Jennifer

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Avec chaque soleil vient un nouveau jour. Un nouveau commencement, avec l'espoir qu'aujourd'hui  tout ira bien.

J'ai pris une résolution ce matin. Ou plutôt cette nuit puisque je n'ai pas fermé l'œil. Encore maintenant couchée toute seule dans son immense lit, j'y réfléchis. Il serait vraiment temps que tout ce cirque cesse. Je suis consciente qu'il faut que je fasse le premier pas. Et le deuxième. Peut-être même les dix à venir, parce-que je suis prête à admettre que tout est de ma faute.

Un bruit de porte se fait entendre et je m'empresse de fermer les yeux sans raison valable. Je ne suis peut-être pas prête à lui faire face comme je le pensais. Je sens des déplacements dans la pièce et suppose qu'il se rend dans son dressing. C'est décidé, dès qu'il en sort, je lui saute dessus telle une lionne affamée et l'oblige à m'écouter.

Le problème avec les résolutions, c'est qu'il ne faut pas juste en prendre mais commencer à se bouger et faire avancer les choses. Il est sorti de son placard aussi grand qu'un appartement miteux de Brooklyn, pourtant, je ne bouge pas. Je suis paralysée, comme tétanisée. Mes muscles n'obéissent plus à mon cerveau qui pourtant devient aphone à force de crier des ordres.

Un doux baiser d'une pure légèreté se pose sur ma joue et, c'est à se moment là que mes yeux daignent s'ouvrir. Peut-être m'en fait-il tous les matins? Ou en a t-il aussi marre? Je ne saurai pas répondre. Nos yeux se trouvent et ne se lâchent plus. L'air se remplit d'une électricité fictive qui n'est autre que la tension sexuelle qui émane de nos corps qui n'ont jamais été aussi proche depuis ses derniers temps.

Ni une ni deux, je l'attrape par le col de sa veste et le fait basculer sur moi. Nos lèvres se scellent alors dans un baiser doux et bestial à la fois comme s'il servait d'échappatoire à la colère qui nous habite depuis longtemps. Je perds complètement mes moyens quand ses mains baladeuses parcourent mon corps. Ce n'est qu'à ce moment que je prends conscience qu'il m'a réellement manqué. Nous étions si proches mais à la fois loin l'un de l'autre et maintenant, je sais que rien ne peux plus s'immiscer entre nous. De fines larmes coulent le long de mes joues et je réalise qu'il faut que je lui dise tout de mon passé, de cette pourriture de Jack pour enfin avancer. Comme une évidence, mes sentiments pour celui que tout le monde nomme Bastien, viennent de frapper à la porte de mon cœur.

"Je t'aime"

Je regrette aussitôt ces mots que je viens de prononcer. Il s'arrête net et me dévisage comme si un troisième œil avait vu le jour en plein milieu de mon front. Sans un mot, il se lève m'obligeant ainsi à ôter mes mains de lui. Il sort en claquant la porte. Le bruit fait écho à celui de mon cœur qui vient de se briser en mille.

Une petite voix au fond de moi me répète qu'il n'est pas prêt mais qu'au fond de lui, il ressent exactement la même chose.

Si seulement !

Mon incommensurable tristesse et moi nous levons enfin dans le but de nous préparer à une nouvelle journée de travail. L'eau chaude en contact avec mon corps n'a malheureusement pas sur moi un effet relaxant. Au contraire, elle me permet de ressasser ce qui vient de se passer. Je lui ai ouvert mon cœur, mon âme et lui... Il est parti sans un mot.

En retournant dans la chambre, j'aperçois par la fenêtre Mariella qui sort de la piscine. Des fois je me demande si elle n'a pas de chez elle. Je m'engage dans l'escalier en colimaçon, direction la salle à manger. Je m'y installe paisiblement et commence à dévorer ce que la cuisinière à préparé.

Manger aide à lutter contre la tristesse dit-on.

"Et qui dis ça exactement ?" me demande Mariella avec un regard amusé.

On dirait bien que j'ai parlé à voix haute.

"Bonjour" dis-je en portant une tasse de thé à ma bouche sans lui porter le moindre regard.

"Je suis très étonnée de vous voir ici"

"Pourtant je vis ici. Je ne pourrais pas en dire autant de vous."

"Ne montez pas trop sur vos grands chevaux ça ne durera pas"

"Je vous demande pardon?" pour qui elle se prend pour savoir si ça durera ou pas? Peut-être que Sébastien lui a dit quelque chose après tout.

"Willy retournera avec vos affaires aussi vite qu'il les a apporté et vous suivrez"

"Le feu à la frousse de l'eau et la richesse craint la pauvreté" dis-je plus pour moi même qu'autre chose.

"Insinuer vous que je vous craigne?"

Quoi?

"Bien-sûr que non. J'insinue que si vous êtes toujours derrière Sébastien comme un fidèle toutou, c'est parce que vous avez peur de vous retrouver seule et sans rien... Je ne sais pas comment il vous entretien et ça m'est égale mais, au lieu de squatter ici en longueur de temps, vous feriez mieux de vous créer une vie. Celà dit, être pauvre n'est pas une fatalité on y survit et vous pourrez toujours vendre vos bijoux luxueux. Sur ce excusez moi, les gens comme moi vont travailler"

Elle n'a pas choisi le bon jour pour s'en prendre à moi. Je quitte la table sans vraiment écouter ce qu'elle raconte.

"Votre rêve s'arrêtera bientôt Jennifer. Rira bien qui..."

À mon tour de claquer la porte.

Le bureau de mon patron est vide. Curieux, je croyais qu'il y serait. Je m'installe sur son fauteuil en cuir et commence à m'intéresser aux dossiers qui trainent ci et là quand la porte s'ouvre sur lui. Ses yeux ont un mélange de colère et de surprise. Je m'empresse de me lever et vais en face de lui. Je n'ose pas parler. Qu'y a-t-il à dire? Il sait l'essentiel. Son regard sur moi est tout sauf chaleureux, il me gêne infiniment. Je baisse les yeux chose que je n'avais plus faite depuis belle lurette.

"Écoute je...si t'es pas prêt... Je...enfin..." je ne reconnais plus ma voix qui va dans les aiguës. Aucun moyen de former une phrase normale.

"C'est quoi ça ?" me demande t-il d'une voix dure et sévère que je ne lui connaissait pas. Je lève la tête pour voir qu'il me montre une petite boite.

"Un écrin ?"

"C'est tout?"

Euh il veut que je lui donne le nom du fabricant, l'année et le numéro de série peut-être ? Je lève les épaules nonchalamment ne comprennant pas où il voulait en venir.

"Où est la bague Jennifer ? Tu l'as vendu c'est ça ? D'ailleurs comment tu l'as trouvé? Comment t'as su que je t'avais en acheté une ?"

"La bag..." en effet, le magnifique écrin bleu-vert était vide. La surprise est à son paroxysme. Quelle bague ?

"Ne joue pas l'étonnée je l'ai retrouvé dans tes affaires" il désigne la petite boite vide. Que faisait-elle dans mes affaires? Je ne savais même pas qu'elle existait. Il poursuit de sa voix sévère.

"Je te faisais confiance et toi y'a que ça qui t'interessait. Ça fait mal de l'admettre mais Mariella et ta mère avait raison. J'espère au moins qu'elle te rapportera beaucoup d'argent. Je..."

Ma mère ?

Il marque une pose et j'en profite pour en placer une.

"Non mais tu t'entends? Depuis des semaines tu ne me calcules plus, je t'ouvre mon cœur et tu te barres et maintenant tu m'apprends que tu voulais m'offrir une bague? Ta foutue bague je ne l'ai pas. Comment as-tu pu croire que..." ma voix se casse tellement qu'un nœud à la gorge m'empêche de parler. Je sens les larmes me monter. Il me traite de voleuse.

Machinalement, je pose ma main sur la poignée de la porte. Je ne peux plus rester ici.

"Je ne compte pas te courir après"

comprenez là : si tu pars ne reviens plus jamais.

Je me retourne pour le contempler une dernière fois.

Ma dernière image de lui sera ses yeux d'Apollon remplis de haine et de tristesse.

Je ne suis pas une voleuse Sébastien.
Comment peux-tu le croire?

Like A Star: quand le passé se conjugue au présentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant