35. Nid de coucou

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A LIRE ABSOLUMENT AVEC LA MUSIQUE.

PIERRE

Un seul petit comprimé bleu tient faiblement au creux de ma main

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Un seul petit comprimé bleu tient faiblement au creux de ma main. Quelques millimètres circulaires et striés possédant le pouvoir de rendre mon calvaire plus supportable, et d'éviter les convulsions liées au sevrage. Ce produit miracle porte le doux nom de Valium*. Mais d'après ce que l'on m'a communiqué, il peut, au long terme, engendrer  une accoutumance  . Quelle prodigieuse invention que remplacer une addiction par une autre !

Devant le regard concentré de l'infirmière, je m'empresse de faire disparaitre le talisman dans ma bouche. Tandis que le soldat n'en perd pas une miette. Je sais que son travail est de vérifier la prise correcte du traitement, mais putain, celle-ci doit sourire quand il lui tombe un oeil.

Et elle a encore les deux.

Alors je déglutis exagérément, sentant rouler dans ma gorge, le petit joyeux bleu. Après satisfaction la blouse blanche échoue son regard sur le patient derrière moi , me donnant l'aval de retourner m'asseoir sur un de fauteuils de la pièce de vie.

Drôle d'appellation d'ailleurs « pièce de vie ». Moi, je ne vois que des corps qui végètent. Je m'attendais à entendre des cris, l'expression de la violence animale de ces esprits tourmentés par la maladie. Mais le seul animal dans cette pièce, c'est moi. Une créature étrange que les patients ne cessent d'observer depuis que j'ai fait mon entrée dans ce pavillon.

J'ai cru comprendre que certains sont là depuis des années, et semblent fatalement avoir trouvé leur destinée. Ces murs prunes sont leurs sanctuaires, des cloisons qui parlent à la place de ceux qui sont maintenus au silence par cette camisole chimique. Emprisonnant leurs démons, les muselant pour le bien de la société. Leur permettant un semblant d'existence et de vie.

Mon regard s'attarde sur la vieille femme concentrée sur sa partie de scrabble. Je crois qu'elle passe ses journées devant ces mots qui semblent avoir un sens pour elle. Maux qu'elle traduit par « Enfer, Satan et vinaigre ».

Quel bordel dans son esprit !

Puis, mes yeux s'échouent sur cet homme qui rase les mûrs ne lâchant pas mon regard. Il possède cette différence , l'horreur de la folie qui s'exprime sur son visage. Déformé , presque inhumain, et aux oreilles particulièrement décollées. Un pantin dont les membres semblent désarticulés et la démarche chancelante.  Pourtant il ne cesse de me sourire , dévoilant les quelques dents qui lui restent , à la couleur du goudron , celui qu'il respire chaque jour.

La cigarette me semble être leur seul plaisir, dont ils jouissent encore. Plaisir dont certains en sont restreints . Harponnés contre les vitres de l'aquarium du bureau infirmier, au centre de la pièce de vie. Cet emplacement stratégique offre la possibilité aux blouses blanches de nous observer tout en restant confortablement installés dans leur siège.

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