un ennemi qui s'approche dangereusement. Elle le met hors d'état de nuire, mais son regard fixe trahit la tension nerveuse qu'elle ressent.
Chaque tir de Lina est un bruit assourdissant pour mes oreilles, chaque détonation faisant écho à mon propre rythme cardiaque. Ses gestes sont précis et calculés alors qu'elle tire sur les ennemis qui surgissent devant elle.
Puis vient un moment de chaos. Une explosion soudaine retentit, une grenade a été lancée dans sa direction. Lina est propulsée en arrière par la force du souffle, son corps s'écrasant contre le sol avec une violence terrifiante. Je hurle son nom, mais mes cris semblent étouffés par le tumulte de la bataille.
Je me précipite vers elle, mon cœur tambourinant dans ma poitrine. Je m'agenouille à ses côtés, observant son visage ensanglanté, défiguré par les ravages de l'explosion. Une vague de terreur et de désespoir me submerge alors que j'essaie en vain de la réveiller.
« Non, Lina, reste avec moi ! »
Mais mes paroles semblent se perdre dans le chaos, comme emportées par le vent. Je prends son visage entre mes mains, mes doigts tachés de sang. Le ciel sombre semble pleurer avec moi, la pluie commençant à tomber, mêlant mes larmes à la douleur silencieuse du champ de bataille. Je secoue Lina doucement, implorant un miracle qui ne vient pas.
Alors que le vent et la pluie balayent la scène, emportant avec eux les échos de la bataille, je réalise l'inévitable. Mon cri de douleur devient un cri primal, une échappatoire pour toute la peine et la frustration qui se sont accumulées en moi. Et puis, tout devient flou...
La scène se dissout en une vague de ténèbres et de silence. Je flotte dans le néant, désorienté, jusqu'à ce que je sente quelque chose de solide sous moi. Je me réveille en sursaut, couvert de sueur, le souffle court. Pendant un instant, je ne sais plus où je suis. Les images du cauchemar sont encore vivement présentes, superposées à la réalité de ma chambre sombre.
Je cligne des yeux, tentant de dissiper les ombres de la bataille. Le silence de la nuit est assourdissant après le fracas de la guerre. Mon cœur continue de battre à tout rompre, et je passe une main tremblante sur mon visage, sentant la sueur froide. Mais une douleur aiguë traverse ma poitrine, comme si une main invisible serrait mon cœur. La panique m'envahit, chaque respiration devenant un effort pénible.
Je me lève précipitamment, vacillant sur mes jambes. La pièce tourne légèrement autour de moi alors que je me dirige avec difficulté vers la salle de bain. Chaque pas est un combat contre l'étau qui enserre ma poitrine, contre l'anxiété qui menace de m'engloutir.
Arrivé à la salle de bain, j'attrape le bord du lavabo pour me stabiliser. Mon reflet dans le miroir me renvoie l'image d'un homme terrifié, les yeux écarquillés, le visage blême. Je fouille fébrilement l'étagère au-dessus de mes vasques, mes mains tremblantes peinant à saisir le flacon de médicaments.
Avec un effort désespéré, j'en extrais un cachet de Rivotril et le mets dans ma bouche. J'ouvre le robinet et bois de grandes gorgées d'eau, espérant que le médicament agira rapidement. Je m'adosse contre le mur, glissant lentement jusqu'à m'asseoir sur le sol froid. Ma respiration est toujours erratique, mais le simple fait de prendre le médicament commence à apaiser légèrement ma panique.
Je me concentre sur ma respiration, inspirant profondément et expirant lentement. Les minutes s'écoulent, chaque seconde me rapprochant un peu plus de la tranquillité. La douleur dans ma poitrine s'atténue graduellement, remplacée par une fatigue écrasante.
Assis sur le sol de la salle de bain, je réalise à quel point cette angoisse me ronge de l'intérieur. Les images du cauchemar continuent de rôder, floues mais oppressantes, leur poids me clouant sur place. Mes pensées s'embrouillent, tourbillonnent, se heurtent les unes aux autres dans un chaos intérieur. Je veux m'échapper, mais il n'y a nulle part où aller.
Je reste là, les yeux ouverts, les poings serrés, chaque muscle tendu comme une corde prête à rompre. Je tente de me raccrocher à quelque chose de tangible, à une certitude, mais tout m'échappe. Pourquoi est-ce que son absence me déchire autant ? Pourquoi est-ce que je me sens comme si le monde entier s'effondrait sous mes pieds ?
Le tic-tac de l'horloge dans la pièce voisine me ramène à la réalité, chaque seconde amplifiant ce sentiment de vide qui grandit en moi. Ma gorge se serre, ma respiration devient plus difficile, et une pensée, jusqu'alors enfouie, commence à percer le brouillard.
Ce n'est pas seulement la peur de la perdre à la guerre... c'est la peur de la perdre tout court. Le désespoir se transforme en une lucidité cruelle. Je l'aime. La vérité s'abat sur moi avec une clarté brutale, balayant toutes mes tentatives de rationaliser, de minimiser ce que je ressens. C'est une douleur, vive et inéluctable.
Je me relève, le souffle encore court, et je me fixe dans le miroir. Mes yeux sont hagards, pleins de cette nouvelle réalité qui me submerge. Je ne peux plus me mentir. Ce n'est pas juste une amie, ce n'est pas seulement une camarade. Je l'aime, et son départ me fait l'effet d'une amputation, une perte si profonde que je ne sais pas comment vivre sans elle.
Je retourne lentement dans la chambre, m'effondrant sur le lit. Je prends mon téléphone, espérant désespérément un message, un signe de vie. Mais l'écran reste sombre, muet. Je laisse échapper un soupir de frustration et de tristesse.
Combien de temps vais-je tenir ?
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Entre deux chemins
RomanceValentin, un chanteur de rock, se trouve au cœur d'une tourmente émotionnelle. D'un côté, son ex-petite amie Jade refait surface, ravivant des sentiments passés. De l'autre, Lina, une amie proche avec qui il partage une relation singulière, dépassan...