Lysa - 50 -

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J'attends... J'attends qu'il revienne, qu'il retourne sur ses pas. J'attends... J'attends que cette peur qui me tire encore et toujours vers le fond disparaisse. J'attends de voir sa silhouette surgir sur mon palier, de pouvoir tout recommencer, de ne plus le laisser s'enfuir sans jamais revenir.

Pourquoi tout m'échappe, tout le temps ? Pourquoi mes vœux finissent-ils toujours par rendre mon âme triste après lui avoir offert quelques mouvements de lumière ? Pourquoi tant de larmes, de superflu ? Pourquoi faut-il toujours en revenir à cette sensation pénible à supporter ? J'ai froid dans mon cœur glacé qui me fait mal, atrocement mal dans ce corps crispé, abandonné.

Une douce caresse survolant mon bras me fait sortir de mon état léthargique.

— Tu n'as pas réussi à lui expliquer ?

Julie murmure prise d'une sincère compassion.

Je détourne le regard de ma fenêtre qui donne sur la rue, plonge mes pupilles larmoyantes dans son grand cœur. Elle a passé sa vie à vivre ce que j'ai vécu, ce soir, elle accueille mon autre malheur avec la même tendresse.

— Ethan m'a... Ethan m'a quittée... Je n'arrivais pas, j'étais bloquée. Je... je...

Ses yeux si clairs d'habitude prennent soudain cette teinte sombre, me fusillent tandis qu'elle proteste d'une voix dénigrante :

— Lysa, tu ne l'as pas laissé partir ? Dis-moi que tu n'as pas fait une chose pareille ?

— Il faut que je l'accepte. C'était une très belle idée d'avoir essayé de nous accorder, mais nous ne sommes pas faits pour former ces deux êtres indivisibles.

— Il faut que tu acceptes quoi, au juste ? Qu'il se sente coupable de trop t'aimer ? Au contraire, j'ai les nerfs que tu laisses filer l'amour de ta vie parce que tu es incapable de t'ouvrir à lui ! Il a pratiquement renoncé à tout pour toi ! Il a quitté sa femme, sa fortune, se rebelle contre sa famille et tout ce que tu trouves à faire, c'est te terrer dans ton mutisme habituel ?

— Je n'ai pas réussi à lui dire pour Sam ! Je n'ai pas réussi à le retenir, je n'y arrivais pas ! Je ne suis pas parvenue à lui dire de ne pas me quitter, parce que j'ai tant besoin de lui que j'en arrive à m'effrayer moi-même ! Voilà, tu es satisfaite ?

Ses cent pas labourent mon salon. Un long soupir d'exaspération franchit ses lèvres pour se défâcher avant de reprendre d'un ton plus posé.

— Je ne te comprends pas... Combien de fois m'as-tu assuré que tu succombais à chaque regard, que tu te sentais comme une femme pleine de valeur en sa présence ? Combien de fois, Lysa ?

— Tu ne comprends donc rien ? C'est moi qui suis incapable d'accueillir cet excès d'amour, tout bonnement, parce que je suis incapable d'aimer ! Je ne sais pas aimer ! Je n'ai jamais su aimer, c'est pour cette raison que Sam m'a infligé toutes ces blessures ! Parce que je ne l'aimais pas assez, tout comme je n'arrive à porter aucune sorte d'affection envers Ethan !

Julie s'arrête face à moi, face à ma nouvelle défaite, ses bras bandés croisés sur sa poitrine.

— Vivre c'est cette façon magique que notre cœur à de battre. Tu ne vis plus, Lysa, tu meurs à petit feu et en est la seule responsable. Je comprends très bien que c'est difficile pour toi de recommencer à faire confiance à un homme, seulement, il faut que tu arrêtes de vivre dans le temps antérieur. Ethan n'est pas Sam, il est tout le contraire et te l'a démontré de manière évidente, il me semble bien.

À son bref sermon, mes larmes perdent patience et se mettent à couler à verse d'un corps aussi vide que l'ombre qui surgit du néant. Je prends alors conscience qu'Ethan a quitté mon instabilité. À quitté cette bouche incapable de se livrer.

Je n'ai jamais réussi à laisser échapper ces mots qu'il méritait. Je suis moi-même l'unique auteure de son mal, ne lui montrant aucun geste, aucun signe d'amour. Je me contentais d'accepter cette délicieuse ivresse, cette douce rêverie. Mon cœur s'élançait vers lui sans rien donner en retour, ne m'apercevant même pas qu'il en souffrait.

En observant les détails, j'ai été une vraie égoïste, égocentrique, axé sur mon bien-être sans me soucier du sien. Sans me préoccuper de ce qu'il pouvait ressentir de ne pouvoir me toucher, d'être dépossédé de tous ses moyens.

— Connais-tu le dicton qui dit : si tu ne te bats pas pour ce que tu veux, ne pleure pas ce que tu as perdu ?

Comme à son habitude, Julie a toujours les bons mots quand il faut me résonner. Franche, elle sait secouer et faire réagir la vraie Lysa qui est en moi, celle qui va tout tenter pour récupérer celui qu'elle aime.

Aussi, que l'amitié est l'un des plus beaux cadeaux de la vie. Que mon amie est patiente quand mon cœur ne va pas bien. Très patiente.

L'envie d'aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant