6. Serre les points et bats-toi

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Ne pas lâcher Pierre des yeux , ne pas lâcher Pierre des yeux

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Ne pas lâcher Pierre des yeux , ne pas lâcher Pierre des yeux. 

Je me répète cette phrase sans cesse comme une comptine que l'on ne pourrait se sortir de la tête. Mais cela m'aide à me concentrer. À réfléchir à toutes les éventualités possibles, tous les pires scénarios inimaginables où je serai obligée d'intervenir .

— Bonsoir Eléa.

Le sourire narquois de Sullivan me fait frissonner. Les mains dans les poches de son jean bien trop grand pour lui , il affiche un faciès triomphant. Une cigarette à la bouche, l'air nonchalant, il n'a pas changé d'un pouce depuis la dernière fois que je l'ai vu. Grand et mince , presque rachitique, son apparence négligée me répugne. Ses petits yeux noirs sournois soutiennent mon regard. Mais je ne baisserai pas les yeux. 

Jamais devant lui.

Je ne m'attendais pas à le rencontrer de nouveau et il en est parfaitement conscient. Ces gens sont le mal en personne. Il ont entrainé Pierre lorsqu'il était le plus vulnérable et ont réduit son adolescence en un cauchemar sans nom. Sullivan n'a pas de limites, pas de règle, et n'obéit à personne. 

Sa spécialité ? L'organisation d'hostilités en pleine rue. Son gagne-pain ? L'amas de mises scandaleuses, sur celui qui ressortira indemne, et que l'on surnommera "champion". Ce monstre prône comme un grossiste sur un marché, ses attractions sensationnelles. Il ameute ces spectateurs à la recherche de sensations fortes. Ces Monsieur et Madame tout le monde englués dans leur routine et qui se sentent privilégié de découvrir les combats. Excités à la vue du sang, des éclats de voix, de chairs,d'os, et de sueurs de ces corps se déchirant entre eux. De ces hommes qui se battent pour leur honneur, pour l'argent et un peu de poudre blanche. 

Durant deux années consécutives Pierre était le champion, le poulain de Sullivan. Et la personne qui a réussi à le détrôner, c'était moi. Épaulée par Luna, j'ai gagné ce combat, cette bataille épuisante. Et même s'il n'était pas question de fractures, je me suis battue pour rassembler les pots cassés. De ce qui restait de mon ami, de son corps et de son âme amochés. 

— On entre ?

La voix stridente de Marion réussit à détourner mon regard. S'agrippant au bras de Pierre , elle le supplie de ses grands yeux verts noircis par l'eye-liner, dégoulinant sous ses cils. Elle ressemble à un panda. 

Trépignant d'impatience, se soumettant à chaque miette qu'il pourrait encore lui offrir. Je ne sais, si un jour cette fille a eu une once de respect pour elle-même. Marion était à ses pieds, et même, à genoux devant lui. Répondant à chacune des envies de Pierre, chacun de ses désirs, aussi sombres et tordus qu'ils puissent être. N'importe où, n'importe quand, pourvu qu'il puisse lui donner de l'attention, elle capitulait. Celle-ci replace d'un geste nonchalant sa longue chevelure blonde, dévoilant le côté rasé de son crâne, et me toise sans scrupule.

 Pierre, lui, rencontre enfin mon regard. Je tente de l'implorer, de le supplier pour qu'il ne fasse rien de compromettant. J'essaie de trouver dans ses yeux ,la lueur d'espoir que j'ai appris à nourrir toutes ces années. Mais celui-ci détourne rapidement la tête et entre dans le bar.

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