Neuf jours que je passe ici à tenter de calmer son chagrin, d'apaiser sa souffrance, la blessure de son cœur qui saigne, l'entraînant peu à peu vers la mort. Huit nuits que je passe pratiquement seul dans ce grand lit froid, en la présence d'un être invisible, absent, détruit par le manque, dans un appartement en désordre que j'ai enfin fini par ranger.
Je ne sais comment réagir ni quoi lui dire. Je n'ai tout simplement pas les mots. Ayant perdu quiconque de ma famille, je peux juste tenter d'imaginer sa douleur. Tenter de la ressentir, ou lui expliquer que la mort est une envolée, une escapade pour accueillir l'être aimé dans un monde parallèle entre le ciel et la Terre. C'est ça, la mort.
Sa mère restera dans un coin précieux de sa mémoire, nichée au plus profond de son cœur où plus personne ne pourra la lui retirer ni essayer de la lui faire oublier.
Lysa passe son temps devant l'écran de son ordinateur à pleurer toutes les larmes de son corps, à créer des montages photographiques en hommage à celle qui lui a prêté l'oreille. Celle qui l'a soutenue dans les moments les plus difficiles de sa pourtant jeune existence malgré sa défaite personnelle, et qui l'a aimée en démesure, je pense. Je bénis cette maman dont je n'ai pu faire la connaissance, de l'avoir mise au monde... Spécialement pour moi.
Quand je me lève au petit matin, le soleil est encore caché derrière la face sombre de la Terre. Lysa a une fois de plus déserté le lit, cette place qu'elle est censée occuper près de moi, jusqu'au terme de nos vies.
Il paraît que lorsqu'un malheur arrive, un bonheur renaît. J'y crois... J'en suis persuadé, depuis que son essence douce et légère tel un parfum enivrant de fleurs d'automne a traversé ma peau pour s'ancrer dans les profondeurs de mon être. Pour semer le chaos dans mon cœur qui a toujours vivoté paisiblement dans le calme.
J'ai envie d'avancer, de passer plus de temps avec elle. Ce petit être si fragile a tant besoin de moi en ce moment. Et commence vraiment à m'inquiéter quand je m'aperçois qu'elle n'est présente ni dans le salon, ni dans la cuisine, ni nulle part ailleurs.
— Lysa ?
Je retourne sur mes pas, elle ne s'y trouve pas. Mon pouls se presse. Où est-elle ?
— Lysa ?
En revenant au salon, je vérifie la porte d'entrée qui est close. Les clés sont accrochées dans la boîte suspendue au mur.
Mais où est-elle, bordel ?
Soudain, un grand soupir saccadé interrompt ma démarche. Je m'arrête net, balaie la pièce, attentif au moindre bruit, à la moindre respiration. Elle en émet un nouveau justement, doux, léger telle une plume dansant au vent, presque inaudible. J'arrive enfin à la repérer.
Son corps est assis sur le soubassement de la fenêtre, dissimulée par l'épais rideau. Sa tempe repose sur l'angle du battant où de petits dessins de vapeur aussi livide qu'un nuage se forment pour disparaître aussitôt dans la nuit sombre. Elle s'est endormie d'épuisement, de tristesse. À cette vue, une profonde amertume m'envahit. Je me sens autant abattu, impuissant que le temps noir de cette journée ténébreuse.
Son corps était dans la même position, un coussin serré tout contre elle. Elle m'avait demandé d'une voix terne, le regard axé vers le ciel :
— Tu penses qu'elle est perchée sur un nuage en train de nous observer ?
J'ai levé le nez de mon dossier, l'ai posé près de moi, puis me suis redressé du canapé pour aller prendre place face à elle. Mon corps s'est penché pour remettre sa mèche de cheveux et rattraper du bout du doigt, la larme qui s'apprêtait à tomber sur sa joue. Ses yeux se sont voilés, ses lèvres se sont mises à trembler, je l'ai alors porté pour le mener jusqu'au divan afin qu'elle puisse trouver un sommeil paisible, à l'abri entre mes bras.
Son teint est pâle comme la mort, comme le goût amer de ce qu'elle a vécu récemment. Je remarque de lourds traits noirs souligner son regard quand je glisse un bras sous ses cuisses, puis un autre dans son dos pour la soulever en douceur de l'assise de la fenêtre. Ses mains passent autour de mon cou, sa tête se cale dans le creux de mon épaule. Endormie, elle grimace de douleur à cause de ses membres atrophiés.
Arrimée contre moi telles les voiles sur le pont d'un bateau, ma voix lui chuchote un secret :
— Je suis une contrée dont tu es la reine.
Je me dirige vers la chambre pour la poser sur le lit et recouvrir son corps d'un drap imprégné d'une partie de moi. Une partie qu'elle a déjà...
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L'envie d'aimer - Tome 1
Storie d'amoreLe destin, joueur imprévisible, entrelace les chemins de Lysa et Ethan sous des auspices inattendus. Lysa, à 27 ans, porte les cicatrices d'une vie marquée par les épreuves, trouvant son unique échappatoire dans son engagement professionnel au sein...