Ethan - 45 -

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Etendu sur mon lit, les bras croisés derrière la tête, mes pensées me dévorent. Vais-je être heureux? J'en ai pourtant toute la force en moi. Je sais que cette séparation n'est pas une sottise, qu'elle sera le futur d'une meilleure vie. La fuite n'était pas la solution. Au contraire, elle nous a fait s'aimer plus fort, a soulagé nos peines, posé un adieu sur ce fâcheux ombrage.

Le silence m'a empêché d'avancer, pas de penser. Je devais m'acquitter de ce devoir moral, rompre avec toutes ces favorites. Les choses à demi faites ne sont pourtant pas mon genre. D'une main odieuse, j'ai poussé du monde à me haïr. À leur fournir les armes qui ont servi d'offense. J'aurais pu aussi exercer le métier de conteur, dégager mon esprit de ce qu'il pense. Faire gober du vent aux femmes, souvent dans la malice, jamais je ne leur aurais parlé d'amour. Trop imprudent quand on songe que c'est toute une vie, un art où il faut exceller. Vraiment, je ne pensais pas y réfléchir mûrement.

J'ai du public à qui donner du bon temps. La fortune de mon établissement m'ayant mené à la gloire, j'ai obtenu tout ce que j'ai espéré jusqu'à... Elle. Si pure, si belle qu'elle en a bouleversé les principes d'un homme d'honneur qui ne pensait qu'à se divertir. Je me suis empêché de penser à elle, obligé à respecter mon statut dans mon métier comme il le faut. Seulement, mon corps, mes sens n'étaient plus présents. Une partie de mon âme, de moi-même, ne cherchait qu'à l'acquérir aux dépens de la complexité de la situation. Peu importe ce que les gens penseraient de nous, l'inconnu m'ouvrait ses bras.

*

* *

Attablé pour le petit-déjeuner, j'ai très peu d'appétit. Ma mère assise seule face à moi, ne cesse de me lancer des regards furtifs. Je sens bien le mauvais quart d'heure arriver vu la tête de macchabée qu'elle tire. Elle n'a pas dû beaucoup dormir. Tout comme moi, d'ailleurs.

Cette dernière attend que j'amorce la conversation, alors, je largue la bombe, risque à déclarer une guerre et faire de graves dégâts. Sans rougir, je mets les choses aux clairs, sachant comment la discussion va s'envenimer.

— Maman...? Kate et moi allons nous quitter.

Sa douleur et son inquiétude étant mises à nues, son teint devient si blême que son effet de jouvence ressemble plutôt à l'éclat de la mort. À croire que son couple n'a jamais été exposé, ni à l'ombre ni à la poussière.

— Non, ce n'est pas possible. Pas toi...?

— Cela arrive à beaucoup de monde, tu sais. Ce n'est pas comme si je venais de t'annoncer qu'il me restait qu'une heure à vivre.

J'essaie de dédramatiser la chose, seulement, le résultat escompté n'est pas celui auquel je m'attendais. Il faut dire que j'y suis allé sans finesse.

— Tu as perdu la tête, mon garçon? Cette aventure passagère est une mauvaise plaisanterie!

Imposer par autorité ou recommandation bienveillante, dans tous les cas, cet échange commence sérieusement à m'échauffer, le soleil à peine levé. J'ai passé une soirée tout autant qu'une nuit de merde, j'ai à peine avalé mon thé Assam, il vaut mieux qu'elle n'en rajoute pas une couche.

— Non, maman, ce n'est pas une aventure sans lendemain, tout comme il est hors de question d'y mettre fin.

J'avais déjà anticipé sa réaction et mis mon plan à dessein. Ma mère est contrariée que son seul fils ne mène pas une petite vie tranquille et bien rangée à vingt-neuf ans. Qu'il n'a pas encore fondé sa propre famille comme elle l'avait déjà fait à mon âge. Toutefois, je suis comme elle. Il faut que ça bouge. Je n'ai pas envie de reproduire l'erreur qu'elle a commise pendant ma douce enfance auprès de grandma : délaisser sa vie de famille en faveur de son travail.

L'envie d'aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant