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La journée avait commencé comme toutes les autres, avec le bruit familier de la grande maison Grimes qui s'éveillait lentement. Judith avait déjà gazouillé dans son berceau et Carl s'était précipité hors de sa chambre avec l'énergie débordante qui le caractérisait. Pour moi, une routine rassurante s'était installée, presque anesthésiante. M'occuper des enfants me permettait d'oublier, pendant quelques heures, la tension qui régnait dans cette maison, cette sensation oppressante de marcher sur un fil tendu entre deux mondes.

Rick était parti tôt ce matin-là. Je l'avais à peine vu avant qu'il ne s'enferme dans son bureau pour une série de réunions. Quant à Lori, elle était restée dans l'ombre, froide et distante, comme à son habitude. Mais aujourd'hui, quelque chose semblait différent dans son attitude. Un nuage d'hostilité planait au-dessus d'elle, plus lourd, plus tangible que d'habitude.

Les heures passèrent, et je m'affairai à mes tâches quotidiennes. En fin de matinée, je montai Judith dans sa chambre pour la sieste, veillant à la border délicatement. Sa respiration devint calme et régulière, et je me sentis apaisée en la regardant dormir. Pourtant, cette paix ne dura pas longtemps.

Alors que je redescendais dans le salon, j'entendis des bruits de talons résonner sur le carrelage marbré de la cuisine. Lori se tenait là, appuyée contre l'îlot central, un verre de vin à la main. Son regard s'était immédiatement braqué sur moi dès que j'avais franchi le seuil de la pièce, et je sentis une tension électrique dans l'air.

- Elyria, commença-t-elle d'une voix basse et menaçante. Il faut qu'on parle.

Je m'arrêtai net, mon cœur battant plus fort. J'avais appris à me méfier de Lori et de ses accès de colère. Depuis que j'étais entrée dans cette maison, elle avait toujours trouvé des moyens de me rappeler ma place : celle d'une fille sans fortune, d'une baby-sitter à ses yeux insignifiante, presque invisible. Pourtant, aujourd'hui, son ton était différent. Il y avait une colère froide dans sa voix, un ressentiment qui n'avait jamais été aussi palpable.

- Oui, Madame Grimes ? dis-je, tentant de garder une voix calme.

Elle posa son verre avec une lenteur calculée, puis se redressa, me faisant face. Son visage, habituellement si maîtrisé, était aujourd'hui figé dans une expression de mépris total.

- Tu crois que je ne te vois pas, toi et tes petits jeux ? commença-t-elle, un rictus déformant ses lèvres. Tu crois que je suis aveugle, que je ne remarque pas la façon dont tu regardes Rick ?

Mon souffle se coupa. Mon esprit se mit à tourner, essayant de comprendre ce qu'elle insinuait. Une vague de panique monta en moi, mais je tentai de garder mon calme.

- Je... Je ne comprends pas de quoi vous parlez, balbutiai-je.

Elle éclata de rire, un rire froid et sans joie.

- Oh, arrête. Tu n'es qu'une petite fille qui pense pouvoir jouer dans la cour des grands. Rick est un homme, un vrai homme, avec des responsabilités, et toi... tu n'es rien. Juste une baby-sitter désespérée, n'est-ce pas ?

Chaque mot était un coup, un rappel douloureux de la différence de statut entre nous. Je me mordis l'intérieur de la joue, tentant de ne pas laisser mes émotions transparaître. Je ne pouvais pas répliquer. Elle avait tout le pouvoir, et moi, rien.

- Madame Grimes, je vous assure, je n'ai jamais... commençai-je, mais je fus brutalement interrompue.

Lori s'avança vers moi en un éclair, son visage déformé par la colère. Avant que je ne puisse réagir, sa main fendit l'air et s'écrasa sur ma joue avec une violence que je n'avais pas anticipée. Le choc me fit reculer d'un pas, et la douleur éclata instantanément, un feu brûlant irradiant de ma joue. Je portai ma main à mon visage, stupéfaite, incapable de croire ce qui venait de se passer.

BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant