31- Le village des berges

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Les trois amis atteignirent leur destination un peu avant midi. Le vent était tombé d'un seul coup, tel une enclume. La poussière volante s'était déposée au sol, et Léo avait pu voir que le village n'était plus qu'à quelques kilomètres. Ils avaient continué leur route, plus apaisés que balancés par le vent.

Ils dépassèrent quelques maisons qui bordaient l'enceinte du village, délimitée par une palissade de bois. Avançant prudemment, ils ne remarquèrent d'abord personne. Ils débouchèrent alors sur une place centrale, où un marché se tenait : ici, il était presque impossible de circuler sans se faire bousculer. Les trois amis n'eurent pas le temps de faire quoique ce soit qu'à peine arrivés sur la place, les villageois arrêtèrent toute activité pour les regarder. Plus un seul bruit ne se faisait entendre, pas une seule personne n'osait bouger. Les trois silhouettes inconnues étaient devenues le centre de toute attention. Léo se sentit alors très mal à l'aise : tous ces regards tournés vers lu semblaient ralentir considérablement le temps. Rien ne se passa pendant un long moment. Tout le monde les dévisageait fortement. Soudain, un homme se détacha de la foule : il était petit, corpulent et ses cheveux roux étaient ramenés en une tresse lâchée dans le dos. Il semblait manquer de confiance en lui, et sa marche malhabile faisait penser à un oiseau blessé. Il portait une chemise en lin et un pantalon de peau, comme la majorité des villageois. Il toussota pour attirer l'attention puis prit la parole.

« Qui êtes-vous, étrangers ? Sachez que vous n'êtes pas les bienvenues ici.

- A qui ai-je l'honneur, commença Adana ?

- A Blister Wink, maire de ce village tranquille qui ne veut pas de vous. »

Sa voix arborait un ton fort qui se voulait confiant, malgré les quelques hésitations. Il voulait sans doute faire forte impression en les menaçant.

« Eh bien monsieur Wink, excusez-nous de troubler votre paisible marché mais mon ami a besoin d'aide. Pourriez-vous lui administrer quelques soins ?

- Nous n'aidons plus les étrangers. De plus, il semblerait que vous vous soyez battus. Nous détestons les armes. »

Un murmure d'approbation s'éleva dans l'assistance. Les regards curieux et apeurés se transformèrent en suspicion.

« Nous vous demandons de bien quitter notre village car avec tout le respect que je vous doit, c'est-à-dire nul, vous ne serez jamais accueillis en héros. »

Léo ne comprenait pas pourquoi ces villageois étaient si réticents à les aider. Sans doute y avait-il une raison. Quoiqu'il en soit, Adana n'avait pas dit son dernier mot. Elle essaya de contester la décision du maire, sans y parvenir. Cela n'eut pour effet que de l'énerver. Le combat était perdu d'avance : ils étaient trois contre un village entier. Ce ne fut qu'après un court moment de négociation, de supplications, d'harcèlements que le maire, rouge de colère et d'impatience, cria :

« Quittez cet endroit immédiatement ! »

Tout semblait perdu. Les trois amis furent contraints de faire demi-tour pour quitter le village et trouver autre aide ailleurs. Ils étaient sur le point de sortir de la place quand un voix retentit, forte et puissante.

« Arrêtez ! »

Ce mot fit écho sur la place pendant un moment. Léo s'arrêta et se tourna, bientôt imité par ses amis. Le maire et tous les autres villageois s'étaient crispés. Léo ne comprenait pas plus que ses compagnons. Il vit la foule se diviser en deux, laissant apparaitre une toute petite dame aux cheveux blancs. Elle n'avait pas plus de la soixantaine, et ses vêtements se résumaient à une longue robe aubergine et un châle couleur crème déposée sur ses épaules. Elle était coiffée d'un gigantesque chignon qui trônait au sommet de sa tête. Elle s'avança vers Léo, puis le dévisagea. Elle ouvrit ensuite ses bras pour l'embrasser avec un grand sourire.

Le conte des hérosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant