Le conte des héros

36- trahison

Attablés dans une petite auberge discrète dans une rue perdue au milieu de la ville, Léo se trouvait en face de Rix, qui attendait qu'on leur serve leur verre de breuvage local. Suite à la brève entrevue dans le cul-de-sac, il avait suivi le chef des armées dans un dédale de rues toutes plus délabrées les unes que les autres. Ils avaient atterris dans une très vieille auberge, très peu fréquenté et parfaite pour parler secrètement. Ils s'étaient donc assis dans un coin de la salle. Quand la serveuse arriva avec deux verres remplis d'un liquide bleu foncé, Rix prit le contenant, en but une gorgée et commença à parler.

« Sache tout d'abord que tout ce que je vais te dire sera seulement la vérité. Je t'en fais ma promesse.

- Comment puis-je m'en assurer ? Comment croire la parole d'un homme perfide ?

- Tu n'auras qu'à demander à Adana. Elle, sait très bien ce qu'il s'est passé, elle pourra te le confirmer.

- Je doute qu'elle veuille m'en parler. J'ai déjà essayé par le passé, et cela n'a pas très bien réussi.

- Elle ne pourra pas te mentir si tu expose les faits, tu verras. »

Rix but en une seule gorgée le reste du contenu de son verre. Comme il vit que Léo ne buvait pas le sien, il lui demanda de le boire, et celui-ci accepta. Il ne voulait pas vraiment ingérer ce liquide qui ressemblait plus à de l'essence qu'à de l'alcool.

« Bien, je vais tout te raconter ; mais je ne serai pas responsable de ton comportement par la suite. »

Léo était de moins en moins sûr de vouloir entendre. Après avoir connu cet évènement, ferait-il toujours confiance à Adana ? Il en doutait sérieusement ; mais il lui fallait savoir.

« Comme tu le sais, toute la famille royale acquiert à sa naissance un certain pouvoir, qui est signe de puissance et de supériorité. Adana a reçu le sien le jour de la mort de sa mère, à sa naissance. Cela fut très funeste pour toute la famille, et pour la suite de son histoire. Comme la reine était très appréciée de ses sujets, tout le royaume fut plongé dans une grande tristesse. Le roi, lui, était tellement affecté de cette nouvelle qu'il ne s'occupa pas de sa petite et charmante fille. Elle grandit alors avec des servantes, qui lui apprirent la vie. Peu après, on apprit que le roi était mort de chagrin ; mais c'était un mensonge divulgué par la famille entière. La vérité, c'est qu'Adana fut retrouvée dans le lit de son père, le couteau qui avait servi à le tuer dans ses mains. Elle avoua une fois en prison qu'elle fut influencée par des villageois, qui en avaient assez que le roi ne veuille plus s'occuper de ses sujets. Additionné à son manque d'amour paternel, elle avait fait le geste fatal. Suite à cela, Les frères et sœurs du roi lui retirèrent ses pouvoirs en guise de punition, et la bannirent. Elle fut confiée à un berger isolé. La suite, tu la connais plus ou moins. »

Léo était abasourdi par la nouvelle. Il avait d'abord cru à un malentendu, qui consistait à ce qu'Adana eut découvert le corps en premier, très vite suivi par une autre personne ; mais le fait est qu'elle avait avoué. Elle était donc coupable.

« Vous... vous êtes sûr qu'elle ait avoué ? Si facilement qui plus est ?

- Elle était jeune, et les enfants ne savent pas mentir. Les remords, peut-être. »

Léo n'arrivait pas à croire ce qu'il venait d'entendre. Il ne pouvait pas croire que son amie, celle qu'il suivait depuis le début, avait aussi peu d'humanité. Quand il y pensait, il ne savait même pas pourquoi il faisait ce voyage. Il s'était réveillé dans le lit d'un parfait inconnu , placé en prison, libéré par un groupe libéral lors d'une bataille, parti en voyage sans trop savoir en quoi il consistait, qui plus est pour une chimère, encore une fois jeté en prison, passé dans un portail spatio-temporel, combattu un monstre, trompé par une tante d'Adana, reparti en voyage jusqu'à cette ville. Il avait l'impression de n'être que le pion dans une histoire familiale de possession du pouvoir. Il n'avait jamais eu son mot à dire. Il ne s'était jamais posé de question sur personne, pas même sur ses amis. Maintenant, il en avait des milliers.