35- Moonhil

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Deux jours avaient passé depuis que Rydon avaient été enlevé par Alda. Adana et Léo avaient repris leur route vers Moonhil. Il fut bien difficile de convaincre Adana de ne pas se rendre pour Léo : par amour pour lui, elle était prête à faire n'importe quoi, et Léo le comprit bien assez vite. La lecture de la lettre l'avait mise dans une panique effroyable, qui eut pour effet de lui faire perdre le contrôle de ses émotions et de hâter ses jugements. Elle s'était précipitée vers la porte, disant vouloir se rendre à la police du village, afin de sauver Rydon. Léo eut beaucoup de mal à la rattraper, car elle marchait d'un pas rapide, trottinant presque. Il dut lui tirer le bras d'un coup sec pour qu'elle se retourne et lui fasse face.

« Tu ne te rendras pas, Adana. Tu n'as aucune raison.

- Bien sûr que si, et une de la plus haute importance : Rydon, mon compagnon, mon confident, mon ami le plus cher vient d'être enlevé, et ne sera libéré que contre une rançon se résumant à une simple petite chose : moi.

- Ceci, je le sais. Je sais aussi que cette présumée rançon est censée atteindre l'arbre à vœux pour sauver ce monde. Il faut que tu choisisses entre une, certes très importante à nos yeux, ou des milliers de vies ; sache que, peut importe ce que tu vas faire, il y aura une conséquence des plus douloureuses. »

Adana l'avait regardé d'un œil vide, presque mort. Des larmes avaient commencé à couler sur ses joues ; un torrent de larmes. Elles se déversèrent sur son visage d'un teint ordinairement rose, mais qui avaient viré au rouge à cause du liquide salé. Elles coulèrent jusqu'à son menton, attendant un moment propice, puis tombèrent sur ses vêtements. Adana s'était pris son visage entre ses mains, avait gémi, puis crié. Elle était tombée à genoux ; Léo l'avait suivi. Il la prit dans ses bras, et elle, se laissant faire, redoubla de colère et de tristesse.

« Pourquoi, pourquoi maintenant ? Je venais à peine de le trouver ! Pourquoi, pourquoi...

- Je ne sais pas, Adana, je ne sais pas. »

Et Léo avait laissé échapper une larme, puis deux puis trois, bientôt suivies par des centaines d'autres. Ils restèrent longtemps comme cela, sur le magnifique tapis de feuilles brunes qui commençaient déjà à tomber. Le soleil, au loin, se couchait, en laissant encore apparaître quelques rayons rougeoyants au-delà de la limite du monde ; puis, comme entrainée par un souffle, la lumière disparut, laissant les deux amis dans un monde noir et vide de sens.

***

La marche fut très longue jusqu'à Moonhil. Submergée par des idées noires, Adana ne parlait pas, et se contentait de suivre Léo, qui avait prit les rênes du duo. Il se guida en observant la mer au loin ; Adana, en guise de seule réponse à ses questions, lui avait dis que Moonhil était entre autres un port. Ils marchaient donc à une distance raisonnable de l'océan, pour ne pas être repéré ; Léo avait choisi de longer le sommet d'une longue colline qui séparait l'eau de la terre. Ils arrivèrent un soir, annoncé par la lueur déclinante, devant les immenses remparts de la ville. Ils passèrent les gardes de l'entrée, sans beaucoup de difficulté. A vrai dire, aucune personne en uniforme ne les arrêtait, ni même était présente ; ce qui faisait qu'un monde incroyable entrait et sortait, chargé de marchandises et de trouvailles. Les petites rues, serrées entre deux rangées de maisons de bois et de pierre, ne permettaient même une charrette de traverser. Entre deux altercations avec des habitants grommelant, Léo admirait cet endroit médiéval : les rues pavées étaient foulées par des centaines de marchands, riverains et dignitaires excentriques, optant pour des habits toujours plus colorés ; les personnes aux fenêtres séchaient leur linge sur des cordes étendues entre les deux cotés de la rue et le bruit était d'un gène indescriptible. Tous deux l'un derrière l'autre, Adana et Léo cherchaient dans la rue une auberge où dormir. Ils finirent par trouver une bâtisse dans une rue adjacente. Le panneau indiquant le nom était décroché, mais cela n'avait aucune importance. Léo poussa la porte, et s'engouffra suivi de son amie à l'intérieur. Il fut d'abord frappé par l'odeur nauséabonde de ce lieu : il se composait d'un mélange de houblon, d'urine et de tabac. Des marins devaient passer leurs nuits ici, entre deux voyages. La faible lumière leur laissait juste un halo suffisant pour apercevoir le comptoir et quelques tables où, malgré l'heure prématurée, des corps remplis d'alcool gisaient. Quelques-uns, assis à un bar excentré au fond de la pièce, étaient presque à ce stade.

Le conte des hérosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant