13. Je te remercie

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Cette journée fut la pire de toutes  celles que j'ai pu passer depuis un bon nombre d'années . Je n'ai pas entendu le réveil sonner et j'ai donc pris du retard sur toute ma tournée. Il faut dire que je suis rentrée chez moi dans un état de fatigue extrême . 

Je me suis allongée sur le canapé afin de rassembler mes esprits et j'ai fermé les yeux quelques minutes . Des minutes qui se sont transformées en heure, jusqu'à ne plus finir, jusqu'à ne pas entendre mon alarme ce matin. J'ai plongé à corps perdu dans un sommeil profond, dans le monde de silence qui m'avait fait tant de bien hier soir. Ce déferlement d'émotions avait exorcisé les miennes. Je m'étais mise à pleurer sans jamais pouvoir m'arrêter ,  devant un parfait inconnu  au contact de sa musique silencieuse.

Mais à l'instant où Matt m'a avoué que son frère nous observait tout ce temps et qui plus est avait spécialement choisi cette chanson, mon coeur s'est arrêté de battre. Je me suis souvenue des dernières paroles, me suis sentie honteuse d'être observée et bouleversée à ce point. Je n'avais qu'une idée en tête : rentrer chez moi. Me réfugier dans mon cocon pour retrouver cette stabilité dans laquelle je me complet tant. J'ai à peine eu le temps de remercier le jeune artiste , que prise de panique, j'ai fui tout simplement.

 Mais la réalité m'a rattrapé aussi vite ce matin, et les patients les plus chroniques m'ont fait remarquer mon retard. Alfred m'a à peine décroché un mot, le regard noir, réveillant mon irritabilité. Et la maman de Tom m'a bien fait comprendre qu'elle avait autre chose à faire que d'attendre ma venue. J'ai serré les dents à chaque remarques , fermé les points à chaque soupirs . Je suis maintenant de mauvaise humeur et je ne voulais absolument pas être dans cet état d'esprit lorsque j'arriverai chez les Luquet dans quelques instants. Je me dois d'être à la hauteur des attentes de Georges, je me dois de l'aider au maximum pour que cette soirée si spéciale soit réussit. 

*********

— De quoi ai-je l'air ?

— Vous êtes parfait Georges. 

Mon patient assis au bord du lit, ajuste les manches de son costume. Celui-ci devenu un peu trop grand pour lui depuis sa perte de poids. Mais il rayonne, c'est là un tout autre homme. Je suis si fiere de lui et de ce qu'il s'apprête à faire ce soir. 

— Peux tu me donner la feuille qui est sur le secrétaire s'il te plait mon ange ? 

Je m'exécute et lui tends ce qu'il me semble être une lettre . Georges la place méticuleusement dans sa poche mais laisse tomber au sol le mouchoir qui se trouvait à l'intérieur . Je me baisse pour le ramasser et  remarque quelques taches de sang. Ma respiration se coupe et sans que je ne puisse dire quoi que ce soit , mon patient le reprend en me lançant:

— Prête ? 

Sans insister , J'acquiesce d'un signe de tête ,ne voulant pas rompre la magie de ce moment .  Instinctivement je rapproche le fauteuil roulant pour que Georges puisse s'y installer. 

 — Non Eléa, viens par là . 

Il ne me faut que quelques instants pour comprendre que ce soir nous bannirons tout ce qui fera le lien avec la maladie de Monsieur Luquet . Et c'est tout naturellement que je lui offre mon bras. Georges passe une main sur la jolie rose blanche brodée puis autour de mon biceps. Il se hisse sur ses jambes, ce qui lui arrache une grimace, mais ne fléchit pas. J'attends qu'il soit stabilisé et nous faisons nos premiers pas ensembles. Je suis attentive à ses mouvements que je ne l'avais jamais vu faire auparavant . 

Nos regards se rejoignent et je sens de la fierté dans le sourire qu'il me lance. Cela réchauffe mon coeur instantanément. Monsieur Luquet se redresse fièrement puis avance toujours à mes côtés d'un pas décidé. Nous traversons le couloir , je perçois de la hâte dans sa marche et je dois avouer que je suis aussi excitée que lui . C'est alors que nous faisons notre entrée triomphale dans le séjour. 

BreatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant