Chapitre 26

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Tous les pièges sont vides. C'est avec des cernes sous les yeux, masqués par du fond de teint, qu'Abby se résout à passer au plan B. Le van sorti du garage, elle sillonne les animaleries et fait quelques achats, plusieurs cages d'animaux installées à l'arrière. Répartissant les animaux dans différentes pièces de la maison, elle installe des bols avec de la nourriture et de l'eau avant d'attraper un lapin, le serrant dans ses bras en le caressant.

« Je suis désolée, je suis désolée, » murmure-t-elle en allant dans la cuisine, prenant le couteau posé sur le comptoir. Isabella, installée dans son fauteuil, recouverte d'un plastique pour ne pas se salir, attend son repas.

« Je suis vraiment désolée, » murmure-t-elle au lapin avant de trancher sa gorge et de présenter la plaie à Isabella qui se nourrit à pleines gorgées.

« C'est bon mon ange ? » demande-t-elle en s'asseyant à ses côtés, l'observant jusqu'à ce qu'elle recule, gavée. « Allez, hop, dans mes bras pour ton rot. » Tournant dans la maison en tapotant dans le dos de sa fille, elle attend jusqu'au rot salvateur, les faisant rire toutes les deux.

« Bon, on va y arriver. On va élever des animaux pour que tu les manges. Fini le sang de maman. »

Tout en écrivant son roman, Abby tient un journal simplement intitulé "Isabella" où elle note tout. Elle y parle de ses mères, de ce qu'elles ont vécues, de ce que Mela lui a parlé, de ce qu'elle vit depuis l'accouchement et la disparition des deux Mela. Elle veut laisser une trace de l'existence de Mela car elle ne vit que dans les souvenirs de ceux qui l'ont connus et qui sont encore en vie. La journaliste chinoise qui l'avait interviewé et elle. Elle prend des photos, regarde celles qu'elle a des deux Mela. Elle se confie sur l'amour qu'elle avait pour la bête, cherchant à l'expliquer mais c'est impossible. Il y avait simplement une alchimie entre elles. La bête l'avait envoûtée. Elle montrait sa vulnérabilité alors qu'elle faisait l'amour. Imprimant des photos, Abby les inséra dans son journal et repris sa rédaction avant de s'allonger près de sa fille, téléphone en main.

« Regarde, mon ange c'est maman, regarde comme elle est belle avec ses jolis yeux. Elle c'est ton autre maman, oui, elle a de beaux yeux bleus. Et hop, revoilà maman, » pleure doucement Abby, en essayant de se cacher.

Il lui fallut encore quelques semaines pour boucler son roman. Entre-temps, son cheptel se vidait et se garnissait. Isabella appréciait sa nourriture et ne se plaignait toujours pas. Elle souriait toujours, que ce soit au lever, après ses repas, pendant son bain ou au coucher. Elle souriait comme si elle connaissait un secret que personne d'autre ne connaissait. Comme par exemple sa mère végan la nourrissant en tuant des animaux. Abby avait au moins l'avantage de faire des nuits presque complètes, en dehors de ses cauchemars. Isabella ne réclamait pas de biberons et ne salissait pas sa couche.

Le lancement du roman programmé, Abby expliqua son projet pour son tome trois, elle devait reprendre la route. Cela lui fournissait une excuse pour ne pas être chez elle. Elle resterait joignable en visio-conférence, mais pas physiquement. Après avoir mûrement réfléchi à son plan, un soir, elle alla frapper à la porte du vétérinaire.

« Le bébé est malade ? » demanda-t-il aussitôt, en voyant Isabella.

« Non, elle va bien, merci. J'ai un énorme service à vous demander.

- Je vous écoute.

- Vous avez compris que ma femme cherche à éviter les hôpitaux au maximum.

- En effet.

- Le père de l'enfant n'est pas quelqu'un de bien et il fera tout pour la récupérer. Il ignore mon existence, nous nous sommes mariées sous une fausse identité mais... ma femme doit mourir. J'ai besoin d'un certificat de décès. Amelia Odonsdottir doit mourir. Vous pouvez m'aider ?

Nice to eat youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant