Chapitre 85.

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«Salut Pierre.» Je lui lance un regard noir, pendant qu'il passe faire la bise à plusieurs personnes présentes.

«Whaou, tu sens cette tension dans l'air ? S'exclame Maxence, sans parler spécialement à quelqu'un, et sans attendre de réponse non plus, je suppose. Pourtant, une personne que je ne connais pas lui répond tout de même.
-C'est de l'amour !
-Plutôt de la haine.» Rétorquais-je presque instinctivement.
Mes poings commencent à trembler. Je ne sais pas pourquoi mon corps se remplit de rage aussi intensément. Ce n'est pas comme s'il m'avait fait quelque chose personnellement. Je n'ai pas non plus envie qu'il paye de mon trop plein de colère, je suis sûre qu'au fond de moi, je ne cherche qu'une cible sur qui me défouler. Je dois réussir à me contrôler, tous les cachets que j'avale chaque jour ne font que repousser cet excès de rage, mais je dois m'astreindre d'expulser autrement ma force que par la violence. Je crois que j'ai encore du travail à faire, puisque lorsqu'il arrive vers moi je ne peux m'empêcher de le gifler. C'est comme si mon bras agissait avant mon cerveau, et il est parti avec une telle force que je suis presque sûre que Pierre en aura une marque. Il se retourne alors vers moi, avec une toute autre expression. Je crois que je l'ai énervé, il a la mâchoire serrée, son sang ne fait qu'un tour. Il m'agrippe le bras et me tire avec force pour me faire me lever. Puis il concentre sa violence dans ses mains qu'il enlace autour de mon cou. Je vois ses veines gonflées, sa poitrine trembler sous le rythme de sa respiration courte. J'essaie de me convaincre d'éprouver ne serait ce qu'un soupçon de panique. J'aimerais pouvoir avoir des regrets dans ce genre de situation. C'est d'ailleurs, typiquement dans ce genre de situation qu'une personne pourrait se dire "mince j'ai provoqué la mauvaise personne" et pourtant, ce genre de situation ne me procure que de la satisfaction. Je crois qu'il peut le voir dans mon regard. Mes yeux plongés dans les siens, avec une assurance certaine. Je sais parfaitement me sortir de son étranglement, je me suis entraînée avec des vidéos qui traînent sur internet. Un sourire vient prendre sa place aux coins de mes lèvres, en plus de mon regard vicieux, je pourrais parier avoir une tête de psychopathe. Je lui envoie mon poing dans sa gorge, au niveau de la pomme d'Adam. Pierre me libère de son étreinte contraint par mon coup qui le fait se pencher. J'en profite pour reculer de lui. Je me place dans une position presque animale, tel un félin guettant sa proie. Il me fait face, et s'engage une bataille de regards. Je crois lui faire comprendre qu'il n'aura pas le dernier mot avec moi. Le sang encore chaud, tous les sens aux aguets, prête à bondir aux moindres mouvements. Soudain, son visage se décrispe, et il éclate de rire, devant mon incompréhension la plus totale.

«Aaaah, petite tigresse... C'était donc pour ça tes comprimés en vacances ?»

Je ne réponds rien. Je tente de me décontracter, tout en restant méfiante. Il s'approche de moi à pas lent, comme lorsque l'on tente d'approcher une bête sauvage. J'entends le groupe de jeunes reprendre leurs discussions, en arrêtant petit à petit de se préoccuper de nous. Pierre arrive à ma hauteur, j'ai un peu reculé entre temps, jusqu'à être dos au mur. La colère sur son visage à l'air de s'être complètement évaporée. Et puis soudainement, sans prévenir, il presse ses lèvres contre les miennes dans un mouvement brutal. Il m'embrasse avec une fougue violente, une intense brutalité émane de son être. Sa langue lutte pour entrer dans ma bouche. Quand il s'écarte enfin de moi, ses yeux se fixent sur moi, tandis que je n'ai qu'un mot à la bouche.

«Pourquoi ?
-Pourquoi quoi ? Me répond-il dans un rire.
-Pourquoi tout ? Tout ça, je veux dire.
-Parce que je suis amoureux de toi.
-Quoi ? Je marque un silence avant de reprendre. Pourquoi ? Il rigole encore légèrement avant de me répondre.
-Comment t'expliquer... Parce que tu es celle qui va demander "pourquoi?" quand on lui dit qu'on est amoureux. Tu respires la liberté, la rébellion, tu n'as aucune barrière, aucune limite. Tu n'as pas peur de t'installer sur les genoux de quelqu'un que tu ne connais pas, tu n'as pas peur d'embrasser n'importe qui pour un jeu, ni de retirer le soutif d'une fille que tu ne connais sûrement pas non plus, ni de lécher la joue, l'épaule, ou n'importe quoi d'autre. Tu es juste toi, sans déguisement, sans artifice. J'avoue avoir rigolé intérieurement à ses deux derniers mots, sachant le maquillage et les rembourrages que je porte. Je sais que c'est idiot à dire, je suis sur que tu me trouves idiot là, peut-être que l'alcool aide un peu je sais pas. Mais t'as peur de rien, tu combats, tu agresses, tu rigoles, tu t'amuses, tu bois, t'en as rien a foutre des manières de vivre, des obligations de la société. T'as peur de rien. Et tout ça, ça te donne un caractère explosif, je ne sais même pas comment tout ça peut être concentrer dans un petit bout comme toi, et ta façon d'être... ton caractère... c'est attirant. T'es un aimant, je crois qu'on ne peut rien y faire. Je ne dois pas être le seul à te faire une déclaration, mais ton caractère, ça attire les gens, vraiment.
Je reste à comprendre tous les mots, les uns après les autres, tout analyser avant de lui répondre.
-Tu te trompes, je suis pas comme ça. J'ai peur d'un tas de choses. J'attire pas les gens, je suis seule et j'aime l'être. Je comprends pas. »

À peine ai-je le temps de finir ma phrase que je vois Arthur débouler à fond, il pousse Pierre en commençant à l'insulter. Est-ce qu'il a trop bu ? Il lui crache pleins de phrases plus méchantes les unes que les autres, avant de prendre ma défense. De quoi me défend-il ? Je ne sais pas, mais il me défend quand même.

«Et ne la touche même pas ! Elle est pas comme les proies que tu as l'habitude de gérer. T'as pas le droit de l'approcher, et t'as pas intérêt à le faire. Elle est à moi.

-Ah ouais ? Je me fais appartenir sans donner mon avis ? Vous êtes pas gênés les mecs. Je fais encore ce que je veux au cas où vous l'auriez oublié hein.»

Arthur, qui se tenait devant moi, les bras écartés, position assez ridicule d'ailleurs, se retourne pour me regarder après ce que je viens de prononcer avec nonchalance. Il me regarde comme s'il venait de se souvenir que j'étais là. Et à son tour, pose sa marque sur mes lèvres. C'est vraiment ma soirée. Sauf que, ce baiser est léger, doux, et au goût d'alcool. Il n'a duré qu'une fraction de seconde, comme la marque d'un respect profond. Je me sens assez mal au final, comme l'impression d'être un trophée que l'on veut juste pour l'honneur, enfin, tous les deux se battent pour prouver qu'ils sont plus dignes de me posséder. Du moins, je le ressens comme ça, c'est assez gênant. Et pour couronner le tout, Arthur retourne à l'intérieur, en faisant un clin d'œil à son rival, et il lui a glissé une phrase, dont je n'ai pas tout compris, mais il semblait lui faire comprendre que nous avions déjà échangé plus que ça. Énervée de tout ça, je décide de retourner danser, et pour ça, j'emmène Maxence, le seul qui ne m'embête pas. Avant de partir, je jette un coup d'œil à Ethan, qui à l'air de bien parler avec une petite brune plutôt mignonne, je peux le laisser en paix.
Après quelques minutes à bouger dans tous les sens, toujours pensive, j'essaie d'expliquer à Maxence, en lui parlant fort dans l'oreille pour couvrir le bruit de la musique, ce qu'il vient de se passer.

«Puisque tu as une copine, tu peux me dire objectivement si je suis attirante, ou... magnétique ?
Il me regarde surpris.
-Comment tu sais ?
-Supposition, que tu viens de me confirmer.
-Pas mal... pas mal... Et sinon, oui, tu es atypique on va dire, tu ne passes pas inaperçue.»

Alors lui aussi le pense... Pourtant je n'ai pas l'impression d'être spéciale. Enfin si, je sais que je suis beaucoup plus intense que quelqu'un de plus sain d'esprit, mais je ne sais pas comment ça peut attirer. Je pensais plutôt faire peur, voir carrément repousser.
Petit à petit les heures passent et les invités commencent à partir, je cherche Arthur pour le prévenir que je pars bientôt également, mais sans succès. Je monte alors dans les chambres et voilà, je le trouve déjà bien endormi dans l'une d'elles. Je m'assois sur le bord du lit et le regarde dormir. J'ai vraiment le truc pour passer pour une psychopathe. Il murmure quelques phrases dans son sommeil, des histoires de compteur électrique, tondeuse et d'élections. Je me demande bien de quoi il peut rêver ce gosse.

«Toi aussi, mon côté explosif t'attire ?»

Je me sens bête sur le coup, de briser le silence de la chambre sans le vouloir. Je me laisse allez à penser à voix haute. J'avoue, j'ai peut-être un peu bu plus que ce que j'aurai du. Mais je tiens. Je sors doucement, le laissant aussi endormi que lorsque je suis entrée. Je reçois un texto de ma mère, me prévenant qu'elle est arrivée, elle a acceptée de venir me rechercher lorsque je l'ai appelé tout à l'heure, je n'avais pas vraiment envie de dormir ici. Je me dépêche d'aller à la voiture, et sur le siège passager, je repasse les évènements de ma soirée dans ma tête, évaluant si elle était plutôt positive ou non. Je crois qu'on peut en conclure que oui, je verrai bien par la suite.

Une fille aux cheveux bleus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant