L'Émancipation

Le choix

    Le décompte prend fin et le visage de Manon apparaît.

- Toutes celles qui ne souhaitent pas participer doivent se diriger vers l'entrée du hangar. Dit elle d'une voix peu assurée.

La première réaction de Mahé est de se demander comment elles vont pouvoir s'y rendre ,vu qu'elles sont tellement nombreuses que plus aucun espace n'est inoccupé. Elles doivent toutes se poser la même question car un énorme mouvement de foule les poussent toutes les unes sur les autres. Beaucoup se ruent vers l'entrée, mais le nombre les empêche d'avancer. Elles se  bousculent et crient. Certaines trop fatiguées pour résister à l'assaut de cette horde devenue folle se laissent tomber et se font piétiner. Une femme s'effondre près de Mahé qui la tire par le bras pour la relever. Mais des dizaines de pieds sont déjà sur elle. Mahé bousculée se campe sur ses jambes. Comme elle n'est pas loin du mur elle joue des coudes pour passer . Elle veut juste se mettre à l'abri pour éviter de se faire dévorer par cette marée humaine. Mais impossible de faire un pas. Dans leur précipitation, les femmes apeurées ne se rendent même pas compte que les portes sont toujours fermées , les chaînes doivent encore être dessus. Elle se force à recommencer à parler. Il ne s'agit plus seulement d'elle. Elle se met à hurler surprise par le son de sa voix.

- Arrêtez! Arrêtez ! Crie t'elle à tue-tête. Les portes ne sont pas encore ouvertes!

Elle entend non loin de là plusieurs voix qui lui font écho. Mais la peur est une compagne tenace. A ce rythme elles vont  toutes mourir avant même d'avoir pu sortir ou commencer l'épreuve. La voix  du Capitaine résonne dans les hauts parleurs.

- Stop! La sortie est fermée. Stop! Ou j'ordonne des tirs sur la foule!

Les femmes mettent quelques secondes à comprendre , puis elles se figent  bouleversées par la panique qui vient de les submerger. L'effroi se lit sur leurs visages . En quelques minutes, elles ont piétiné des dizaines de corps, certaines baissent les yeux sur leurs chaussures rougies par le sang de leurs compagnes d'infortune. Elles sont en état de choc. En quoi les ont- ils transformées ? Elle cherche du regard le Capitaine. Les gardes à côté de lui sont outrés par sa conduite. L'incompréhension se lit sur leurs visages. Ils ne saisissent pas pourquoi il ne les a pas laissées s'entretuer. Cela aurait fait un premier nettoyage.  Il n'en fait aucun cas et ajoute:

- Que celles qui souhaitent partir restent au centre, pendant que celles qui veulent participer se décalent sur les côtés le long des murs .Laissez passer les participantes. Allez y calmement et méthodiquement nous allons ouvrir l'accès pour faire sortir les premières. Que celles qui sont le plus près de l'entrée se préparent.

Le grincement des immenses portes les fait sursauter. Celles agglutinées devant, se retirent et laissent la place aux autres pour qu'elles se mettent à l'endroit indiqué. Au fur et à mesure , l'entrepôt se vide et finalement la sortie s'organise rapidement . Elles ne sont pas plus de cent cinquante le long des murs, plus d'une dizaine sont des femmes en combinaison. Dans les yeux de certaines, de la détermination ou de l'indécision. Une vingtaine de femmes quitte encore le hangar. la voix du Capitaine se fait entendre:

- Il ne vous reste plus que trente secondes pour partir. 

Plus personne ne bouge. Il les regarde d'un air dépité. Mahé sent un frisson glacé la parcourir. Peut- être est ce le dernier jour de son existence. Elle sait déjà que ça va aussi être un des pires quelle que soit l'issue.

- Comme le veut la Loi je vais vous exposer les règles de la Sélection. Vous êtes exactement cent trente deux dans ce hangar. Seules quatre d'entre vous sortiront d'ici. 

- Quatre? Eructe une des femmes le visage déformé par la rage. Les bâtards. Nous n'avons quasiment aucune chance!

- Les gardes vont sortir et je quitterai les lieux en dernier. Ensuite ,nous fermerons les issues. Nous allons mettre le feu autour du hangar , vous devrez par tous les moyens possibles sortir avant qu'il ne s'embrase. Les quatre premières femmes qui réussiront, seront sélectionnées. La mise à feu sera longue  car la neige humidifie nos mèches. Trouvez une solution pour vous protéger des émanations toxiques de la fumée. Que les meilleures gagnent.