43. La jeune femme.

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LIRE ABSOLUMENT AVEC LA MUSIQUE

ELEA

Et c'est alors que la voiture d'Ethan s'immobilise devant la vieille ferme des luquet . La nuit a revêtue sa cape étoilée et la pluie bat son plein résonnant sur la taule en de petits clapotis mélodieux. D'ordinaire, ce son à le pouvoir de m'apaiser. Mais pas ce soir. Plus maintenant. Je n'ai d'ailleurs pas le temps de discerner leur partition, en un bruit sourd, une portière s'ouvre. Franny est la première à sortir du véhicule, munie de son petit parapluie jaune. La vieille dame se hâte, bravant la pluie jusqu'à atteindre le perron de sa vieille ferme. J'entends alors un second claquement de portière, les aboiements d'Angus, puis le silence.

Je n'arrive toujours pas à réaliser ce qu'il vient de se produire ce soir. Comment en un simple battement de cils la vie à t'elle pu prendre une telle tournure ? Je suis tout bonnement épuisée, mais je sais pertinemment que je n'ai pas le droit de flancher. Pas ce soir. Plus maintenant. Mon regard s'aventure alors jusqu'au petit halo de lumière que Franny vient d'actionner sur le perron, reflétant une ombre furtive devant mes yeux. Je concentre alors mon regard au loin, et c'est à cet instant que mon coeur se brise.

Ethan avance silencieusement sous une pluie torrentielle, tenant Georges dans ses bras. Le jeune homme soutient avec force le corps cachectique de mon patient à peine réveillable et si faible.
Des Gouttelettes d'eau viennent choir sur mes cheveux, perlent sur mon visage, et je réalise alors que sans m'en rendre compte, je suis, moi aussi, sortie du véhicule. Désormais incapable de bouger malgré la pluie de fin d'été qui me glace, je reste abasourdie et spectatrice de cette scène bouleversante.

L'eau a imbibé le t-shirt d'Ethan et ruisselle sur ses bras ainsi que sur le visage de Georges. Le jeune homme avance solennellement, les traits crispés, jusqu'à rejoindre Franny. Celle-ci leur ouvre la porte, puis jette un coup d'œil inquiet en ma direction. Je n'ai pas bougé d'un pouce, comme si je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Cette scène me semble complètement surréaliste. J'ai l'impression rien de tout cela n'était en train de se produire, et pourtant, la voix de Franny se fraye un chemin à travers les gouttes. Me ramenant à la réalité.

— Eléa ! Entre !

Alors machinalement mes muscles s'articulent et j'avance silencieusement en direction de la vieille bâtisse. Ne sachant encore pas comment aborder cette situation. Lorsque j'emprunte le couloir menant à la chambre de Georges, l'odeur de lavande me saisit de façon familière. Ma madeleine de Proust, faisant resurgir à la surface tant de souvenirs. J'essaie alors de réfréner les larmes qui menacent de couler sur mes joues.

Ethan dispose mon patient trempé jusqu'aux os sur son lit avant de s'éloigner pour reprendre son souffle. Angus s'est lui aussi frayé un chemin jusqu'au chevet de son maître et a posé sa truffe sur l'édredon. Tous semblent attendre un geste, un mot pour faire face à la suite des événements.

— Merci jeune homme. Lance Franny en déposant sa main sur le bras d'Ethan.

— Il lui faut des vêtements secs. Affirme -t-il dans un état second.

Le regard inquiet, lui-même ne semble pas comprendre ce qu'il vient de se produire ce soir, ni ce dans quoi il s'est engagé.

En ce qui me concerne, j'entends encore les injures du médecin de service lorsqu'Ethan bravait ce long couloir, tenant Georges dans ses bras : " Pauvres fous ! Il a besoin d'oxygène ! " . Je me souviens de la lumière aveuglante des néons, des cris de l'infirmière, de la main de Franny dans la mienne et des martèlements de mon cœur battant à tout rompre au rythme de nos pas.

— Je m'en occupe. Murmuré-je.

— Venez Ethan, laissons-les quelques instants. Chuchote Franny avant que tout deux ne quittent la pièce.

Le regard rivé sur mon patient endormi, j'attends que le silence règne. Dès lors que je ne discerne plus aucun pas craquelant sur le vieux plancher, je me dirige vers le petit adaptable disposé devant une des fenêtres de Georges. Mon regard s'aventure alors à travers les volets. La nuit s'est confortablement installée et je ne discerne pratiquement plus le grand chêne qui trône fièrement dans le verger des Luquet.

Un frisson me parcourt alors. Je ne veux pas imaginer que ce soir soit l'une des dernières fois où je me retrouve dans cette chambre, face à cette fenêtre. Une des dernières fois que j'effectuerai ces gestes quotidiens. Une des dernières fois que je prendrais soin de Georges. Malgré ces trois années d'études, je n'ai jamais été préparée à ce moment. Jamais.

Alors je saisis machinalement une serviette de bain et me retourne vers mon patient. A ma plus grande surprise celui-ci s'est réveillé et me scrute silencieusement derrière ses petites lunettes rondes. Les traits détendus et un sourire greffé aux lèvres.

BreatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant