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Le lendemain matin, je me réveillai avec une étrange sensation de flottement. Comme si le monde autour de moi était en suspens, prêt à éclater à tout moment. Lori était déjà partie, sans un mot, pour l'un de ses rendez-vous d'affaires habituels. Elle n'avait même pas jeté un regard dans ma direction en quittant la maison. Mais je savais que son silence n'était qu'un signe de plus que quelque chose se tramait.

Rick n'était pas dans la chambre, et cela ne me surprit pas. Il avait dû partir tôt, probablement pour éviter une nouvelle confrontation avec Lori. Malgré ses promesses de la veille, je sentais qu'il était tendu, tiraillé entre sa loyauté envers sa femme et ses sentiments pour moi. Cette tension le rongeait de l'intérieur, et bien que je comprenne sa position, cela n'en restait pas moins douloureux.

Je me levai lentement, prenant le temps d'embrasser le calme de la maison avant que la journée ne démarre véritablement. Judith et Carl dormaient encore, et la lumière douce du matin filtrait à travers les rideaux. Je savourai ce moment de solitude, une parenthèse fragile avant que la réalité ne reprenne ses droits.

Après avoir préparé le petit-déjeuner pour les enfants et les avoir installés à table, je m'assis à la fenêtre de la cuisine, regardant le jardin. Mes pensées vagabondaient sans cesse vers Rick, vers Lori, vers ce triangle infernal dans lequel je me trouvais piégée. Rick m'avait promis qu'il me protégerait, qu'il ne la laisserait plus m'humilier, mais cela suffirait-il vraiment ? Lori n'était pas du genre à abandonner. Elle se battait pour garder le contrôle, et je savais qu'elle n'avait pas encore dit son dernier mot.

La journée se déroula comme un ballet bien orchestré. Carl jouait dans le salon avec ses jouets, et Judith gazouillait joyeusement dans mes bras pendant que je la nourrissais. Le quotidien des enfants me donnait une certaine stabilité, une routine qui m'aidait à maintenir le cap dans cette mer agitée. Mais chaque instant de calme me rappelait aussi que cette tranquillité était temporaire.

En fin d'après-midi, alors que Judith s'endormait pour sa sieste, je décidai de sortir prendre l'air. La villa Grimes possédait un immense jardin, et j'aimais y marcher, me perdant dans mes pensées parmi les arbres et les allées de gravier. C'était le seul endroit où je me sentais vraiment libre, loin des murs oppressants de la maison, loin des regards perçants de Lori.

Je marchais depuis quelques minutes lorsque j'entendis des pas derrière moi. Mon cœur se mit à battre plus vite. Instinctivement, je savais que c'était Rick. Je me retournai et le vis s'approcher, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, l'air sombre et préoccupé.

- Elyria, dit-il doucement en arrivant à ma hauteur.

Je l'observai un moment sans répondre. Il semblait aussi épuisé que moi. Ses traits étaient tirés, ses épaules légèrement voûtées comme si le poids de cette situation commençait à le briser. Pourtant, il restait cet homme fort et mystérieux qui avait bouleversé ma vie, qui m'avait montré que j'étais capable d'aimer à nouveau.

- Je ne pensais pas te revoir aujourd'hui, dis-je finalement, essayant de cacher la petite note de soulagement dans ma voix.

Il hocha la tête sans vraiment me regarder, fixant un point invisible dans le jardin.

- J'ai dû partir tôt ce matin pour régler des affaires, expliqua-t-il. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser à toi... à nous.

Ces quelques mots suffirent à faire fondre la carapace que j'avais érigée autour de mon cœur. Nous. Le simple fait qu'il envisage encore ce « nous » malgré tout me donnait une lueur d'espoir. Mais je savais que cette situation ne pouvait pas durer éternellement. Lori finirait par découvrir la vérité, et alors, tout éclaterait.

- Rick, on ne peut pas continuer comme ça, murmurai-je en baissant les yeux. Chaque jour qui passe, on prend de plus en plus de risques.

Il s'approcha encore, ses doigts frôlant ma main, envoyant une décharge électrique à travers tout mon corps.

- Je le sais, Elyria, souffla-t-il. Mais je ne peux pas te laisser partir. Pas maintenant. Pas après tout ce qu'on a partagé.

Je levai les yeux vers lui, cherchant une réponse dans son regard, une solution à ce dilemme impossible. Son visage était marqué par une douleur sincère, un combat intérieur qu'il ne pouvait plus ignorer. Je voyais bien qu'il était au bord de l'abîme, tout comme moi.

- Lori va finir par comprendre, continuai-je d'une voix tremblante. Et elle ne s'arrêtera pas avant de me détruire.

Rick secoua la tête, ses yeux s'assombrissant davantage.

- Je ne la laisserai pas faire, dit-il fermement. Je te protégerai, Elyria. Peu importe ce que ça me coûte.

Je fermai les yeux un instant, submergée par ses paroles. Il voulait me protéger, mais à quel prix ? Nous jouions avec le feu, et je craignais que, tôt ou tard, nous finissions par tout perdre.

Le bruit d'une voiture entrant dans l'allée me fit brusquement ouvrir les yeux. Lori. Elle était déjà de retour. Mon estomac se noua, et je fis un pas en arrière, rompant le contact avec Rick. L'urgence de la situation revenait à la charge. Je ne pouvais pas me permettre de baisser ma garde, pas maintenant.

- Elyria, attends... souffla Rick en avançant vers moi, mais je levai une main pour l'arrêter.

- Non, Rick, pas maintenant. Lori est là.

Je n'avais pas besoin de lui dire plus. Il comprit, et son regard se durcit. Nous ne pouvions plus continuer comme ça. Quelque chose devait changer.

Je m'éloignai rapidement, retournant à l'intérieur avant que Lori n'ait le temps de me voir dehors avec Rick. Je montai directement dans ma chambre, essayant de reprendre mon souffle. À travers la fenêtre, je vis la voiture de Lori se garer devant la maison. Elle descendit rapidement, vêtue de l'une de ses élégantes tenues de travail, ses talons claquant avec autorité sur le gravier.

À peine entrée dans la maison, sa voix résonna dans le hall.

- Rick ! cria-t-elle avec une exaspération à peine dissimulée. Où es-tu ?

Je fermai les yeux un instant, le cœur battant. La tempête approchait, et je ne savais pas combien de temps encore je pourrais y résister. Mais une chose était certaine : je n'allais plus me laisser faire. Ni par Lori, ni par la peur qui m'avait trop longtemps paralysée.

Quand Rick descendit enfin pour la rejoindre, je restai cachée dans l'ombre, écoutant la conversation de loin. Lori semblait nerveuse, peut-être même plus que d'habitude. Quelque chose la troublait, et je sentais qu'elle allait encore déverser son mépris, probablement sur moi.

Je me redressai. Peu importe ce qu'elle dirait ou ferait, je ne fuirais plus. Pas cette fois.

BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant