Chapitre 76.

881 64 9
                                    

Je me promène tranquillement, sous le soleil, il n'y a pas un nuage à l'horizon, ce genre de temps qui fait vraiment plaisir. J'ai proposé à Arthur de sortir avec moi, mais il ne m'a pas donné de réponse précise. Donc peut-être que je le verrai apparaître d'un instant à l'autre, ou peut-être pas. Je me surprends à remarquer des regards insistants de certains passants. J'oublie parfois que j'ai les cheveux teints, et que ce n'est pas vu comme "correct". Au moins j'apporte une touche de couleur vive, et puis que ça leur plaisent ou non, moi j'adore. Je m'installe sur un banc et sors un cahier et un livre de mon sac. Je me penche sur l'exercice de mathématiques fait en cours la veille, j'essaie de le comprendre de moi même, et de le réussir. J'en enchaîne plusieurs sans réel succès mais je sens que je progresse petit à petit quand même.
Je soupire et regarde autour de moi, toujours pas d'Arthur à l'horizon. Je pense qu'il ne viendra pas. Je range mes affaires, remets mon sac sur mon dos et pars marcher un peu. Il faut que je profite du soleil pendant qu'il est là. Comme à mon habitude, j'erre sans faire attention où je vais. Je relève les yeux quelques instants, avant de prendre conscience que je suis sur le pont, au dessus de la rivière qui traverse la ville. À cet instant, mes yeux se posent sur l'eau et plus rien n'est présent autour de moi. Je suis prisonnière sur ce pont sans pouvoir bouger. Mes pieds ancrés dans le sol, je ressens la même sensation étrange qui m'est arrivée durant les vacances. Pourquoi je me suis retrouvée ici ? Je sens mes membres chauffer les uns après les autres, se contractants sans que je ne puisse rien faire. Impuissante, j'essaie en vain de bouger, de parler, de courir, de m'enfuir. Mais rien. Mon corps devient son propre chef, je n'arrive plus à rien contrôler. Mes jambes chancèlent avant de s'écrouler, laissant tout le haut de mon corps s'écraser, râpant mes genoux sur le bois. J'arrive à échapper un cri. Un profond hurlement qui sort sans aucune difficulté. Je presse mes mains sur mes tempes pour essayer de stopper la migraine qui est en train d'envahir mon cerveau. Elle devient de plus en plus violente, et je me retrouve à me tordre dans tous les sens, haletante, des gouttes de sueur partout sur mon corps. Je cris une fois de plus, à cause d'une douleur plus forte que tout ce que j'ai pu subir jusque là. Un sentiment électrique qui part du haut de mon crâne, suivant ma colonne vertébrale pour parcourir mes jambes et finir au bout de mes orteils. Je n'ai même plus l'impression d'être dans le monde réel, les yeux fermés, la douleur m'empêchant de les ouvrir. Je n'espère qu'une chose, que ce soit un cauchemar, et que je me réveille au plus vite. Pourtant, les brûlures que je ressens me prouvent le contraire. Je supplie intérieurement, tous les dieux auxquels je ne crois pas, d'arrêter de me faire endurer ce calvaire. J'aimerais me concentrer sur ma respiration saccadée et mon cœur qui s'emballe, pour tenter de les calmer, mais ce que j'éprouve me force à me crisper, ce qui n'arrange pas mon état. Des larmes coulent toutes seules de mes joues, je n'en peux plus. Je suis prise soudainement d'intenses convulsions, je n'arrive cette fois plus du tout à parler, aucun son ne sort de ma bouche. Mon dos râpe contre les planches, et je tape mes pieds contre la barrière qui est à ma portée. Mes mains toujours sur ma tête, même si ça n'a aucun effet, je continue d'espérer. Je dois ressembler à une folle. Une fille possédée en train de taper partout, et de se tordre dans tous les sens sur un pont. Je grince des dents et pleure de plus belle, il n'y a pas un seul endroit de mon anatomie qui ne me fasse pas mal. Un sifflement assourdissant vient transpercer mes tympans, avant de laisser place à toutes ces voix. Toutes celles que j'entends depuis un moment maintenant. Elles parlent toutes en même temps, certaines chuchotent, d'autres piaillent. Je ne comprends rien à ce qu'elles racontent. Je les entends se rapprocher, comme si elles étaient vraiment présentes, de plus en plus proche de moi, c'est maintenant comme si elles étaient au dessus de moi.

«...Al....on.... Alis...... Alison.... ALISON !»

Je sens deux mains se poser sur les épaules, ce qui chassent immédiatement les voix. J'ouvre les yeux instantanément mais la lumière m'empêche de voir nettement. Je cligne plusieurs fois avant d'apercevoir quelque chose. Ma migraine se calme et mon corps cesse de gesticuler dans tous les sens. Je passe mes mains sur mon visage et expire avec exagération, soulagée que ce cauchemar se finisse enfin. Je redresse mon buste, me retrouvant assise sur le pont, et fixe la personne à côté de moi. Le destin fait parfois bizarrement les choses.

«Je... hum... Est-ce que tout va bien ? Me demande Julia, avec une mine inquiète. Je prends un peu de temps pour répondre, et avale ma salive plusieurs fois avant de la remercier.

-Ouais, ça va... Je crois. Merci.»

Je tourne le regard, gênée, un silence s'installe et je la vois aussi mal à l'aise que moi, elle doit me prendre pour une fille encore plus folle qu'avant. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit elle qui me tombe dessus à ce moment précis ? Je me demande même pourquoi elle a prit le temps de venir m'aider. Je ne la porte pas dans mon cœur et je m'imaginais que c'était de même pour elle. Je lui suis reconnaissante et lui fais savoir une seconde fois. Elle attend que je réussisse à me relever complètement et reprendre mes esprits avant de partir de son côté. Je m'éloigne brutalement de cette rivière d'enfer.
Je reste quelques minutes ici, à analyser ma nouvelle phobie. Je ne peux plus m'approcher des rivières.
Finalement, je rentre chez moi, d'un pas lent, et appelle directement Marine en arrivant, pour lui raconter en détail ce qu'il vient de m'arriver. Je me demande comment elle va réagir.

Une fille aux cheveux bleus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant