Lysa - 42 -

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Plusieurs jours après ma tentative, j'arrive dans les locaux de chez Carlin's pour ma formation, la tête haute afin de faire bonne figure. Je me faufile dans le couloir jusqu'à mon bureau afin de m'activer comme une forcenée pour traiter les dossiers laissés à l'abandon.

Lutter de toutes mes forces pour le chasser de ma mémoire, je ne me sens pas encore prête à l'affronter. Je ne le serai jamais, je pense.

Je refuse de prolonger ma phase d'apitoiement en combattant le mal par le mal. Peut-être que cette fois se révélera plus efficace que la précédente. Désapprendre à l'aimer n'est pas aussi simple que je le croyais, ça fait plutôt un sacré mal de chien. Une douleur dévorante que je compte bien adoucir en l'oubliant. Si possible.

Midi pointant son nez et ayant clôturé une partie de mon travail d'arrière-garde, je file à la boulangerie acheter de quoi combler mon peu d'appétit. Sur le chemin du retour, mes pas se stoppent net sur le seuil de l'entrée, ne sachant plus comment respirer, tout coup.

Ma poitrine éclate en millier de petits morceaux, mes sentiments intenses m'explosent en pleine face en voyant Ethan au centre du hall en train de discuter avec un collaborateur. Cette rencontre non préméditée me procure un arrière-goût délicieux, dévorant des yeux, le maître des lieux comme une dépravée jusqu'à m'en faire mal dans tout le corps. Je ne pensais pas que la confrontation raviverait autant ma blessure. Une sacrée balafre !

Sois forte, Lysa. On combat le mal par le mal.

Sur ses lèvres flottent un sourire contrit que je feins de ne prêter attention quand il me remarque avancer. Je poursuis mon chemin, saluant son partenaire de ma voix altérée.

Une fois dans l'ascenseur, mon index appuie prestement sur le bouton du premier étage. Le dos calé contre la cloison du fond, le cœur battant du tambour dans ma poitrine, j'observe la confiante poignée de mains que les deux hommes d'affaires s'échangent en guise de reconnaissance.

Tu dois l'oublier. Oublie-le, c'est un ordre !

Bien que j'en vienne à me blâmer pour taire le manque, une marque de contentement s'invite au coin de mes lèvres lorsqu'il se met à foncer droit vers moi à grandes enjambées sans même assurer ses arrières. Ma respiration s'accélère, mon ventre se tord d'angoisse. Que se passera-t-il lorsque nos deux corps se feront face ? Il ne va pas se taire que ça me plaise ou non. Au contraire, il va tout faire pour diminuer sa honte, pour m'embarquer hors de ma raison et cette pensée m'est inconcevable.

Le bras tendu, j'appuie à nouveau sur la commande pour accélérer la fermeture des portes alors que je sais ce geste inutile. Hors de question que je lui montre mon désarroi, ni qu'il envisage un seul instant que j'aie pu me morfondre, ou même choisi de mourir pour lui depuis notre séparation.

Dieu merci, les portes commencent à se refermer quand un soulier lustré s'interpose dans l'entrebâillement. Les ventaux s'écartent, et les mâchoires serrées, la tête en appuie contre la paroi, je me focalise sur ma respiration pour refouler ces fichues larmes qui me défient en permanence.

Ethan pénètre dans la cabine en silence, répète la même position que moi.

Pourquoi tant d'insistance ? Nous n'avons aucun futur. Ne le voit-il pas ? L'échec est pourtant là, devant ses yeux malheureux qu'il se risque à poser sur moi.

— Lysa...

— C'est derrière nous, Ethan. Notre histoire est loin derrière nous.

— Un présent soldé pour échapper à l'avenir, c'est donc comme ça que tu...

— Tais-toi ! Je ne veux plus t'entendre ! Je ne veux plus t'écouter me parler d'innocence, d'avenir ou de liberté ni même d'erreur humaine ! Rétablir la vérité ne changera rien au mal que tu m'as fait ! Tu as beau manœuvrer tes flottes, discipliner tes armées, je ne serai jamais ce petit soldat qui rampera sagement à tes pieds.

L'envie d'aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant