23- le barrage

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Léopold, caché derrière un arbre, attendait impatiemment son amie. Adana s'était mise au milieu de la route et arrêtait tous les voyageurs en qui elle avait confiance. Quand elle leur parlait, nombre d'entre eux la dévisageaient et continuaient leur route sans prêter attention à ses propos. Plus d'une demi-heure passa, et les échecs se multiplièrent. Le soleil étant au plus haut dans le ciel, Adana battit en retraite moins d'une heure après le commencement de sa quête. Elle rejoignit son ami dans les fourrés et s'assit à côté de lui. Elle ferma les yeux, savourant l'ombre et la fraicheur avant de boire dans une gourde qu'avait Léo dans sa besace.

« Vas-tu enfin me dire ce que tu demandes à tous ces gens ? »

Adana réfléchit quelques instant avec de souffler:

« Des cheveux.

- Des cheveux ? A quoi cela va t-il nous servir à passer le barrage de garde ?

- Ramène-moi des cheveux de deux personnes et je t'explique. »

Bien décidé à satisfaire son amie, Léopold se leva et rejoignit la route. Il scruta attentivement les voyageurs. Il passa un long moment à s'atteler à cette tache avant d'apercevoir sur une charrette de foin une vieille dame et son fils. Léopold s'approcha d'eux et leur fit signe de s'arrêter. Le jeune homme obéit et demanda à Léo la raison de cette demande. Humblement, Léopold leur expliqua ce qu'il cherchait, devant les yeux attentifs des deux paysans. Après le court récit expliquant le pourquoi du comment, la vieille femme sourit.

« Nous vous avons reconnu, vous êtes l'homme recherché par la reine Alda. »

Léopold déglutit en entendant cela. Il était donc recherché ? Qu'allait-il faire ? Les paysans le vendraient-il pour s'asseoir sur un peu de fortune ?

Ne vous inquiétez pas et changez de couleur, nous ne vous dénonceront pas. Si vous donner un de nos cheveux vous aidera, alors nous vous le cédons volontiers. »

La vieille arracha un de ses cheveux blancs et le tendit à Léopold. Son fils fit de même avec un cheveu châtain clair. Léo était ému par ces paysans. Il savait maintenant que le peuple le soutenait et croyait peut-être en Adana. Après les avoir grandement remercié, il s'enfonça dans le petit bois et retrouva son ami qui se reposait. Il tenta de s'asseoir a côté d'elle sans la réveiller mais immédiatement, elle dit:

« Tu en as ramené ?

- Oui.

Cette réponse fit grimacer Adana. Peut-être ne s'attendait-elle pas à ce que son ami ramène quelque chose qu'elle n'avait pas réussi à avoir. Léo préféra ne pas y faire attention. Il tendit les deux poils à Adana, qui lui pria de les garder pendant qu'elle préparait la potion. Une potion ? Il tenta de savoir à quoi cela servirait mais Adana ne l'écoutait pas, préférant se concentrer sur le liquide bleuâtre enfermé dans une fiole de verre qu'elle avait sorti de la besace de son ami. Il s'indigna d'ailleurs sur ce point: comment cette fiole s'était-elle retrouvée là ? Pendant qu'il pestait, Adana transvasa la moitié du liquide dans une autre fiole, elle aussi cachée dans la besace de Léopold. Il fut cette fois-ci énervé par toutes ces fioles qui apparaissaient soudainement dans son sac. Adana lui fit signe de se taire, en mettant son index sur ses lèvres puis demanda les cheveux. Elle en mit un dans une fiole et l'autre dans le deuxième flacon. La potion bleuâtre changea soudainement de couleur, dans une petite explosion. Elle prit la couleur du cheveu placé dans chaque fiole: soit blanc soit brun clair. Elle tendit la fiole blanche à Léopold, un sourire dans le coin de ses lèvres. Elle but la sienne avant que Léo ne pose quelque question. Il dut faire de même. Il faillit recracher le liquide : Il était certes doux comme du miel, mais avait un arrière-goût rance. Soudainement, il sentit des maux de ventre et une migraine. Il se pencha en avant, pensant vomir. A la place, il sentit ses membres s'engourdir et ses cheveux pousser. Il vit ses doigts se flétrir et s'allonger. Il entendit ses os rétrécir dans un craquement sinistre. Il était recouvert de ses vêtements; quand il se leva, ceux-ci glissèrent et tombèrent au sol, laissant apparaître un corps âgé, et nu. Il poussa un cri, dans un voix féminine et abîmée par le temps et essaya tant bien que mal de se cacher avec les vêtements tombés au sol. Il s'aperçut alors qu'Adana n'était plus devant lui; il cria le nom de son amie jusqu'à ce que réponde une voix d'homme.

Le conte des hérosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant