Chapitre 35.

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J'ai encore fais des cauchemars cette nuit. Je ne sais pas pourquoi je dors si mal en ce moment, mes crises reviennent souvent, même quand je ne fais rien, je ne sens plus l'air et n'arrive plus à respirer. J'ai réussi à me débrouiller comme je le peux pour me retenir de détruire mes nouveaux meubles. Je crois que la solitude me pèse, et je n'aurai pas pensé pouvoir dire un jour que je suis contente de retourner au lycée. Même si j'appréhende beaucoup la réaction de mes camarades de classe, et en particulier, Jules.

Je ne peux plus de me voir dans le miroir, le maquillage n'arrive même pas à me donner un semblant de bonne mine, malgré fond de teint, poudre, bronzer, blush, enlumineur, mascara, eyeliner, fard à paupières, crayon, rouge à lèvres, enfin tout le bordel des filles naturelles. J'ai les joues creuses et j'ai froid. Je n'arrête pas de superposer les couches de vêtements, mais je continue à grelotter. Je ne comprend vraiment pas mon corps qui me fait ressentir seulement quand il le souhaite les sensations de froid.
Je ne prend pas de petit déjeuner, mauvaise habitude que j'ai prise ces derniers temps, juste un jus d'orange et je pars.

Je vois de loin le bus qui est à l'arrêt, mais je n'ai pas le courage ni la force de courir pour l'avoir, je prendrais le suivant ce n'est pas grave. Une fois à l'intérieur, je monte comme toujours le son de ma musique pour m'échapper un peu plus dans mon monde.
J'arrive devant mon lycée qui reste toujours le même, imposant et en même temps accueillant. J'entre dans la classe, et je ressens bien toute l'électricité négative qui ressort des élèves à mon égard. Je sais pertinemment ce qu'ils pensent de moi, et je n'y prête pas attention, je pense que c'est la meilleure solution. Déjà que beaucoup me décrivaient comme une folle, une fille bizarre et pleins d'autres surnoms que je ne prend pas le temps d'écouter, maintenant les bruits de couloir sont focalisés sur mon action qui date de deux semaines quand même. Je prend tout de même le temps, lorsque je marche jusqu'à ma place, de fixer Jules. Je ne décèle que de l'inquiétude -pour lui même évidemment- et également une certaine fierté dont je ne connais naturellement pas la cause.
Je vais m'installer vers le fond de la salle puisque mon professeur refuse de me voir installée autre part. J'attends patiemment la récréation en écrivant des mots sur une feuille de brouillon. Ils n'ont peut être pas de sens chez les autres, mais moi je les fais exister, et en plus d'être un passe temps tout à fait inutile, je crois que ce n'est pas valorisé à l'école.
Le professeur me fait une remarque désagréable, notant que je n'écoute rien de son cours, et il a raison, et me demande ce que je fais alors, et c'est avec nonchalance que je lui répond le plus naturellement du monde que j'écris un poème. Il insiste lourdement pour que je lise devant toute la classe, je suppose plutôt que c'est pour m'humiliée mais bon, qu'est ce que j'ai à perdre ?

        La Nuit approbatrice allume les onyx
        De ses ongles au pur Crime, lampadophore,
        Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
        De qui la cendre n'a de cinéraire amphore
        
        Sur des consoles, en le noir Salon : nulptyx,
        Insolite vaisseau d'inanité sonore,
        Car le Maître est allé puiser de l'eau du Styx
        Avec tous ses objets dont le Rêve s'honore.
        
        Et selon la croisée au Nord vacante, un or
        Néfaste incite pour son beau cadre une rixe
        Faite d'un dieu que croit emporter une nixe
        
        En l'obscurcissement de la glace, décor
        De l'absence, sinon que sur la glace encor
        De scintillations le septuor se fixe.

Ils me regardaient, tous, attendant la moindre occasion de se moquer de mes vers, mais le silence a pris place dès que ma voix s'est éteinte sur le dernier vers. Monsieur Math, m'adresse un regard particulièrement méchant avant d'ajouter,

"Je pense que vous avez mieux à faire que d'aligner des mots en vous prétextant poète, étudier, c'est de ça dont vous avez besoin à la place de vos loisirs stupides."

Et il reprend son cours comme si de rien n'était. C'est bien les professeurs de mathématiques ça. À se sentir supérieur sous prétexte que "les math c'est la vie" ils négligent carrément les arts, je déteste cette face de l'école. En quoi la danse ou le théâtre sont moins importants que les mathématiques ? La danse, par exemple, est bien plus qu'un  métier c'est avant tout une passion, un moyen d'expression, de liberté, et ça fait renaître les sentiments et sensations universelles, je pense que c'est utile, bien plus qu'une foutu intégrale. Mis à part le fait que ce soit joli à dessiner, ça ne sert à rien dans la vie de tous les jours.
Le gong de la délivrance sonne enfin, je me dirige donc vers Marine, qui doit se demander ce que j'ai fais ces deux dernières semaines. Alors que je lui adresse un bonjour amical, je n'ai pas de réponse, elle n'a sûrement pas entendu, je me répète quand elle se retourne vers moi avec un regard de mépris.

"Toi, ne m'adresse pas la parole, et ne t'approche pas de moi, dois-je te rappeller que tu n'as pas le droit d'approcher Jules ? Et bien dommage pour toi, "ton toutou" ne te suivra plus, je reste avec Jules. Tchao."

Elle m'a tourné directement le dos et est retournée parler avec son amour de sa vie. Je n'ai rien compris de ce qu'elle m'a dit. Qu'est ce qui lui prend ? Elle m'a manqué totalement de respect dans la façon dont elle s'est adressée à moi, elle avait un ton extrêmement méchant, et puis c'est quoi cette histoire de toutou ? J'y comprend rien. Je retourne donc à mon siège, à mes vers et ma musique.

Une fille aux cheveux bleus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant