20 - Toute vérité n'est pas bonne à dire

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 Je vidai mon shooter en une gorgée, histoire de pouvoir réfléchir sans parler, mais le résultat fut médiocre. Je n'avais rien à lui dire, à part des choses que je ne souhaitais pas lui partager. Pas encore. De son côté, il avait l'air soucieux, presque embêté.

— Je suis content que tu aies accepté de me voir, me dit-il pour relancer la conversation. J'avais peur que tu ne me rappelles jamais.

Je fis la moue, on n'était pas passé loin de la réalisation de son angoisse.

— Ces dernières années, je me suis souvent demandé comment reprendre contact, lui confiai-je en évitant son regard. Plus le temps s'écoulait moins j'avais le courage de te joindre et... Je pense que si tu n'étais pas venu...

Je soupirai, ne sachant pas quoi ajouter sans commencer à perdre des points.

— Après le verre, tu veux qu'on aille chez moi ? me proposa-t-il. J'avoue ne pas me sentir très à l'aise ici. J'aimerais te dire des choses, qui, de mon point de vue, sont à partager en privé.

Son regard s'était durci, peut-être sous le coup de la crainte que je percevais dans son ton de voix. Je secouai la tête, l'estomac noué.

— Nan, pas chez toi. Ce n'est pas contre toi, mais ton odeur doit y être partout. Ça fait cinq ans qu'on ne s'est pas vus, on ne sait pas comment on va réagir. Je préfère éviter tout risque.

— J'ai installé les dernières clims avec purificateur de phéromones. Elles sont très efficaces.

— Ouais, coup critique..., marmonnai-je dans un réflexe.

Il garda le silence un instant, puis ricana.

— Est-ce que tu cites Pokémon ?

La moquerie que je sentis dans sa question me fit monter le rouge aux joues. J'avais l'habitude de regarder le dessin animé avec les garçons, alors, à force...

— Tais-toi, le suppliai-je. C'est le stress qui me fait délirer !

Je ris à mon tour et détournai les yeux.

— Du coup, chez moi ? insista-t-il.

— D'accord, abdiquai-je.

Il avala son verre cul sec puis se leva, déterminé. Il m'invita à le suivre et je m'exécutai, me demandant si j'avais fait le bon choix. Nous marchâmes en silence dans le parc qui se vidait en même temps que le soleil déclinait dans le ciel.

Un pas derrière lui, je l'observai, sans piper mot. Il n'avait pas tant changé, il avait conservé son côté taquin, son assurance, bien qu'aujourd'hui, les deux soient entachés de ma présence. Parfois, à cause du vent, l'odeur de ses phéromones me parvenait par bribes légères. La première fois, surpris, je m'étais stoppé dans mon avancée un instant, perturbé de les reconnaître.

— Tu sais que Line et Kyle sont parents ? me demanda-t-il, l'air ravi.

Sa joie mina la mienne. Il semblait heureux pour eux, sans même se douter que lui aussi était le père de deux merveilleux garçons. Mon cœur se serra. En définitive, je ne serai peut-être pas capable de conserver ce secret pour moi plus longtemps.

— Oui, j'ai vu Line hier soir. Je n'ai pas rencontré Chloé, mais j'espère pouvoir le faire bientôt.

— Ah..., moi qui pensais t'apprendre une bonne nouvelle...

La gêne devenait de plus en plus palpable entre nous. Je savais que c'était ma faute, mais quel autre comportement pouvais-je avoir ? Je me sentais si mal...

Je montai dans sa voiture avec appréhension et, tout le temps que dura le trajet, mon angoisse ne fit qu'augmenter. Il tentait sans relâche de relancer la conversation et je luttais afin de répondre à peine plus qu'un oui ou un non.

Bound [MxM - α/Ω] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant