Lysa - 39 -

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L'espérance...

C'est plus commode que de se dire que ma vie est bien futile et inutile sans toi. Que la frontière du manque a perdu de son efficacité. Seulement, sache que ta disparition n'a pas laissé une absence sans traces.


Ma force morale est hors de portée, décentralisée. Concernant le projet de restructuration que l'on m'a confié, je n'ai réussi qu'à griffonner, chiffonner, jeter, griffonner, chiffonner, jeter...

Toujours sans aucune de ses nouvelles, mon corps ne peut se soustraire à l'intense déception qui l'envahit en continu. Par malheur, le silence radio qu'Ethan m'impose me confirme bien une triste fin. Son choix est fait. Les choses sont comme elles sont. Funestes et injustes.

Comment veut-il que je l'aime avec un mal si grand, si amer ?

Cette douleur à l'âme m'ennuie. Elle refuse de s'atténuer, persévère à me persécuter. Mon cœur est brisé, en décomposition. Mon temps est consumé. Enterrée la souffrance ne rendra pas ma peine moins forte. Elle est si violente, si condamnable. Injuste !

Aujourd'hui est une date immortelle qui laissera une trace, un moment mémorable dont tout le monde se souviendra. Cela sera un véritable voyage. Une extase impatiente. La meilleure munition.

Mon chagrin est trop grand pour pouvoir cicatriser que j'en viens à m'avilir, à me sentir rejetée de la planète entière. Il me consume, me fait goûter son profond châtiment, sa fourberie, sa trahison. Et j'avoue qu'il est cuisant, gravé sur mon visage.

Pourquoi dois-je subir les misères de l'existence ? Pourquoi le destin s'acharne-t-il encore sur mon triste sort ? Un homme m'a déjà brisée dans le passé, puis un deuxième, pas plus tard que la semaine dernière. Pourquoi... ?

J'ai accumulé un certain contentieux affectif, seulement, au fil des jours, c'est devenu trop difficile à supporter. Je n'ai plus la force nécessaire pour surmonter les vicissitudes de la vie. J'ai alors décidé de mettre fin à ce supplice insoutenable. Impossible de guérir d'un tel chagrin, aucune alternative éventuelle pour enrayer cette douleur qui me déchire. Cette délivrance sera ma voie à sens unique. Celle qui effacera l'écart entre la réalité de ce que je vis et l'image que je donne de moi-même. Il est tout simplement impensable à ce stade de désespoir de retrouver le courage de poursuivre ma vie.

Après avoir enduré mon passé, j'ai une capacité limitée à supporter les épreuves, la colère ne faisant qu'augmenter mon désir de quitter cette terre. J'ai toujours persuadé mon entourage, mes amis, que j'étais cette fille forte. Réservée malgré tout, personne ne s'apercevait que mon être, à l'intérieur, était sans cesse sur la corde raide, au bord du gouffre.

J'en ai assez de batailler avec moi-même. Je renonce, je baisse les bras, je démissionne face à ce nouvel échec. Dissoudre le mal est aussi fort que de rejoindre ma mère.

J'avise les plaquettes d'antidépresseurs périmées posées en évidence sur mon plan de travail. Ces pastilles laiteuses m'ont aidé à soulager mon triste corps pendant des jours, des années, ce soir, elles me seront d'une tout autre utilité. J'en extrais les comprimés d'une tablette entière, puis les portes à ma bouche, les ingurgitant par petit groupe avec un grand verre d'eau.

Cela paraît si simple de faire disparaître la douleur qui me brise le cœur.

En attendant les effets positifs de cette mort douce, je retourne m'asseoir sur le rebord du sofa, tire une feuille de papier blanc de mon bloc-notes préparé sur la table basse.

Julie, mon pilier, mon alliée,

Tout d'abord, je tenais à te remercier. Tu as été une amie plus qu'exemplaire, toujours à mes côtés quand j'avais besoin de toi, même (surtout) dans les pires moments de ma vie. Tu n'as jamais failli à ta tâche et je t'en rends grâce. Sans toi, je ne serai plus de ce monde depuis bien longtemps. Aujourd'hui, plus personne n'est en mesure de soulager cette peine sans borne qui me ronge au plus profond de mon être.

Ethan a su fissurer ce mur de pierre que j'avais solidement érigé autour de moi telle une forteresse imprenable, cependant, me voilà maintenant dans cette prison de tristesse et de solitude, seule face à ma détresse. Je ne peux que m'y résoudre... Ma douleur est si grande qu'elle est devenue invivable. Je ne peux l'aimer et souffrir à la fois.

À l'heure où je t'écris, je patiente avec calme que mon heure vienne. Je n'ai pas peur. Que se passera-t-il ? Je ne sais pas, j'attends la fin.

Je terminerai tout simplement cette lettre pour te dire que tu es l'unique personne en qui j'ai toujours eu réellement confiance, celle que je protégerai par-dessus les étoiles. Qu'il te faut n'avoir aucun regret, aucun remord, moi seule suis responsable de mon acte. Je me sens sereine, enfin en paix. Ne t'inquiète pas, quelque part, là-haut, maman m'attend.

Au revoir. Ta Lysa qui t'aime bien plus que tu ne le penses. Cœur sur toi.

Je place la lettre en évidence au centre de la table pour que Julie puisse la trouver demain, quand mon heure aura sonné, quand les dieux seront venus me chercher.

Les membres ébranlés de frissons incontrôlables,une pointe lancinante me transperce soudain l'âme de part en part. Le palpitantqui court dans ma poitrine, j'appuie de mon poing pour calmer la douleur quipersiste, mais mon corps brisé s'emballe alors que je me sens pourtantétrangement vaseuse. Cette apesanteur m'apaise, fait planer mon inconscient quime quitte quand mon portable se met à sonner sur la table de salon. Bien troploin, bien trop faible, mon esprit divague, s'endormant en paix dans un sommeilprofond, à mille lieues de cet appel qui ne cesse de retentir...

L'envie d'aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant