L'Émancipation

Le réveil

     Que la nuit a été longue! Justine a réussi à dormir un peu, mais l'inconfort de sa position et le froid l'ont réveillée. Elle est tétanisée! Et le matin doit être encore loin, car quand elle a ouvert les yeux  sa caisse était plongée dans le noir le plus complet . Elle recommence son manège de l'après-midi sollicitant chaque muscle les uns après les autres. Elle ne sent plus ses mains et les tape l'une contre l'autre. Le bruit qui emplit l'habitacle la rassure, alors elle continue un long moment, puis les glisse dans les poches de son manteau. Ensuite, elle fait de même avec ses pieds. Quand ses membres sont un peu moins congelés, elle cherche à tâtons la bouteille d'eau et s'hydrate . Au diable les bonnes résolutions ! Cela doit faire à peine vingt quatre heures qu'elle est là et elle n'en peut déjà plus! Tenir va s'avérer bien plus difficile que prévu. Boire lui met les larmes aux yeux! Que c'est bon! Il ne lui reste que deux barres et elle est affamée. Elle se met à la recherche de celle qui lui manque pour faire passer un peu le temps; mais elle a beau se tortiller dans tous les sens, impossible de mettre la main dessus! Elle décide de se raisonner et de garder la nourriture pour plus tard, mais change bien vite d'avis et mange sa deuxième barre tout doucement. Combien de temps vont-ils les laisser là dedans? La sensation d'étouffement est horrible, ajoutée à ses muscles transis de froid, elle ne donne pas cher de sa résistance!

Elle s'imagine chez elle, un matin comme les autres . Elle entend vaguement le réveil de Vincent qui vient de sonner. Comme chaque jour, il dépose un baiser sur sa joue, part prendre sa douche et descend installer le petit déjeuner. Justine a toutes les peines du monde à se lever, elle n'est pas du matin, mais elle doit préparer Jules. Quand elle arrive dans la cuisine, en général, son fils est déjà debout, assis les coudes sur la table et le menton dans les mains pendant que Vincent prépare le petit déjeuner. Le visage de Jules en voyant sa mère apparaître s'illumine. Elle le prend dans ses bras et lui fait un gros câlin, s'enivrant de l'odeur de la peau de son fils, puis elle se love dans les bras de son époux et l'embrasse tendrement. En général Louise suit de peu, traînant son doudou lapin derrière elle, le pouce à la bouche, les cheveux emmêlés. Elle se dirige d'abord  vers son papa qui la soulève du sol et la serre dans ses bras, puis elle passe derrière son frère, lui fait un bisou et enfin elle vient se nicher dans les bras de Justine. Et au bout de quelques minutes, pose toujours la même question:

- Qu'est ce qu'on fait aujourd'hui maman?

Un bruit sourd tire Justine de sa rêverie et lui fait ouvrir les yeux. Elle écoute attentivement, elle ne saurait pas dire ce que c'est. Un tracteur ? Ils viennent peut- être la sortir! Elle attend fébrile, en se poussant sur le côté au cas où une nouvelle bouteille et des vivres tomberaient. Elle n'entend plus rien . Elle tend l'oreille. Le jour s'est levé . Elle voit de nouveau les contours de sa caisse. Elle reste contre la paroi espérant obstinément que quelque chose va arriver .

Elle ne va pas être déçue.