L'horreur

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Vincent vient de sortir du tunnel, il fait déjà nuit. Il descend sa vitre pour sentir les odeurs de la terre . Quelques flocons se fraient un chemin dans l'habitacle. Il sourit, Jules et Louise vont être ravis par cette tombée de neige. Demain ils pourront tous faire un bonhomme de neige si les chutes sont assez conséquentes. Il a tellement hâte de rentrer. Justine n'est pas bien, il le sait, elle tente de donner le change. Ce week-end va leur faire le plus grand bien!

 Aujourd'hui, Il n'est même pas sorti de son bureau. Se retrouver au  milieu de tous ces grattes- ciel, dont il ne voit même pas les derniers étages à cause du nuage de pollution de plus en plus dense qui les recouvre, le démoralise. Que ce silence est le bienvenu! La ville n'est qu'un tumulte de bruits incessants, un espace confiné ,un enchevêtrement de routes qui passent les unes sur les autres pour pouvoir gagner le maximum d'espace. 

Comment en sont- ils arrivés là ? Le monde si beau auparavant est défiguré! 

Vincent est tombé sur un article clandestin il y a quelques jours de cela qui expliquait qu'en changeant de méthodes, en utilisant de nouvelles énergies et surtout en décloisonnant les villes, on pourrait considérablement améliorer la qualité de vie de chaque habitant. C'est vrai que toutes les grandes métropoles du monde sont à présent ceintes par de grandes murailles avec des tunnels à diverses entrées. Comme si on voulait tous les parquer au même endroit. Mais pour les empêcher de faire quoi? Il sait que là, se trouve la réponse à ses questions. A partir de maintenant il faut qu'il se montre plus prudent, surtout si les ordinateurs sont couplés . Demain, il passera chez Jacques, hacker de génie, qui avec son matériel ultra sophistiqué, pourra peut-être lui donner des réponses, au moins pour la deuxième épreuve.

Il n'est pas loin de chez ses parents, mais il préfère rentrer directement à la maison . Plus que quelques minutes et il sera chez lui. Il fait les derniers kilomètres comme un automate, il tourne dans sa rue et voit au loin le bois qui borde sa maison, il regarde par habitude sa grande façade blanche . Toutes les lumières sont allumées! Même celles du jardin! La maison semble le défier d'un air mauvais. Il accélère ne comprenant pas pourquoi toutes les pièces sont éclairées. Il se force à descendre lentement de sa voiture malgré l'angoisse qui le tenaille. Du coin de l'œil, il saisit un mouvement fugace dans un véhicule situé à quelques mètres de son portail. Ils ont dû le mettre sous surveillance. Il marche d'un air détaché jusqu'à chez lui, ouvre la porte et la ferme doucement. La maison est silencieuse comme la mort . Il descend tous les volets électriques, sauf celui de la cuisine et se met à appeler Justine et les enfants, pas trop fort pour ne pas les inquiéter. N'obtenant pas de réponse il se met à courir et à hurler leurs prénoms. Il remarque une tâche de sang dans la salle à manger, il se rue dans la cuisine. Personne. Il se dirige vers l'escalier quand il voit des gouttelettes rougeâtres sur le sol, il monte les marches quatre à quatre, glissant et se tapant violemment le genou sur le bord de l'une d'elles. Il étouffe un cri et se relève aussitôt pour reprendre son ascension, appelant toujours .

- Papa! Papa! Vite! C'est la voix affolée de Jules qui vient de la chambre de Louise.

- PAPA!!!!!!!! Jules ne crie plus ,il hurle. 

Vincent entre dans la pièce et se sent défaillir.

Sa fille est allongée dans son lit recouverte par sa couette bleue, son oreiller blanc couvert de sang. Elle a un grossier bandage autour de la tête. Ses yeux sont obstinément clos. Jules, le regard fou, s'est fait pipi dessus. Il tient la main de sa sœur, son petit visage déformé par la douleur. Il se balance d'avant en arrière. Il marmonne:

- Ils sont venus chercher maman et ils ont frappé Louise. Ils sont venus chercher maman et ils ont frappé Louise, ils sont venus...

Vincent serre son fils contre lui:

L'ÉmancipationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant