Existe-t-il réellement un instant, aussi court et futile soit-il où chacun de nous réalise qu'il est heureux ? Une certaine prise de conscience où le temps se suspend et où l'on se rend compte que rien ne manque ?
La vie d'Eléa, jeune infirmière, es...
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Il ne me faut que quelques secondes pour plonger au dessus de Pierre. Allongé sous mes mains, le teint livide , son âme semble avoir quitté son corps. De grosses gouttes de sueur perlent sur son front et recouvrent son visage d'une fine pellicule scintillante. Sa respiration est lente, profonde, et ses lèvres sont boursouflées de petites gerçures violettes. Il sent la transpiration , l'urine aussi. L'odeur saisissante me brise littéralement, et je me rends compte que ses démons ont eu raison de lui. Une fois pour toute .
— Pierre , réveille-toi !
Je peux apercevoir de faibles mouvements oculaires sous ses paupières closes. Je sais qu'il m'entend et qu'il lutte contre cet état afin de refaire surface. J'espère plus que tout que ma voix résonne en lui, j'espère qu'il sait que je suis là, maintenant et à jamais.
Je donnerais tout pour revoir ses magnifiques yeux verts, je lui offrirais toute ma force pour qu'il puisse me sourire et me taquiner une nouvelle fois.
II faut juste qu'il me revienne.
Désemparée je discerne distinctement les battements de mon coeur dans mes oreilles, entre mes gémissements qui le supplient de revenir à lui. Mes yeux le détaillent encore et encore et je passe une main tremblante dans ses boucles brunes humides. Son front est brulant au contact de ma peau. Je le caresse tendrement, essayant de créer un lien à ce contact. Son t-shirt blanc est maculé de petites taches brunes dont j'ignore la provenance. Je ne sais depuis quand il n'a pris soin de lui. A la recherche d'indices, je détaille chaque parcelle de son corps . Et mon coeur loupe un battement lorsque je remarque sur ses avants bras de petites tâches rouges. De minuscules traces d'injection témoignent de l'entrée d'un produit dont je n'ai pas le nom . Produit visiblement à l'origine de son état actuel. Une larme s'échoue alors rapidement sur ma joue.
— Qu'est ce que tu as fait ?
Mon coeur se brise et tout mon être se bat entre l'abattement et la colère. Lui que je croyais si fort , m'abandonne une nouvelle fois et m'offre le spectacle de ses faiblesses. Il n'a pas su résister et s'est laissé sombrer. Lamentablement. Qu'aurais-je pu faire ? Qu'aurais-je dû faire pour éviter cela? Le pire est face à moi et je ne sais encore s'il est trop tard. Il faut qu'il me revienne, il doit reprendre vie. Pierre n'est pas venu jusqu'ici pour que j'assiste, impuissante, à sa déchéance. Alors peu importe que nous soyons au beau milieu du couloir de ma résidence, peu importe qui pourra m'entendre, l'essentiel c'est que mes mots puissent l'aider à me rejoindre. Alors dans un dernier effort je lui hurle,
— Tu n'as pas le droit de me tourner le dos une seconde fois Pierre ! Alors maintenant reviens !
Discrètement ses cils effectuent un léger mouvement. Je ne sais si c'est à cause de la proximité de nos visages et de l'effet de mon souffle sur lui. Alors j'arrête de respirer.
