Apparence trompeuse

Chapitre 26

Après les révélations de Rafael, je ne veux pas le voir partir. J'attends d'autres réponses aux différentes questions qui me trottent dans la tête. Et, vu que nous sommes dans un moment de franchise, autant en profiter afin de le connaître davantage.

Nous sommes donc allongés dans mon lit, ma tête reposant sur son épaule. Mon corps serré contre le sien, au chaud.

Mon lit est incontestablement mon endroit préféré. Et, avec Rafael à mes côtés, cela le confirme davantage.

- Adrian n'est pas au courant de ton existence ? Il connaissait ton père...

- Non, il sait très peu de chose sur mon père. Tout le monde savait que Rodrigue avait deux fils mais, très peu de monde connaissait notre visage. Mon père a tout fait pour nous protéger, pour nous mettre à l'écart de tout ses trafics. Il nous aimait sincèrement. Il ne voulait que notre bonheur. C'est pour cela que je désirais tant le venger. Mais, finalement, je pense que, de là où il est, il ne souhaite que le bien pour nous, que nous vivons heureux.

- J'en suis certaine ! Vous viviez toujours à Atlanta après son arrestation ?

- Oui. Comme je te l'ai dit, nous avons été placé dans une famille d'accueil différente. J'ai donc grandi séparé de mon frère. Je me suis retrouvé dans une bonne famille, je n'ai pas suivi les traces de mon père. J'ai étudié pour avoir un emploi qui me plaît. Je commençais à oublier peu à peu ma vengeance. Jusqu'au jour où j'ai revu Alex, mon frère.

Il marque une pause, son regard ailleurs, revivant certainement son passé.

- J'avais dix-huit ans, j'étais en terminale, l'année du bac. Je révisais tellement pour l'obtenir. Et puis, mon frère a refait surface en faisant renaître en moi mon état de rage. C'est à ce moment là que j'ai prit la décision de venir à Kinston, je me suis donc inscrit au lycée pour passer une seconde fois mon bac. Ce bac que j'ai foiré la première année, évidemment. À partir du moment où mon frère est revenu, je suis devenu une autre personne. Je répondais à ma famille d'accueil, je leurs faisait subir cette colère qui était resté en moi. J'ai abandonné les cours, je passais mes journées en compagnie d'Alex et ses potes. Nous passions notre temps à boire, fumer... À faire des conneries quoi. J'étais sous l'influence de mon frère. Je l'ai toujours admiré, alors cela était naturel de faire ce qu'il me demandait.

- Pourquoi n'est-il pas venu lui même ?

- Je lui avait promis que je viendrais moi-même. Et, il ne l'a pas oublié. Dès mes dix-huit ans, il est venu me chercher. Une promesse, ça se respecte entre nous. Et, je l'ai trahi aujourd'hui...

- Tu regrettes ?

- Non. Bien sûr que non. On ne peut pas vivre avec autant de rage toute sa vie. Il faut savoir tourner la page et accepter. Et, je ne veux pas suivre l'exemple de mon père, me retrouver à sa place. Il nous à protéger de ce monde étant petit, je pense que cela y était pour quelque chose. Pour que nous ayons une vie simple et heureuse. Il est mort pour nous. Malheureusement, Alex ne comprends pas cela ainsi. Mais, je suis sûr qu'il va ouvrir les yeux, tôt ou tard. Comme j'ai pu le faire...

- Tu penses que ton frère a repris la place de ton père ?

- Je ne pense pas. Il n'est pas connu dans le milieu. Les gens ne vont pas l'accepter comme ça... Un nouveau chef a été choisi. Mais, je suis sûr qu'il le souhaite. Je sais déjà qu'il a de mauvaises fréquentations, au vu des potes qu'il m'a présenté... Cela m'inquiète, je ne veux pas qu'il se perd dans ce milieu, qu'il finisse comme mon père...

- Essaye de lui parler, il t'écoutera peut-être. Sinon, je pense qu'il est assez grand pour savoir ce qui est bon ou mauvais pour lui.

- Ouais... Je sais d'avance qu'il va mal le prendre. Dans tous les cas, je ne le laisserais jamais te faire du mal, je te le promets, dit-il en plongeant son regard dans le mien et en remettant une mèche rebelle derrière mon oreille.

Son histoire me bouleverse. Je me sens tellement désolé pour lui. La perte de son père a dû être une épreuve terrible à vivre. Je sais pertinemment que la disparition d'un être cher peut être très douloureux.

Je ne sais pourquoi mais, des larmes tentent de s'échapper. En le regardant, je l'imagine étant enfant face à tous ses drames. Un enfant ne devrait jamais être confronté à cela, c'est tellement injuste. La vie peut être cruelle parfois. Peut importe l'âge de la personne, elle peut nous faire vivre des événements extrêmement difficiles à surmonter.

- Ne pleure pas pour moi Nina. C'est du passé, j'ai réussi à surmonter tout cela. Certes, mon père me manquera toujours, il aura à jamais une place dans mon coeur. Mais, il a voulu devenir une personne malhonnête, personne ne l'a obligé et il a payé pour les diverses choses qu'il a pu commettre.

- Tu es vraiment une personne bien Rafael. Je t'admire énormément dans ta façon de relativiser les choses.

Nous nous sourions, sans prononcer le moindre mot à présent.

Jusqu'à ce que je reprenne la parole en posant la question qui me brûlait les lèvres :

- Tu n'es pas obligé de répondre à cette question mais, tu ne m'as jamais parlé de...

- Ma mère, c'est ça ? Je ne t'ai pas menti sur le fait qu'elle se trouve en Angleterre. Enfin, du moins aux dernières nouvelles. Elle a quitté mon père lorsque mon frère et moi avaient quatre et un ans. Elle est partie avec un autre homme, sans le moindre remords nous concernant. Mon père m'a toujours dit qu'elle ne s'intéressait qu'uniquement à elle-même, sans prendre en compte les sentiments des autres. Elle est partie avec un homme d'affaire, extrêmement riche évidemment. Et, nous n'avons plus eu de nouvelles d'elle, exceptées quelques cartes postales qu'elle nous envoyait tous les deux mois, durant deux ans à peu près. Mais, je suis quasiment certain que ce n'était même pas elle qui les rédigeaient.

- Ton père trempait déjà dans des histoires de drogue ?

- Non, c'était un homme bien à ces côtés. Il a quitté le Mexique pour les États-Unis afin de fuir toutes les tentations liées au trafic... Et, en arrivant à Atlanta, deux mois après, il a rencontré ma mère. Ils ont eu un coup de foudre l'un pour l'autre. Ils ne se sont plus quittés durant six ans. Je pense que c'est le départ de ma mère qui l'a fait chavirer. Il voulait obtenir davantage d'argent facilement et il a rencontré de mauvaises personnes... Je ne justifie en rien ses actes mais, il a fait cela pour notre avenir, pour que nous vivions aisément. Et, peut-être également, pour que ma mère regrette son choix d'être partie et qu'elle revienne parmi nous.

- Tu n'as jamais cherché à la contacter?

- Non, jamais. Elle a fait du mal à mon père, elle nous a abandonné. Je me suis toujours posé la question : comment une mère peut-elle abandonner ses propres enfants sans le moindre regret ? Je ne souhaite pas connaître une personne capable de cela, elle n'est rien pour moi. Elle n'existe pas. Pour moi, ma mère est décédée lorsque j'avais un an.

Ses paroles sont dures mais, comment lui en vouloir. Il a été abandonné sans la moindre explication venant de sa mère. Je pense qu'il a des raisons atténuantes pour la mépriser.

Moi-même qui ne la connaît absolument pas, j'éprouve, à cet instant, une certaine rancoeur envers elle. Comment a-t-elle pu abandonner cette personne qui se tient, à présent, face à moi ?