A LIRE AVEC LA MUSIQUE.
ELEA
Lorsque j'ai obtenu mon diplôme d'état, plusieurs choix de carrière s'offraient à moi. J'ai opté pour le libéral en rapport avec la proximité avec le patient . En effet, vous n'êtes pas revêtus de cette blouse blanche qui terrifie, rappelle la maladie, la mort , l'autorité, aussi. Comme celle de l'infirmière concentrée sur son ordinateur dans ce long couloir, qui daigne me regarder.
Le patient vous ouvre sa porte , vous confie une partie de lui et de sa vie. Vous entrez dans son univers et pas dans l'une de ces chambres stériles dans laquelle je m'apprête à pénétrer .
Georges m'a ouvert sa porte il y a deux ans maintenant . L'odeur de lavande m'a conduite jusqu'à lui , m'a accompagné durant ce chemin et a finit par nous unir. Loin de celle du désinfectant qui emplit mes narines à cet instant.
Georges m'a confié ses plus heureux souvenirs, ses doutes et ses peurs sous la faible lumière de sa lampe de chevet et pas sous celle des néons qui meurtrit mes yeux. Quant à moi,je lui ai avoué mes craintes de jeune débutante et de jeune femme, aussi. Au rythme des jours, des mois, des semaines et des saisons.
J'ai lavé durant bien des matins et bien des soirs le corps de cet homme qui m'a fait confiance. Qui s'est mis à nu autant que je l'ai fait. J'ai appris à fredonner du Brassens au rythme de ses murmures, j'ai appris à quel degré Georges appréciait l'eau . J'ai massé cette enveloppe corporelle durant de longues minutes pour apaiser les souffrances de son âme. J'ai appris que le second degré pouvait tirer des sourires dans les bons jours, j'ai appris à respecter les silences durant les mauvais.
J'ai appris à devenir une meilleure infirmière aux côtés de Georges. Mais la femme que je suis est terrifiée à l'idée d'ouvrir cette porte.
— Eléa...
La voix d'Ethan derrière moi interrompt alors mes pensées. Incapable de prendre le volant et tout juste en mesure de prononcer le mot "Hôpital" , il a insisté pour me conduire ici. N'ayant plus l'énergie de refuser, je suis alors montée dans sa voiture. Évitant de croiser son regard inquiet qui ne cessait de se poser sur moi durant tout le trajet. Ethan n'a jamais brisé le silence. Comprenant que d'autres choses étaient en jeu à cet instant. D'autres choses beaucoup plus graves que le mensonge.
La maladie, le cancer, la mort au-delà de cette porte.
Et c'est ainsi qu'une fois de plus aujourd'hui, je me dois d'être forte. Je n'ai pas le choix. Alors tout en prenant une grande inspiration afin de me donner du courage, car il n'est pas question de flancher, c'est d'une main tremblante que j'actionne la poignée.
La chambre de Georges est plongée dans le silence, seul le sifflement de l'appareil à oxygène me parvient aux oreilles. Franny est sagement assise sur un fauteuil au chevet de son mari. Les mains jointes sur son fameux tablier bleu. Ce même petit bout de femme qui m'attendait encore il y a trois jours devant son perron. La voir ici , dans cette chambre froide épurée, aux murs si blanc où l'atmosphère est dénuée d'émotion. La voir dans cet environnement qui ne lui ressemble pas, crée un séisme dans ma poitrine . Mais je ravale mes larmes lorsqu'elle perçoit mon visage et que le sien s'éveille alors.
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Breathe
RomanceExiste-t-il réellement un instant, aussi court et futile soit-il où chacun de nous réalise qu'il est heureux ? Une certaine prise de conscience où le temps se suspend et où l'on se rend compte que rien ne manque ? La vie d'Eléa, jeune infirmière, es...