Je continue sur mon chemin. Un pas devant l'autre aussi rapide que je peux. Le soleil déjà bas dans le ciel, est inexistant ici. Je continue encore et encore jusqu'à ce que je ne sente plus le bout de mes doigts gelés, ni le vent froid qui s'engouffre avec violence dans mes cheveux pour les faire danser dans les airs. Je ne sens plus non plus mes yeux irrités au contact de l'air, ni mon coeur qui bat pourtant trop vite, ou encore mon souffle haletant. Je continue encore et encore pour forcer mon corps a exploiter les moindres parcelles de mes muscles jusqu'à la plus petite cellule. Encore et encore à en finir par avoir les jambes qui tremblent, le corps chaud de l'effort et froid de la température extérieure. Je ne fais plus attention à mes baskets qui frappent alternativement le sol, s'imprégnant de la terre humide du sentier. La récente pluie laisse une trace dans l'air, l'atmosphère humide, l'odeur de l'herbe mouillée, les pins, la sève, l'écorce, les aiguilles, la nature.
Je finis par m'arrêter au bout du chemin, déjà parce que mon corps me lâche, et puis parce qu'il fait nuit. Je suis obligée de m'appuyer sur mes genoux pour réussir à reprendre mon souffle correctement. Je ne sais pas comment je vais retrouver la force de rentrer chez moi. J'avance doucement, comme pour réhabituer mes pieds à marcher, vers un lac au milieu de cette forêt. Je me penche au dessus de l'eau pour admirer mon reflet, inspecter le creux de mes joues qui devient de plus en plus creux, mes cernes violets qui deviennent de plus en plus violet, ma fatigue qui devient de plus en plus visible. Quand mon reflet se voit brouillé par des gouttes d'eau. Il ne manquait plus que la pluie, génial. Je lève la tête vers le ciel en fermant les yeux, au moins elle nettoie les larmes chaudes qui se sauvent le long de mes joues.
Putain de corps de merde. J'en ai marre de tout ça, ces crises, ces cauchemars, ces fantômes, ces voix qui tournent sans cesse dans ma tête. Elles me murmurent des choses plus ou moins audibles, plus ou moins compréhensibles. Elles me rappellent qui je suis, qui je dois être, les plus profondes noirceurs de mon âme, ce que je veux faire disparaître de mon esprit. Mais tous mes efforts sont vains. Je ne sais que les éloigner. Le temps d'une course, le temps d'un morceau de musique, ou le temps que ces stupides médicaments se propagnent dans mon corps. Mais elles reviennent, elle reviennent toujours. Il n'y a aucun moyen d'y échapper.
Puisque je suis déjà mouillée, j'enlève quelques vêtements qui me collent à la peau, pour me retrouver en sous vêtements et rentrer dans l'eau glacial de ce lac, rempli de vase au fond où mes pieds s'enfoncent trop facilement. Je me fiche bien de la température, je ne ressens plus les choses du monde extérieur, je connais tellement pire. J'avance à peu près au milieu du lac, le fond n'est pas plus profond, je peux me déplacer debout absolument partout, enfin c'est ce que j'en conclus puisqu'il reste une grande partie que je n'ai pas exploré.
Je prend une inspiration et me laisse tomber en arrière, pour être entièrement submergée par ce liquide froid et vert. Je reste un moment ici, je ne saurais dire combien de temps exactement, mais pour moi, une éternité s'est déjà écoulée. Les sons apaisants de l'eau sont terriblement différents de la surface, les vibrations des poissons -ou autres espèces aquatiques- et le bruit des gouttes de pluie à la surface de l'eau sont relaxants. Il est malheureusement pour moi, le temps de retourner dans mon monde originel. Je rejoins la rive et mon corps se met à trembler face au vent qui vient caresser ma peau recouverte d'une pellicule d'eau.Je lève les yeux et me retrouve en face de mon inconnue à la tignasse rousse. Et si je suis pour le moins étonnée de la voir, on dirait qu'elle, avait prévu cette rencontre depuis des siècles. Je ne pense pas être très présentable en sous vêtements dans un bois, à presque dix heures du soir, mais ma mystérieuse inconnue est presque -enfin je n'irai pas jusque là- aussi bizarrement habillée que moi. Une simple robe blanche et bleu ciel légère qui s'arrête mi-cuisse, et c'est tout, elle a traversé le bois pied nu. Suite à un silence de plusieurs minutes, elle me tourne le dos prête à partir, mais se retourne directement en entendant ma voix.
"Pourquoi ? Je... qui es-tu ? Et c'était quoi cette présentation étrange qu'on a eu la première fois que l'on s'est vu ?"
Je veux plus, plus de questions, plus de réponses, mais je n'arrive pas à sortir d'autres mots, comme si mon cerveau prenait sa pause à chaque fois que je me retrouve en face de cette demoiselle.
Elle laisse un silence de quelques secondes, même si je suis intimement convaincu qu'elle sait déjà ce qu'elle va me répondre.
Dès qu'elle ouvre sa bouche pour me donner sa réponse avant de partir, je reste là, debout sans pouvoir bouger, parler, ni même rien faire d'autre.
Si je m'étais attendu à ça...
VOUS LISEZ
Une fille aux cheveux bleus.
Roman pour AdolescentsAlison à une vie assez banale, une adolescente qui aime être solitaire, tant qu'elle a ses écouteurs avec elle. Elle n'a pas sa langue dans sa poche et il vaut mieux éviter de l'énerver. Victime de nombreuses crises et cauchemars en tout genre, la j...