41. Gifle.

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ELEA

Respirer. C'est la première chose que nous réalisons lorsque nous venons au monde. Pour la majorité d'entre nous, ce n'est qu'un simple mouvement, un geste insignifiant. Pour d'autres il est affreusement douloureux et nécessite parfois de l'aide. Pour ma part, c'est tout ce qu'il m'aurait suffit.

Mais à cet instant, j'en suis tout bonnement incapable. La bouffée reste coincée dans ma gorge et je suffoque en silence. Tout mon corps est en train de recevoir le puissant ras de marée qui, je le sais, va m'anéantir dans quelques instants . Et la douleur qui s'insinue lentement dans mon estomac face aux aveux de Matt n'est que le prélude.

Alors, rien de tout cela n'était sincère. Ethan m'a délibérément menti et caché ses vraies motivations. Je n'étais qu'un jeu. Je n'étais qu'un cobaye, une expérience, un défi tordu.

Mes paupières se scellent alors, car je sais désormais que je viens de perdre quelque chose, en moi. Une partie de mon âme qu'on m'a injustement volée et bon Dieu, c'est affreusement douloureux...

— Eléa, tout va bien? Me demande Matt tout en posant sa paume sur la mienne.

Je retire alors vivement ma main, comme si plus rien ou personne ne devait m'atteindre. Comme si un simple contact pouvait me faire souffrir davantage.

— Tu le savais... Depuis le début ? Murmuré-je.

— Eléa... je suis désolé. Soupire-t-il en rivant les yeux au sol.

— Réponds-moi !

— Oui.

C'est un cauchemar . Combien d'âmes peuvent rester muettes et consentir en silence à la destruction d'une autre ?

Combien peuvent encore se regarder dans le miroir tout en assistant à cette mise à mort ?
Parce que c'en est une. La mienne qui plus est. À l'intérieur, j'ai l'impression d'être en train de crever.

Mon regard s'abandonne alors dans ce grand salon que je pourrais détailler à ma guise cette fois-ci, mais je m'y refuse. Je ne veux pas me souvenir de cet endroit où je me suis abandonnée, laissant pour la première fois les bras d'Ethan m'embraser de leur chaleur.

Car j'ai si froid aujourd'hui.

— Je suis désolé. Insiste une nouvelle fois le jeune homme à mes côtés.

C'en est trop.Je ne peux plus entendre ça ni aucun autre de ses mots.

— Arrête de répéter ça Matt ! Arrête de me dire que tu es désolé !  Tu as participé à son expérience de ton plein gré avec tes foutues chansons ! vociféré-je le coeur au bord des larmes. Tu connaissais les règles du jeu et tu les as acceptées , tes excuses ne valent rien !

— Je sais...

La bille me monte alors subitement à la gorge. Je ne peux plus supporter son regard qui me rappelle celui de mon bourreau, je ne peux plus être ici, je ne peux plus respirer. Je me lève alors subitement de ce grand sofa blanc et prends la direction de la sortie.

— Eléa, attends ! Il...

— Laisse-moi ! Tu ne vaux pas mieux que lui, Matt. Lancé-je en claquant la porte derrière moi .

Je traverse rapidement le jardin à grande enjambée, jetant un oeil à mon téléphone qui ne cesse de vibrer dans ma paume. Luna a essayé de me contacter tout l'après-midi. Mais je ne suis plus capable de lui répondre dès lors. Je ne suis plus capable de rien. Seulement de m'enfuir pour échapper à la réalité. Sans jamais me retourner sur cette bâtisse où tout a débuté et où, aujourd'hui, tout s'achève.

BreatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant