Sébastien

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Assis derrière mon bureau sur le siège en cuir, un verre de scotch à la main, je n'arrive pas à me sortir ses prunelles vertes noyées de larmes de la tête. Je veux croire qu'elle n'y est pour rien pourtant, les mots de sa mère résonnent dans ma tête tels une litanie.

"vous êtes en mesure de lui offrir tout ce dont elle aura envie..."

"les femmes ont ce petit côté matérialiste. Mais ma Jennifer est sûrement la pire de toute"

"Déjà à la fac, elle est sorti avec un certain... Jack juste parce qu'il avait un boulot "

J'aurai voulu lui offrir tout ce qu'elle désire au plus profond d'elle. Un seul mot de sa part, et j'aurai été lui chercher une perle de pluie du pays où il ne pleut jamais. La vérité était sous mes yeux mais, j'ai refusé de la voir. Trop aveuglé à admirer l'image d'elle qu'elle a bien voulu me montrer.
Elena et Mariella m'avait prévenu mais comme toujours, je n'en ai fait qu'à ma tête.

"Je t'aime" je revois ses douces lèvres prononcer ces mots. Ces mots qu'elle ne pensait pas. Ces mots qui n'était qu'une ruse. Ces mots auxquels je n'ai pas pu répondre. Ça relevait de l'impossible c'était comme dire au-revoir au moi qui refuse de s'attacher depuis toutes ces années. Ces mots magiques ne s'emploient pas à la légère et les dire implique que tout devient réel. Je pense que je n'étais pas prêt. Du moins je le pensais avant d'avoir cette douleur oppressante au niveau de mon muscle cardiaque. Je n'avais encore jamais ressenti ça. C'est comme ci une part de moi-même m'avait quitté quand elle a refermé la porte me laissant seul dans mon antre. Je me sens vide, rien n'a curieusement plus de sens. Pourtant, il faut que j'avance.

Quand Mariella m'avait demandé de la rejoindre chez elle y'a quelques heures avant que je ne me rende à Field Energy, j'ai tout suite su que les choses n'annonçaient rien qui vaille.

"On s'est vu chez moi et t'as pas vu l'occasion de me parler?"

"Je sais Bastien. Mais c'est vraiment important ça concerne ta...Jen-ni-fer"
Avait-elle dit avec une once de dégoût dans la voix prenant la peine détacher chaque syllabe de son prénom.

Ça concernait Jennifer alors je ne pouvais qu'y aller.

Si j'avais su!

Une demi-heure après, j'étais arrivé chez elle au risque d'être en retard au travail. Il y'a vraiment des avantages à être le patron. C'est sans surprise que je l'avais trouvé dans son atelier, un crayon à la main, des croquis éparpillés un peu partout. Personnellement, j'ai toujours trouvé qu'elle a beaucoup de talent en tant que styliste mais elle n'a jamais eu vraiment confiance en elle.  Elle préfère être une de ces filles qui croquent la vie en pleine dents et n'en ont cure de travailler. Une hit girl comme on dit par ici.

"Je t'écoute chouchou" avais-je dit avec impatience.

"Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Cette femme n'est pas ce qu'elle prétend"

Lisant l'incompréhension sur mon visage, elle m'a tendu une petite chemise dans lequel une partie de la vie de Jennifer était exposée.

Jennifer Carla Mason, née le 23 Octobre 1990...

Jusque là rien d'anormal. Mais ensuite, j'ai vu des photos d'elle avec un charmant jeune homme brun aux yeux noirs. Ils semblaient avoir une conversation animée. Il tenait sa petite main dans la sienne. Elle semblait heureuse, je ne l'avais pas vu aussi rayonnante depuis ces derniers jours. Sur une autre photo, ils partagent un baiser langoureux. La date sur les clichés indique qu'elles ont été prise la semaine dernière. Je me suis immédiatement félicité de ne pas avoir répondu à sa déclaration d'à peine moins d'une heure. À la vue de cette dernière image, j'ai eu la sensation que mon cœur se faisait écraser par un troupeau d'éléphants. Une vague de colère et peut-être un peu de jalousie parcourent mes veines.
Elle voit quelqu'un d'autre dont je ne connaissais même l'existence et ose me dire...
Le casier judiciaire du brun m'indique qu'il s'agit du fameux Jack.

Jack Lawton.

Il est sorti de prison depuis peu. Encore mieux!

J'avais poursuivi mon investigation du fameux document et avais découvert que contrairement à ce que Jennifer m'avait raconté, son père n'était que vigile d'un pitoyable magasin dans le Bronx et sa mère une femme aux mœurs très légères. Aucune trace du richissime  Mathieu Mason ni du grand professeur d'histoire de l'art Elena Mason dont elle m'avait parlé. Les noms restent les mêmes contrairement aux histoires.

Elle me parle peu d'elle et même quand elle le fait, c'est pour me raconter de gros mensonges éhontés.

D'où venait donc le fameux bijou offert par son père ? L'avait-il volé? En guise de réponse, la dernière feuille  comporte des témoignages de  ce qui semblerait être ses ex copains. Encore d'autre. Je croyais pourtant qu'il n'y en avait eu qu'un seul. Ils l'accusaient d'avoir dérobée des bijoux d'une grande valeur tant sentimentale - puisque c'était le reflet de leur amour pour elle - que financière. Cependant, ils étaient tous surpris car ne l'avaient en aucun cas mis au courant pour lesdits bijoux.

Sans un mot pour ma meilleure amie, j'étais retourné chez moi avec hâte. Il fallait absolument que je parle avec la belle rousse. À quoi rimait tout ce cirque? À quoi jouait-elle exactement ? Elle continuait de voir son ex et ce matin encore, elle disait m'aimer. Elle m'avait menti le peu de fois qu'elle s'était ouverte à moi. Je montai les marches quatre à quatre croyant la trouver dans la chambre mais, trop tard, elle n'y était plus. Par contre, ce qui était sur la table de chevet au milieu de ses affaires était un écrin vide que je n'avais eu aucun mal à reconnaitre. Elle venait de me faire exactement la même chose qu'à tous les autres.

Comment avais-je pu être aussi stupide et naïf ? J'avais été mis en garde plusieurs fois mais j'ai préféré écouter mon cœur que je n'avais pas laissé parler depuis des années.

L'entrée de Frank dans mon bureau me ramène brutalement dans le présent. C'est seulement là que je me rend compte que je n'ai pas touché une seule goute de cette substance alcoolisée gisant dans mon verre. Il me fixe étrangement et comme seule réponse, je lui balance le document remis par Mariella.

"Elle est partie"

Like A Star: quand le passé se conjugue au présentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant