Nice to eat you

Chapitre 2

Soixante-dix ans plus tard

Jersey City, New Jersey

Assis sur une borne en béton délimitant des places de parking, il renifle et crache un glaire dans une flaque d'eau avant de ramasser la canette qu'il a entre ses jambes, buvant une gorgée avant de la reposer. Son visage est caché par la capuche de son sweatshirt, casque sur les oreilles, il regarde des vidéos en streaming, scrollant de l'une à l'autre d'un mouvement fluide du pouce, n'accordant qu'un dixième de seconde à tout ceux qui cherchent leur seconde de célébrité en postant des vidéos plus stupides ou intéressantes les une des autres. Il n'y a personne d'autre dans les environs, juste lui et l'univers. Et les sirènes et coup de klaxons qui lui parviennent depuis la rue, vers l'éclairage orangé des lampes au sodium éclairant le ciel nocturne. En soupirant, il regarde le nom de la personne qui l'appelle avant de faire glisser son doigt sur l'écran.

« Salut.

- C'est ton tour de préparer le souper.

- J'arrive, » répond-il simplement avant de prendre sa canette et de la vider d'un coup, la posant sur sa borne en se levant, marchant en direction de la rue, quittant l'ombre de la ruelle.

Reniflant, il crache à nouveau contre le mur avant de sortir de la ruelle, tournant le coin du bâtiment en brique rouge faisant face à plusieurs bâtiments du même style, pour ouvrir la porte et sortir sa clé pour déverrouiller la deuxième porte. Retirant sa capuche de sur sa tête, il monte les marches de l'escalier, grimpant rapidement les deux étages. Essuyant ses pieds en entrant, il retire ses chaussures de sport et se dirige immédiatement dans la cuisine.

« Désinfecte-toi les mains ! Je ne sais pas où tu as traîné.

- Oui, M'man, » répond-il par automatisme à la voix fatiguée de sa mère, se lavant les mains avant de les essuyer sur son jean puis d'ouvrir le réfrigérateur afin de regarder ce qu'il y a puis d'ouvrir le congélateur.

« Tu n'as pas fait les courses, M'man.

- Je n'ai pas eu le temps, » répond la voix depuis le salon.

Mais tu as eu le temps d'acheter du vin, pense-t-il en voyant le bouchon vissé dans le tire-bouchon et le capuchon en aluminium laissés sur le comptoir.

Ouvrant un placard, il prend la boîte qu'il est sûr de trouver, avant de verser les macaronis dans une poêle, d'y ajouter de l'eau puis de verser la poudre sur le dessus avant de déposer une cuillère à soupe de beurre au centre avant de remuer jusqu'à ce que ce soit prêt, versant la préparation dans deux bols avant d'y planter deux cuillères. Arrivant dans le salon, il voit sa mère installée dans le fauteuil inclinable, un verre de vin vide posé sur le guéridon à côté d'elle.

« C'est prêt. Il faudra faire des courses pour demain.

- Je te laisserai de l'argent, je fais un double demain.

- D'accord, M'man, » sourit-il en tendant la main pour l'aider à se redresser et se lever. La laissant s'asseoir, il retourne dans la cuisine avec le verre vide, ouvrant le réfrigérateur pour y verser une moitié de Chardonnay, posant le verre à côté du bol de sa mère.

« Merci, mon chéri. »

S'asseyant, il incline la tête et prend la main que tend sa mère avant de réciter le bénédicité.

"Bénissez-nous, Seigneur, bénissez ce repas, que nous allons recevoir de votre bonté, au nom de Jésus-Christ, notre Seigneur, Amen !"

À peine lâche-t-il la main de sa mère qu'elle prend son verre en main et bois une gorgée, puis une autre, reposant le verre quasiment vide sous le regard réprobateur de son fils.