#9

73 3 1
                                    


Le silence dans la villa semblait plus lourd que jamais ce matin-là. Après la nuit précédente, où Rick avait tenté de me convaincre de ne plus affronter mes démons seule, quelque chose s'était fissuré en moi. Je n'avais pas pu dormir. Chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais son regard, je sentais encore la chaleur de sa main sur ma joue, et je luttais pour ignorer le tourbillon d'émotions qui m'envahissait.

Mais maintenant, en pleine lumière du jour, tout me semblait plus clair, plus effrayant aussi. J'avais reculé devant lui, j'avais refusé son aide, et pourtant, je savais qu'il ne me lâcherait pas. Rick était de ces hommes qui n'abandonnent jamais, et malgré tout ce que je pouvais dire ou faire, il resterait là, à vouloir m'aider. À vouloir plus, peut-être.

Je descendis les escaliers, le cœur lourd, essayant de me concentrer sur mes tâches habituelles. Carl était déjà devant la télévision, absorbé par ses dessins animés. Judith gazouillait joyeusement dans son parc, innocente à tout ce qui se passait autour d'elle. Leur insouciance était presque douloureuse à voir. J'enviais cette légèreté.

En entrant dans la cuisine, je fus accueillie par l'odeur du café fraîchement préparé. Rick était là, assis à la table, un journal devant lui, mais je pouvais sentir qu'il ne lisait pas vraiment. Ses yeux étaient perdus dans le vide, son attention manifestement ailleurs. Il leva brièvement les yeux vers moi quand je franchis la porte, mais aucune de ces confrontations intenses de la veille ne s'afficha sur son visage. Il se contenta d'un simple hochement de tête, comme si de rien n'était.

- Bonjour, dit-il, sa voix délibérément neutre.

- Bonjour, répondis-je, tout en me servant une tasse de café.

Le silence s'installa de nouveau. Il n'y avait pas de tension palpable, mais une sorte de vide entre nous, un vide que ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir combler. J'aurais dû être soulagée qu'il n'évoque pas ce qui s'était passé, mais une part de moi se sentait déçue. Peut-être que cette distance froide et polie était pire que le conflit.

Je pris une gorgée de café, fixant le liquide noir dans ma tasse pour éviter de croiser son regard. Mais je sentais qu'il m'observait, qu'il attendait quelque chose, une ouverture, une excuse, peut-être. Et malgré mes efforts pour l'ignorer, je savais que je ne pourrais pas rester indéfiniment dans cette position.

- À propos de la nuit dernière... commença-t-il finalement, sa voix calme mais teintée d'un sérieux qui m'alerta immédiatement.

Je posai ma tasse avec précaution, mon cœur s'accélérant malgré moi. Il n'avait donc pas oublié.

- Rick, je... commençai-je, cherchant les mots.

- Tu n'as pas besoin de m'expliquer, coupa-t-il, me surprenant. Je comprends que c'était une situation difficile pour toi. Mais je ne peux pas juste faire semblant de ne pas savoir ce que tu traverses.

Je restai silencieuse, mes mains se resserrant autour de la tasse chaude. Son regard pesait sur moi, insistant, comme s'il cherchait à percer mes défenses une fois de plus.

- Je t'ai suivie hier parce que je sentais que quelque chose n'allait pas, avoua-t-il doucement, baissant légèrement la voix. Et maintenant que je sais... je ne peux pas rester là, les bras croisés.

Je me redressai, mes émotions prêtes à déborder. Comment pouvais-je lui faire comprendre que c'était justement cette implication que je redoutais ? Que plus il tentait de me sauver, plus je risquais de sombrer ?

- Tu ne peux pas m'aider, Rick, insistai-je d'une voix plus froide que je ne l'aurais voulu. Je ne suis pas ton problème. J'ai des dettes, oui, mais je ne veux pas que tu t'en mêles.

Il secoua la tête, son expression devenant plus dure, presque obstinée.

- Tu ne vois pas, Elyria. Ce n'est pas juste une question de dettes. Tu es en danger. Ces types... ils ne s'arrêteront pas là. Et je ne veux pas que tu te retrouves prise dans une situation encore plus grave.

Je sentis la panique monter en moi. Il avait raison, bien sûr. Je le savais depuis longtemps. Mais je ne pouvais pas accepter son aide. Parce qu'accepter son aide, c'était accepter tout ce que cela impliquait. Et il y avait Lori. Ses enfants. Cette vie qui n'était pas la mienne.

- Et qu'est-ce que tu veux que je fasse, alors ? rétorquai-je, ma voix légèrement tremblante. Que je me repose sur toi, alors que tu as une famille ? Que je devienne un fardeau dans ta vie ?

Je me levai brusquement, incapable de rester assise plus longtemps. L'angoisse, la frustration, tout se mélangeait en moi. Rick se leva également, mais cette fois, il ne tenta pas de s'approcher. Il se contenta de me fixer, son regard intense mais indéchiffrable.

- Je ne te vois pas comme un fardeau, répondit-il calmement. Jamais.

Ses mots me frappèrent plus fort que je ne l'aurais cru. Il me regardait comme si j'étais importante, comme si je méritais d'être sauvée. Mais je ne pouvais pas. Pas comme ça. Pas par lui.

- Ce n'est pas si simple, Rick, murmurai-je, presque pour moi-même.

Il se rapprocha alors, lentement, et je sentis à nouveau cette tension électrique entre nous, ce courant sous-jacent qui ne faisait que grandir à chaque moment passé ensemble.

- Pourquoi pas, Elyria ? demanda-t-il doucement. Pourquoi est-ce que tu te refuses à accepter que je veux t'aider ? Que je *peux* t'aider ?

Je levai les yeux vers lui, sentant mon cœur s'emballer. Il était trop proche, trop réel, et tout en moi criait de fuir. Mais mes pieds restaient ancrés au sol, comme figés.

- Parce que tu es marié, Rick. Parce que tu as une famille. Parce que tout cela... est interdit, soufflai-je enfin, les mots sortant d'eux-mêmes.

Le silence qui suivit fut encore plus lourd que celui qui nous avait entourés jusqu'ici. Rick ne bougea pas, mais je vis ses yeux s'assombrir. Il savait que j'avais raison. Mais au lieu de s'éloigner, au lieu de reculer face à cette réalité, il se contenta de rester là, à me fixer comme si cela pouvait tout effacer.

- Je sais que c'est compliqué, murmura-t-il finalement, sa voix rauque. Mais je ne peux pas m'empêcher de te vouloir dans ma vie, Elyria. Même si ça semble impossible.

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine à ses mots. C'était trop. Il était trop proche, ses mots trop puissants, et je ne pouvais plus supporter cette proximité. Sans réfléchir, je fis un pas en arrière, rompant le contact visuel.

- Je ne peux pas, Rick, dis-je, presque à bout de souffle. Je ne peux pas faire ça. Ni à toi, ni à moi.

Je tournai les talons avant qu'il ne puisse répondre, avant que ses mots n'ébranlent encore plus mes défenses. Je montai les escaliers rapidement, sentant les larmes me monter aux yeux sans que je ne puisse les arrêter. Mon cœur battait à tout rompre, et chaque pas que je faisais semblait m'éloigner un peu plus de la réalité.

Arrivée dans ma chambre, je fermai la porte derrière moi et m'effondrai sur le lit, le visage enfoui dans mes mains. Pourquoi cela devait-il être si difficile ? Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ?

Je restai ainsi de longues minutes, luttant pour retrouver mon calme. Rick était en bas, dans cette maison, et chaque fibre de mon être me criait de descendre, de lui dire que je ressentais la même chose. Mais je ne pouvais pas. Parce que cela signifierait tout perdre. Parce que cela signifierait franchir une ligne qui ne pourrait jamais être retracée.

Et malgré tout ce que je ressentais pour lui, malgré cette attraction qui me consumait, je savais qu'il y avait trop en jeu.

Je devais rester forte. Pour lui. Pour moi.

BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant