Qui gagne quoi?

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     Dès l'ouverture de la porte, elles se ruent toutes à corps perdus vers l'extérieur, certaines chutent ,les autres continuent à courir sans savoir où elles doivent aller. Elles désirent juste  sortir de là. Les premiers coups de feu retentissent. Une ligne est tracée au sol, les gardes les empêchent d'aller plus loin. Mahé se laisse tomber et se retourne ; à ses côtés  8773 est allongée sur le sol, ainsi que deux Sans Fonction non loin d'elles. Les autres filles sont derrière elles et elles tombent comme des mouches. Quelle horreur! Ils leur tirent dessus. Leur course s'arrête, leurs visages se figent, des tâches rouges imbibent leurs chemises. Leurs corps s'effondrent stoppés ou projetés, pendant qu'elles essaient de se sauver. Ils n'en épargnent aucune.

Sortir du hangar a déjà été une telle souffrance! Elles n'ont plus de peau sur les mains et 8773 a  même une partie de la peau de son bras gauche arrachée. Malgré tout ce qu'elles ont enduré, ils ne leur laissent aucune chance et les tuent toutes comme du bétail. Celles qui sont tombées sans être touchées n'osent pas se relever et restent face contre terre . Elles ne veulent pas mourir. Elles ferment les yeux. Quelques soldats se détachent des autres et s'avancent vers elles. Mahé sanglote mais se force à regarder cette ignominie , pour ne jamais oublier de quoi ils sont capables, pour trouver la motivation de survivre pour toutes ces femmes martyrisées. Ils se placent à la hauteur des perdantes et leur tirent à chacune une balle dans la tête.

Les quatre qualifiées, pétrifiées par le spectacle n'osent pas bouger. elles ressentent maintenant une horrible souffrance au niveau des brûlures de leurs mains . Une des Sans Fonction a une grosse blessure à l'épaule qui saigne abondamment . L'autre un hématome sur le visage et autour du cou des marques de strangulation. Mahé ,elle, en plus de ses brûlures doit avoir le nez ,l'arcade sourcilière et quelques côtes cassés. 8773 rampe jusqu'à elle:

- Avant qu'ils nous séparent, comment tu t'appelles?

- Mahé. Et toi?

- Camille. Tu nous as sauvé la vie. Merci. On n'aurait jamais trouvé la solution pour la porte. J'espère qu'on se reverra ,si c'est le cas c'est que nous serons toujours dans la compétition.

Mahé lui sourit simplement trop épuisée pour faire autre chose et s'allonge sur le dos. La douleur la dévore. Elle cherche à voir ce que fait le Capitaine. Il est en train de la regarder, le regard voilé d'une tristesse infinie. Ses lèvres s'étirent en un sourire imperceptible, qu'elle seule a le temps de voir et qui semble lui être adressé. Quel homme étrange. Il prend la parole:

- Félicitations vous avez remporté la première épreuve. Un camp médical a été dressé pour vous. Vous allez recevoir les soins dont vous avez besoin et ensuite nous vous reconduirons dans vos maisons Dépotoirs. 

Des soldats arrivent avec des brancards, les déposent délicatement dessus, et les transportent jusqu'à une grande tente. Mahé qui s'attendait à un campement de fortune, est surprise de voir qu'il y a quatre lits propres et confortables, entourés d'équipements high-tech. Une porte donne sur ce qui doit être une capsule bloc chirurgical. Ils y emmènent d'ailleurs directement la Sans Fonction blessée à l'épaule et ils les installent chacune dans un lit. Trois infirmiers entrent dans la chambre équipés de mini blocs chirurgicaux. Ils leurs demandent de glisser leurs mains dedans. Tout de suite la douleur devient moins intense, la fatigue l'assomme d'un coup et, bercée par le ronronnement des machines, elle s'endort profondément.

Quand elle se réveille la nuit est tombée. Ses mains ont été pansées et de gros bandages les entourent. Chaque partie qui dépasse de sa combinaison a été nettoyée et elle a une grande bande autour des côtes et un plâtre sur le nez. Elle relève un peu son buste pour voir ce que fait Camille. Elle dort encore, les même pansements autour des mains. Quel calme étrange après cette boucherie. Mahé n'arrive pas à comprendre comment ces hommes peuvent être si cruels  et pourtant s'occuper aussi bien d'elles maintenant. Elle a vu très peu d'infirmiers et de militaires dans la tente avant de s'endormir. Mais tous semblent différents des hommes présents pendant l'épreuve. Ils posent sur elles un regard gentil ,presque intimidé et paraissent troublés par la situation. Elle entend Camille bouger, puis des pas à l'entrée de la tente. Elle ferme les yeux ,les gardant mi-clos. C'est le Capitaine qui se déplace en faisant le moins de bruit possible. Il passe voir les deux filles avant elle ,sans expression sur le visage comme quelqu'un qui fait simplement son travail. Il arrive à sa hauteur, la respiration de Mahé s'accélère . Il se penche au dessus d'elle comme il l'a fait pour les autres et elle ouvre les yeux. Il est  surpris par son réveil mais reprend très vite son expression impénétrable. Il la regarde dans les yeux et comme pour les autres touche sa perfusion. Elle sent un morceau de papier  qu'il  glisse sous son bras. Il repart  vers la quatrième fille comme si de rien n'était. 

Mahé regarde autour d'elle. C'est peut-être un piège? Peut- être la nouvelle épreuve? Elle lève les yeux vers le plafond à la recherche d'une caméra et en distingue trois . lire le message va s'avérer très compliqué. Elle devra le faire rapidement , car elle ne pourra pas le cacher sur elle. Ils vont la forcer à se mettre nue pour la décontamination. Elle remonte le drap le plus haut possible, referme les yeux tout doucement et presque sans bouger, fait glisser le papier sur son ventre . Elle tente de le déplier en essayant de faire le moins de bruit possible. Mais elle n'y arrive que partiellement,  gênée par les pansements. Après plusieurs tentatives, elle le fait remonter à la hauteur de sa poitrine. Elle veut soulever doucement le drap quand elle se rend compte qu'une des caméras s'est braquée directement sur elle. Elle arrête de bouger pendant un très long moment feignant l'endormissement, puis n'y tenant plus elle entrouvre ses paupières et regarde l'heure. Seulement vingt minutes sont passées depuis sa précédente tentative. Il est déjà deux heures du matin. Ils ne vont sûrement pas les laisser là toute la journée demain.

Il faut absolument  qu'elle trouve une solution !

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