L'envie d'aimer - Tome 1

Lysa - 25 -

Côte à côte au bord du canal, nos pieds dénudés trempent dans l'eau fraîche. Dans les rues désertes de ma ville natale, Ethan amorce la discussion sous cette douce nuit estivale.

— Que penses-tu de l'amour ?

— Qu'espérer de l'amour... ? C'est un sentiment si surprenant, si terrifiant que tu ne sais jamais à quoi t'attendre. Il te fait croire monts et merveilles, mais finit toujours par te montrer son côté obscur.

Son visage ébahi me considère comme si mes mots n'avaient aucun sens. Que ma remarque manque d'intelligence.

— Au contraire, je le trouve déconcertant. Il apparaît dans ta vie pour mettre au grand jour des sentiments que tu n'as jamais ressentis auparavant et que tu as peur d'explorer. Il te rend tellement curieux que tu fonces sans regarder jusqu'à ce que tu te heurtes à un mur infranchissable.

Je me déteste, je me hais. Une douleur profonde me comprime la poitrine quand je pense à la peine qu'il endure. Ce n'est pourtant pas si compliqué de s'ouvrir à l'être qu'on aime. Alors pourquoi, je n'y arrive pas à avancer ? Pourquoi cette douleur atroce me lacère-t-elle toujours depuis que j'ai quitté Sam ?

— Tu parles de moi ?

Idée ingénieuse, Lysa ! Tu as engagé le moment des confidences dans la conversation !

Les yeux immobiles par-dessus le canal, rien n'est beau de le voir dans cette posture indélicate. Le cœur enseveli sous le mépris, mes doigts ne cessent de triturer le repli de ma veste, preuve de ma flagrante anxiété. Affres qui se généralisent dans tout mon corps douloureux.

Quand Ethan reprend la parole, je sais d'emblée que je ne mérite pas son estime. Il va reconnaître, sincère, tout ce qu'il éprouve pour moi. Je l'entends à son regard amoureux, à ces étranges sensations qui touchent les tréfonds de mon âme. Cependant, je ne peux lui avouer mes secrets. Notre relation naissante n'est fondée sur aucune base solide pour tenir de support. Je serai la première à faire tomber la faible charpente.

D'une vision amère, sa main délicate passe dans mes cheveux, les cristallise par-dessus mon épaule.

— C'est bien toi... Sublime mais d'une dureté infrangible. Plus j'escalade la paroi, plus elle s'élève. Comme si tu m'empêchais de découvrir cette autre partie de toi, celle que tu t'escrimes tant à dissimuler.

— Tu n'y verrais rien, cette part est beaucoup trop sombre. Mon âme est morte déjà bien avant ma naissance.

Ses grandes paumes deviennent ma demeure. Mon visage blotti reçoit ses caresses, cimente mon envie de ne rien lui dire.

— Je resterai perché à attendre que le jour se lève.

— Le vide a remplacé le soleil. Il est si froid, si triste que tu ne pourras jamais l'apercevoir.

Ses lèvres se pincent d'inconfort jusqu'à ce qu'elles se résument à un fin trait blanc, puis il se replace en appui sur ses mains.

— Quel était ton rêve lorsque tu étais encore qu'une enfant ?

Nostalgique, j'observe mes pieds nus se fendre un chemin à la surface de l'eau. Cet âge tendre s'est déroulé dans l'animosité. J'ai tenté de m'en éloigner, d'imiter les foyers heureux pour ne pas perdre la foi. Je voulais regarder devant moi, dire adieu à ces mauvais jours, cependant, la douleur, l'impuissance remportait sans cesse la victoire. Peu importent les coups que mon père infligeait à ma mère, ma triste existence était bien une réalité.

— Être la petite fille secourue par un preux chevalier sur sa monture blanche. Mais vers la majorité, j'espérais devenir magicienne.

— Pourquoi avoir changé ?