Ethan - 48

7.6K 549 10
                                    

Le courroux du type a agi comme un lion. Je ne sais pas combien de temps, il m'a battu en traitre, mais après le choc à la tête, on aurait dit que mon corps était bâti sur du sable. La douleur perçait, les ruées de coups assassins tombaient.

Le premier crochet dans les côtes était semblable à la foudre en pleine tempête. Je crois qu'il m'en a fêlé une.

Une grande inquiétude me prend de la tête aux pieds quand mon corps traîné par un gardien passe la porte. À cette vue effroyable, désastreuse, l'impression d'avoir un canon sur la tempe retentit tel un éclat dans mon cœur.

— Elle a froid, apportez une couverture !

Je voudrais renverser le temps. Redonner de la couleur à son teint pâle et effacer ses pleurs qui coulent en silence. Cette impression de mort imminente.

Je voudrais ne pas sentir ma poitrine se fissurer à la vue de son corps en état de choc ni sentir ses mains glacées ou son regard fixé droit devant sans m'apercevoir.

Son esprit s'est appuyé sur ses faiblesses de manière naturelle comme chaque fois qu'elle se sent mal, qu'elle a besoin de se protéger, qu'elle a peur d'être blessée. Elle s'abrite des douleurs qui affluent en mettant de la distance, en érigeant un mur de forteresse autour d'elle.

Peut-être n'a-t-elle jamais vécu de moment aussi violent ?

— Lysa, reviens.

Elle ne m'entend pas. Ses larmes coulent, coulent, coulent sans cesse, le corps sans réactions. J'ai l'impression que les vieilles douleurs ont vaincu les sentiments profonds. Son esprit s'est mis en mode défense et a enfilé son armure.

Par le passé, elle interdisait son cœur de parler pour éviter les sujets de discorde. Rester à mille lieues du problème était pour elle, le seul moyen de se mettre à couvert. Elle n'attendait plus rien de personne, n'en avait plus besoin.

Une main sur sa joue pour qu'elle me voie, pour que son visage d'ange combatte ses démons, une goutte salée roule sur mes doigts, me brûle désagréablement la peau.

Ma bouche blessée dépose un doux baiser sur son front afin d'éloigner toutes ces peurs qui l'étouffe avant de gommer la trace de sang laissée par mes lèvres.

Un vigile intervient.

— Le problème avec ce genre d'individu, c'est qu'une fois le verre en main, ils ne savent pas s'arrêter à temps. Ils veulent attraper le bon gibier, se montrer séduisants pour pouvoir draguer leur future prétendante. Et la plupart, sans même leur parler, entrent dans leur jeu.

— Vous ne compareriez pas ma fiancée à une fille de la rue ? Le refus n'est pas une incertitude. Non c'est non.

Une boule de colère m'empoigne la gorge, m'accable à la fois. C'est à mon tour de m'étouffer, de ne plus pouvoir respirer. Je n'arrive pas à secouer mon impuissance. Le comble pour un grand chef d'entreprise qui exerce à plein pouvoir. Mais je ne sais comment réagir quand j'ai devant les yeux un bonheur restreint et un rapport réduit.

Ces marques de mépris qu'elle laisse flâner sur son visage, je ne le supporte pas. Ni cette âpre solitude trop familière dans laquelle elle s'enferme.

J'aimerais faire de sa vie un art, un conte de fées qu'elle n'aurait pas à relire. Rythmé de plénitude, de sons harmonieux. Seulement à cause d'une autre vie, il me faudrait plus d'un siècle pour espérer la simplicité sans souffler le chaud et le froid. Incurable désarroi qui me condamne à entrevoir d'impossibles jours du bonheur la main dans la main.

L'envie d'aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant