Lysa - 24 -

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Un premier rendez-vous. Un vrai rendez-vous galant tout autant qu'officiel, pas de ce que l'on a l'habitude d'accomplir, réglé sur nos coutumes secrètes et bien ordonnées.

C'est la seconde fois que je mets un pied dans son bolide. En temps normal, après avoir dîné en clôturant de soi-disant dossiers trop urgents pour en retarder leur avancée, chacun filait à l'anglaise de son côté pour éviter d'éventuels soupçons, essoufflés par un énième long baiser d'au revoir. Et par pur plaisir, c'est toujours cette même délicieuse odeur qui m'accueille, celle dont j'adore me repaître : lui, en puissance.

Ethan gare son véhicule le long du trottoir alors que je jette un coup d'œil anxieux à la rue apparemment en panne d'éclairage. Ce soir, c'est hors d'un contexte de séduction qu'il a décidé de m'emmener. Non seulement l'unique enseigne lumineuse qui erre dans les alentours est encline aux soupçons, mais le solide barreaudage aux fenêtres l'est encore plus.

Mon regard méfiant se lève vers les drapeaux publicitaires accrochés sur la façade en brique traditionnelle de la région, où je peux y lire : Alpha Delta Thêta écrit sous un A majuscule, un triangle, et le dernier, sous une forme ovale fendue d'un épais trait noir.

– Bienvenue sur le territoire américain !

Ma tête se tourne vers Ethan, une main tendue vers l'établissement à quelques mètres de nous.

– C'est en ce lieu que tu veux m'inviter ? Cet endroit ne paie pas de mine.

– En dépit de ce qu'il paraît, on y mange très bien.

– Parce qu'en plus Monsieur est un habitué des lieux ?

Ses lèvres se déposent sur les miennes, chassant les images de belles femmes autour de lui, avant de me chuchoter d'une voix sensuelle, juste bien dosée d'un accent lyrique qui m'achève.

– Vous êtes trop curieuse, mademoiselle Morel. Venez.

Après avoir passé la double porte d'entrée, nous atterrissons en ligne directe en haut d'un escalier sombre qui mène au pied d'une grande affiche placardée sur un mur de couleur violet foncé. La musique d'ambiance, les chuchotis me parviennent à peine aux oreilles. Cet endroit cloisonné dont la charpente ne tient que par des teintes noires est étrangement calme et donnerait surtout la frousse à n'importe qui. Moi, la première.

– Tu es certain que ce lieu n'est pas dangereux ? Il m'a tout l'air d'être une secte satanique planquée dans un sous-sol.

Ethan rit quand je le retiens de dévaler les marches.

– Certains sont bien sûr liés par un sentiment profond, cependant, ce n'est que de la solidarité. Un peu comme des membres de la même famille, tu vois ?

Je désigne la bête à cornes, en rogne, dressée sur ses deux pattes avant, la mâchoire tassée, dessinée sur l'affiche.

– Cet énorme bélier qui se rebelle ne m'inspire pas confiance.

– Ce bouc est le symbole de leur fraternité.

Voilà le curieux nom à la question, à laquelle je me posais à l'instant : la confrérie.

– Une Fraternité ? Tu en fais partie ?

– Non. Je ne joue pas à leurs délires. J'aime bien y venir pour me délasser parce que l'ambiance est sympa, point. Abiel m'a conseillé d'y faire une halte, un jour où j'avais une entrevue dans le coin. Il détient une très bonne réputation, tu sais, contrairement à son apparence ?

– D'accord, mais pourquoi m'emmener ici, principalement ?

– Disons que je sais être sage, parfois. Réfléchis, pas tout le temps. Et qu'il faudrait être fort débile pour ne pas faire plus ample connaissance dans un endroit éloigné et être un peu plus libre. Cette maison est un peu comme mon antre, tu sais ?

L'envie d'aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant