#17

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Ce soir-là, l'orage grondait dehors, résonnant à l'unisson avec le tumulte qui se déchaînait en moi. J'avais passé la journée entière à tenter de tenir bon, à m'occuper des enfants comme si tout allait bien. Pourtant, chaque interaction avec Rick, chaque regard échangé, chaque mot prononcé résonnait comme un coup de marteau contre la forteresse que j'avais construite autour de moi.

Mais cette forteresse se fissurait.

Après avoir couché Carl et Judith, je m'étais réfugiée dans ma chambre, espérant y trouver un peu de répit. Mais la tempête intérieure ne se calmait pas, au contraire, elle ne faisait qu'empirer. Je ne pouvais plus ignorer l'évidence : je ressentais quelque chose pour lui. Quelque chose de fort, de troublant, quelque chose que je n'aurais jamais voulu admettre.

Rick Grimes n'était plus seulement cet employeur distant, cet homme arrogant pour qui j'avais juré de ne jamais rien ressentir. Il était devenu bien plus que ça. Et c'était précisément ça qui me terrifiait.

Allongée sur mon lit, je regardais le plafond, mes pensées tourbillonnant sans relâche. Lori était partie pour un moment, mais elle finirait par revenir. Et lorsque ce jour arriverait, tout cela deviendrait encore plus insupportable. Je ne pouvais plus continuer comme ça, à refouler ce que je ressentais, à lutter contre des sentiments qui me dévoraient de l'intérieur.

Je poussai un soupir tremblant et me redressai, passant une main dans mes cheveux, nerveuse. Il fallait que je mette un terme à tout ça. Que je parte ou que je... Non. Non, je ne pouvais pas envisager cette autre possibilité.

Mais malgré mes résolutions, malgré mes peurs, une pulsion irrésistible me poussa hors de ma chambre. Je ne savais pas ce que je faisais. Peut-être que c'était l'orage qui me donnait l'impression d'être en décalage avec la réalité. Ou peut-être que j'étais tout simplement fatiguée de lutter. Je déambulai dans le couloir, mes pieds me portant presque malgré moi vers le bas de la maison.

La lumière dans le salon était allumée, et je le vis, assis sur le canapé, un livre à la main. Rick. Il leva la tête à mon approche, son visage se figeant de surprise en me voyant. Nos regards se croisèrent, et quelque chose changea dans l'air, un frisson palpable, une tension insoutenable qui nous tiraillait depuis des semaines.

Je restai plantée là, au seuil de la pièce, incapable de prononcer un mot, incapable de bouger. Mon corps tout entier semblait sur le point de céder, de se précipiter vers lui. Mais ma tête criait encore de résister, de fuir.

- Elyria, dit-il enfin, sa voix basse et pleine d'inquiétude. Est-ce que tout va bien ?

Je secouai la tête, incapable de répondre autrement. Non, ça n'allait pas. Rien n'allait.

- Je... Je ne peux plus faire ça, murmurai-je, presque à moi-même, mais assez fort pour qu'il m'entende.

Il fronça les sourcils, posant son livre sur la table basse, se redressant légèrement. Il y avait cette même sincérité dans ses yeux, cette chaleur qui m'appelait malgré moi.

- Faire quoi ? demanda-t-il doucement, sa voix pleine de cette patience qui me déstabilisait encore plus.

Je respirai profondément, tentant de rassembler le peu de courage qu'il me restait. Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait éclater. Les mots s'étranglèrent dans ma gorge, refusant de sortir.

- Tout ça, soufflai-je enfin, faisant un vague geste de la main. Nous... Toi... Moi... Cette maison. Je ne peux plus lutter.

Son visage se tendit légèrement, comme s'il comprenait enfin ce que j'essayais de dire sans vraiment le dire. Il se leva lentement, s'approchant de moi avec une précaution infinie, comme s'il craignait de me faire fuir en avançant trop vite. Mais je ne pouvais plus fuir.

- Elyria, commença-t-il, sa voix rauque. Si c'est trop difficile pour toi, si tu veux partir, je...

- Non, l'interrompis-je brusquement. Ce n'est pas ça.

Je fis un pas en avant, réduisant la distance entre nous. Mes pensées étaient chaotiques, tout comme mon cœur. Mais je savais une chose : je ne voulais plus m'éloigner de lui.

- Ce n'est pas que je veux partir... c'est que je n'arrive plus à t'éviter, avouai-je, la voix tremblante.

Il s'arrêta net, à quelques centimètres de moi, ses yeux plongés dans les miens. Je pouvais voir la bataille se livrer dans son regard, entre le désir de franchir cette ligne et la peur de ce que cela signifierait.

- Je ne veux pas te compliquer la vie, murmura-t-il enfin. Mais je ne peux pas non plus nier ce que je ressens.

Ses mots, si proches de ce que je vivais, me firent frissonner. Il faisait tomber ses propres barrières, celles qu'il avait maintenues en place pendant si longtemps. Et moi, je n'étais plus capable de maintenir les miennes.

Je fermai les yeux un instant, rassemblant le peu de courage qu'il me restait. Puis, dans un geste que je ne pouvais plus contrôler, je fis un pas de plus, franchissant cette ligne invisible que nous avions tous les deux si longtemps respectée.

- Je n'arrive plus à nier non plus, soufflai-je, ma voix à peine audible.

Avant même que je puisse comprendre ce qui se passait, Rick franchit à son tour cette dernière distance entre nous, sa main venant doucement se poser sur ma joue, son pouce effleurant ma peau avec une tendresse inattendue. Mon cœur s'emballa, battant à tout rompre dans ma poitrine.

- Elyria... murmura-t-il d'une voix rauque, ses yeux brûlant des mêmes émotions que je tentais de refouler depuis des semaines.

Et c'était fini. Je ne pouvais plus lutter. Tout ce que je ressentais, tout ce que j'avais tenté de repousser, éclata en moi comme une tempête. J'attrapai sa main contre ma joue et, dans un geste désespéré, je me penchai vers lui. Ses lèvres trouvèrent les miennes, et en un instant, tout le reste s'effondra.

Le baiser fut intense, chargé de semaines de tension et de désir réprimé. Il n'y avait plus de Lori, plus de responsabilités, plus de culpabilité, juste nous deux, ici, dans cette maison trop silencieuse.

Sa main glissa dans mes cheveux, me rapprochant de lui avec une urgence que je n'avais jamais ressentie auparavant. Et moi, je m'abandonnais totalement. Pour la première fois depuis des mois, je ne pensais plus à rien. Il n'y avait plus de place pour la raison, pour les peurs. Seulement lui, et ce que je ressentais à cet instant précis.

Nous nous séparâmes enfin, à bout de souffle, et je restai contre lui, mes mains toujours accrochées à sa chemise, comme si j'avais peur que tout cela disparaisse si je le lâchais.

- Je suis désolé, murmura-t-il, son front contre le mien. Je suis tellement désolé pour tout.

Je secouai la tête, les yeux encore fermés, refusant d'entendre ses excuses.

- Ce n'est pas ta faute, Rick. Rien de tout ça.

Mais même si je disais ces mots, je savais que la réalité nous rattraperait tôt ou tard. Nous venions de franchir une ligne, et rien ne serait plus jamais pareil.

BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant