L'indicible

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    Justine ne s'est pas trompée quelque chose arrive.  Elle entend du bruit dans les tuyaux. Il fait tout à coup presque complètement jour dans la caisse. La lumière l'agresse et lui fait mal aux yeux. Elle sursaute, se sentant totalement désorientée. Voir aussi bien les contours de sa prison est épouvantable.

- Ils jouent avec tes nerfs. Chuchote t'elle. Ne panique pas. ça va aller.

Un bruit curieux comme un frottement bruisse à l'intérieur d'un des conduits. Ca ne peut être, ni de l'eau ni de la nourriture, cela serait déjà tombé. Elle s'affole. L'angoisse l'étreint de plus en plus et elle se plaque de plus belle contre la paroi. Le frottement, ou plutôt les frottements se rapprochent. Elle fixe les ouvertures quand elle les voit. D'énormes pattes noires en sortent suivies par des corps velus .Des araignées rentrent par dizaines dans la caisse!  Son premier réflexe est de hurler, mais elle se retient de justesse. Elle plaque ses mains sur sa bouche et se met à pleurer, pressant tellement fort ses lèvres qu'elle a du mal à respirer. Les araignées sont sa phobie! Elles sont partout maintenant, sur elle, dans ses cheveux! Justine s'évertue à les chasser en faisant de grands moulinets désordonnés, se tapant les mains, les coudes et les jambes contre les planches de bois, retenant toujours le cri niché dans sa gorge. Elle ne peut plus s'arrêter de bouger.  Elle les sent partout. Elle hoquète à présent, quasiment hystérique, balançant ses membres de tous les côtés . Elle fait un grand geste sur la droite en sentant une araignée sur son cou et se cogne le bras contre le bois. Elle entend un grand crac. La douleur est si fulgurante, que ça détourne son attention quelques secondes des arthropodes. Elle ne peut plus remuer son bras, ni le plier. Du sang coule le long de sa main et sur le sol. Elle est prise d'un vertige. Les araignées que tous ces mouvements brusques ont effrayées sont toutes agglutinées dans les coins et forment une masse noirâtre, grouillante et menaçante.

Justine suffoque. Son cœur bat trop vite. Entre la douleur et la peur, il s'emballe littéralement. Elle se dit qu'elle va crier mais n'en a pas la force et s'évanouit . Elle est réveillée par la douleur et le froid. Où est elle? Elle ouvre les yeux et se rappelle. Elle se met à hurler comme une démente, ne pensant plus qu'à sortir. Et comme d'autres avant elle , tape comme une forcenée sur les parois de sa caisse, se griffant et se blessant. Son regard ne voit plus vraiment, les digues sont rompues,  la folie n'est pas loin. Elle continue jusqu'à ce qu'elle soit épuisée. Elle sait à présent qu'ils ne viendront pas. Prostrée, elle se place face contre le bois et marmonne sans s'arrêter. Une heure passe, peut-être plus. Elle a perdu la notion du temps. Elle n'est plus que souffrance et peur. Elle n'est plus elle même. 

 Un énorme craquement la fait revenir un peu à elle et le couvercle de sa boite s'ouvre. La lumière du jour jaillit et l'aveugle. elle n'ose pas bouger. On la soulève sans ménagement. Ils époussètent ses vêtements pour faire tomber les dernières araignées qui doivent y être encore accrochées, la mettent sur une civière et la ramènent vers un camion blanc beaucoup plus grand que les autres. A l'intérieur, du matériel médical pour la soigner. Un médecin arrive , suivi d'une Sans Fonction qui lui retire ses vêtements. Ils sont obligés de découper son pull et son manteau pour dégager son bras. Justine a mal partout et est en état de choc. Elle se laisse faire comme si elle n'était pas là. Un infirmier entre :

- Vous vous êtes salement amochée! Dit le docteur en la regardant à peine. Vous avez une double fracture du bras gauche ainsi que le petit doigt de la main droite cassé et de multiples plaies sur les mains , les jambes et sur le visage. Nous allons essayer de vous soigner au mieux. Buvez, ça va calmer vos douleurs. 

L'infirmier se rapproche d'elle et place son bras dans un bloc chirurgical . Les pinces robotisées, ressoudent ses os et lui font dix points de suture . Pendant que le bloc travaille à la réparer , l'infirmier nettoie et panse ses plaies . Il attend que le médecin soit sorti et lui glisse avec un sourire mauvais

- Tu t'es pas loupée! Tu parles d'un spectacle! Incapable de rester plus de deux jours dans une caisse!

Justine n'a pas la force de répondre. Elle le regarde sans le voir et continue à avaler bien sagement le liquide amer qu'il lui reste à ingurgiter. Elle sent qu'elle va s'endormir. Elle a à peine le temps d'ouvrir les lèvres et de demander

- Est ce que j'ai...

Qu'elle sombre dans un profond sommeil. 

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