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Le soir était tombé doucement sur la villa Grimes. Après une journée chargée d'émotions, je m'étais isolée dans ma chambre pour me reposer un peu. Les enfants étaient au lit, et le calme régnait enfin dans la maison. Pourtant, alors que je m'apprêtais à me plonger dans la lecture d'un livre, quelque chose attira mon attention.

Des voix étouffées provenaient du couloir. Celles de Rick et de Carl, qui semblaient avoir une conversation tardive. Curieuse, je m'approchai de la porte légèrement entre-ouverte. Mon cœur se serra à l'idée de les surprendre ainsi, mais quelque chose dans le ton sérieux de Carl piqua ma curiosité.

— Papa ? demanda Carl, sa voix enfantine teintée d'hésitation.

— Oui, mon grand ? répondit Rick avec cette douceur que je lui connaissais.

— Elyria... est-ce qu'elle est ton amoureuse ?

Mes mains se figèrent sur la poignée de la porte. La question m'atteignit comme un choc, un instant suspendu dans le temps. Je sentis mon souffle se bloquer dans ma gorge, et je me rapprochai un peu plus pour entendre la réponse de Rick.

Il y eut un silence. Je pouvais presque imaginer l'expression sur son visage, la surprise de devoir répondre à une question aussi directe, venant de son propre fils.

— Pourquoi tu me demandes ça, Carl ? demanda Rick d'un ton qui essayait de rester léger, mais où je pouvais déceler une pointe de nervosité.

Carl répondit, toujours aussi sérieux :

— Bah, c'est juste que... tu la regardes beaucoup, et tu es tout le temps gentil avec elle. Puis elle vit ici maintenant, comme avant maman.

Le cœur battant, je me sentis déstabilisée par la perspicacité de Carl. Les enfants voient et comprennent bien plus qu'on ne le pense. J'aurais dû m'y attendre. Mais entendre cela de la bouche d'un enfant de sept ans donnait une dimension encore plus réelle à la situation.

— Elyria est très importante pour moi, répondit finalement Rick après un long moment de réflexion. Et elle est aussi très importante pour toi et ta sœur, tu sais ça ?

— Oui... je l'aime bien, elle est gentille, répondit Carl d'une voix douce. Mais... ça me fait un peu peur.

Rick se redressa sûrement, et je devinai qu'il devait essayer de capter le regard de son fils.

— Peur ? De quoi, mon grand ?

— Si elle devient ton amoureuse, est-ce que maman va encore plus se fâcher ? Et... est-ce qu'elle va revenir ? demanda-t-il, la voix tremblante.

Mon cœur se serra pour Carl. Malgré tout ce que Lori lui avait fait subir, il restait profondément attaché à elle. C'était naturel. Il était juste un enfant pris au milieu d'un conflit qui le dépassait.

— Écoute-moi bien, Carl, dit Rick d'une voix grave et pleine de tendresse. Ce qui se passe entre ta maman et moi, ça n'a rien à voir avec Elyria. Maman et moi avons décidé de nous séparer parce que c'était la meilleure chose à faire, pour nous, et pour vous. Ça ne changera pas. Mais même si Elyria est là, cela ne veut pas dire que maman ne reviendra jamais vous voir. Vous resterez toujours ses enfants, et elle vous aimera toujours.

Carl resta silencieux pendant quelques secondes, digérant sûrement les paroles de son père. Je pouvais sentir à quel point cette conversation était difficile pour Rick, mais il faisait de son mieux pour protéger ses enfants du chaos qui les entourait.

— Alors, si Elyria n'est pas encore ton amoureuse, est-ce qu'elle peut le devenir ? demanda Carl avec une innocence touchante.

Je ne pus m'empêcher de sourire malgré la nervosité qui me rongeait. C'était une question si pure, si honnête, et pourtant elle résonnait tellement dans ce que je ressentais aussi. À cet instant, je mourais d'envie de savoir ce que Rick allait répondre.

— Je... ne sais pas encore, Carl, répondit Rick après un moment. C'est compliqué, tu sais. Ce genre de choses prend du temps. Mais ce que je peux te dire, c'est que quoi qu'il arrive, elle sera toujours là pour toi et Judith. Elle vous aime beaucoup, et elle fera toujours de son mieux pour que vous soyez heureux.

Carl sembla réfléchir à cette réponse, puis finit par murmurer :

— D'accord, papa. Je veux juste que tout le monde soit content.

Rick laissa échapper un petit rire étouffé.

— Moi aussi, mon grand, moi aussi.

Le silence retomba dans le couloir, et je sentis que la conversation touchait à sa fin. Mon cœur, lui, battait encore la chamade. Je savais qu'un jour, cette question devait surgir, et je savais aussi qu'il serait impossible d'ignorer ce que nous ressentions l'un pour l'autre. Mais entendre Rick en parler de manière aussi vulnérable à son propre fils me fit réaliser combien il tenait à moi, même si tout cela était encore fragile et incertain.

Je reculai doucement, laissant père et fils avoir leur moment. Dans ma chambre, les pensées se bousculaient. Ce que je ressentais pour Rick était plus fort que jamais, et cette question d'un enfant innocemment posée venait de mettre des mots sur ce que je tentais de dissimuler, même à moi-même.

Rick et moi devions nous confronter à ces sentiments. Et tôt ou tard, il faudrait que nous ayons une conversation similaire. Nous étions peut-être dans une tempête, mais je savais qu'il y avait quelque chose de précieux entre nous, quelque chose qui méritait d'être exploré, peu importe les risques.

Je me laissai tomber sur le lit, le regard fixé sur le plafond. Ce soir, Carl avait posé une question innocente, mais elle avait ouvert une brèche dans laquelle je n'étais pas prête à plonger. Pas encore. Mais la vérité, c'était que Rick n'était plus seulement mon employeur, ni même juste l'homme qui m'avait aidée à reprendre goût à la vie.

Il était devenu bien plus que cela.

Et il était temps de l'accepter.

BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant