Like A Star: quand le passé se conjugue au présent

Jennifer

Je ne sais pas ce qui m'arrive, je me sens légère, comme si mes pieds flottaient au dessus du sol. Je peine à garder les yeux ouverts, ma vue se brouille, tout est flou. Je me sens propulsée à l'autre bout de la pièce. Je crois bien qu'il m'a jeté sur ce lit dur et froid comme un vulgaire sac de patate. Sans même que je ne sache comment, il s'est déjà enfoui en moi, ses grosses mains parcourent mon corps nu. Il effectue des mouvements de vas et viens toujours avec le tact d'un hippopotame dans un magasin de porcelaine. Il me fait mal mais, je n'arrive pas à crier: je suis bâillonnée. Je tente de le repousser, grosse erreur: il me donne un coup en pleine face et je me sens partir autant que je le sens continuer de me prendre avec toute la brutalité du monde.

J'ouvre les yeux le visage rouge de sueur, les cheveux collés à mes tempes. Ma respiration est saccadée, il me faut du temps pour comprendre où je suis et réaliser que ce n'était qu'un cauchemar, encore un. Je me lève de mon petit lit et me dirige vers la cuisine. J'ai la gorge sèche. Comme toutes les pièces de mon appartement, la cuisine est toute petite. Elle est totalement ouverte à mon salon qui n'est composé que d'une table basse bancale - que j'ai équilibré avec un bouquin - un fauteuil et un canapé usés ainsi qu'une télévision loin d'être moderne.

Ça fait deux semaines et quatre jours que je me suis faite virer. Mr-le-prétentieux ne m'a plus jamais contacté. Quelle idée lui aussi de prendre son bureau pour une auberge, n'y a t-il pas d'endroits plus appropriés pour ça ? Son appartement par exemple il doit en avoir un non? Ou un hôtel pourquoi pas ? Il en a les moyens je crois.

C'était trop beau. Mais qu'est-ce que je croyais? Que du jour au lendemain j'allais dire bye-bye à la misère? Aux dettes et aux problèmes ? Ils sont devenus mes meilleurs amis. Quelle conne j'ai été!

Comme tout les matins depuis deux semaines, je me prépare pour aller travailler à l'épicerie du coin. Ce soir j'irai faire du babysitting chez la patronne d'une de mes voisines. Je pense même à me trouver un troisième boulot. Aux grands maux les grands remèdes c'est ce qu'on dit non?

Je porte une jupe droite et un chemisier beige. Tout ce qui constitue ma garde robe, des jupes droites et des chemisiers. Du moins les trois-quarts. C'est ce qui arrive quand on n'a ni les moyens ni le temps de faire de vrais achats.

Willy vient vous chercher pour faire du shopping.
S.F

Je rêve. Pour qui il se prend? Il me laisse deux semaines sans nouvelles et le premier truc qu'il trouve à faire est de m'envoyer ce SMS ? Ça ne va pas se passer comme ça. Je décide de l'appeler et mettre les points sur les i. Au pire quoi? Il va me virer? Cette pensée m'arrache un rire nerveux, n'est-ce pas déjà en quelques sortes le cas? Je n'y verrai aucune différence.

"Je peux savoir ce qui vous prend? Pour qui est ce que vous vous prenez?"

Pour une fois j'ai fait l'impasse sur les formules courtoises.

"Pour votre patron et vous ?"

Visiblement lui aussi à oublié la politesse. Je décide de ne pas répondre à sa question.

" Vous pensez faire quoi au juste en m'offrant l'aumône ? Je pense avoir les moyens de me faire plaisir"
C'est le cas mais ça dépend de quoi on parle.

"Vous m'en direz tant. Nous avons une réunion lundi à Paris avec des investisseurs français. Vous n'avez pas oublié j'espère? Vous avez donc le weekend pour tout préparer"

"Mais..."

"Mais rien du tout. Sachez qu'en tant que mon assistante personnelle, vous représentez l'entreprise. Votre image est donc très importante. Alors je vous ordonne de ne pas regarder à la dépense afin d'être une bonne représentante de Field Energy."

Sa voix calme et douce me met hors de moi tant elle est en contraste avec la mienne qui est presque perçante de colère.

"Je peux le faire sans votre aide. Vous comprenez? Renvoyez votre chauffeur"

"Je me suis renseigné sur vous Jennifer, on sait tous les deux que vous ne pouvez rien vous offrir de tel. Considérez ceci comme un ordre et non comme un acte charitable. A lundi ! "

Il a raccroché, je n'ai même pas pu en placer une. Il a fait des recherches sur moi? Mais dans quel but? N'a t-il donc rien à faire de ses journées? Tout ce pouvoir qu'il détient lui monte vraiment à la tête. Il veut que je me fasse plaisir et apparemment c'est un ordre. Il ne va pas le regretter charité ou pas. Quitte à faire quelque chose autant bien le faire non?

Willy où êtes vous? Je suis prête. Énervée mais prête. J'ai même déjà une petite liste de magasins en tête: Aubade, Macy's... Je vais faire le tour, sous vêtements, accessoires, robes de cocktails, de soirée... Pourquoi pas de nouveaux meubles tiens?

L'image de son entreprise? je rêve. J'avais presque oublié cette réunion en France. En même temps je ne voyais pas l'importance d'y penser vu la situation. Nous sommes vendredi, il faut que je m'y mette et vite si je ne veux pas réellement être virée.

On me donne une nouvelle chance et je ne peux pas la laisser passer.

Bye-Bye épicerie, ciao babysitting, sayonara troisième job.

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