Chapitre 12 (Suite)

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Abby :

Deux policiers sont là, devant moi, la mine déconfite. Derrière eux se trouve Peter, l'un des amis de mes parents et qui travaille avec mon père, que je n'ai pas réussi à contacter tout à l'heure. Lorsque je croise son regard, il a toutes les peines du monde à soutenir mon regard. Et là je comprends immédiatement que ma vie va effectivement changer et prendre un virage à 180°, mais pas comme je l'avais imaginé. Peter passe devant les deux policiers et vient à ma rencontre. Il se passe nerveusement une main dans les cheveux avant de se lancer.

- Abby... commence Peter au bord des larmes. Il marque une pause et j'imagine déjà le pire.

- Je suis vraiment désolé de devoir venir t'annoncer ça, murmura-t-il.

- Peter, non... s'il te plaît...

Des larmes commençaient à monter et j'eus l'impression de sombrer.

- Abby, dit-il avec peine. Je suis tellement, tellement désolé si tu savais... Sa voix n'est plus qu'un sanglot étranglé. Tes parents ont eu un grave accident de voiture... Un chauffeur en état d'ivresse a foncé sur eux avec sa voiture alors qu'il perdait connaissance à cause de son taux d'alcool beaucoup trop élevé. Malheureusement, ton père n'a pas réussi à l'éviter, c'est arrivé tellement vite..., dit-il d'une voix chargée d'émotion. A cet instant, j'avais l'impression que mon cerveau se liquéfiait. Il me fallut quelques secondes pour comprendre ce que ça voulait dire, et quand je compris, j'arrêtai de respirer

- Ils sont...

J'avais l'impression d'être sur le point d'exploser.

- Oui sur le coup Abby... je suis désolé... Sa voix se brisa. Les mots sont clairs mais leur sens est tellement atroce qu'il m'a fallu plusieurs secondes, voire plusieurs minutes pour que ma tête comprenne leurs significations. Et lorsque tout devient plus clair, la perspective de ne plus jamais les voir était si désespérante qu'elle me coupa le souffle. Ma tête se mit à tourner et je me laissai glisser au sol en sanglotant. La mort fait partie de la vie, j'en suis consciente. C'est un sujet central au cœur même de la vie de tout individu. Tout le monde meurt et est confronté un jour ou l'autre dans sa vie à la mort. Mais là, je ne suis définitivement pas prête à surmonter ce genre d'épreuve maintenant. En effet, comment accepter la mort des autres, cette privation définitive de ceux qu'on avait tant aimés ? Comment imaginer qu'un jour le monde continuera sans nous et effacera nos traces ? C'est un ensemble de questions aux limites de l'imaginable, aux limites de ce qui peut être pensé.

Il n'y a pas de méthode ni de protocole pour annoncer à des parents, des enfants ou amis, qu'ils viennent de perdre un proche. La technique est déshumanisante. Elle en vient parfois à considérer que l'Homme est objet. Objet de soins certes, mais objet que l'on peut manipuler et expérimenter à sa guise. Ma tristesse est l'émotion typique du deuil. Elle est la douleur d'un cœur auquel m'a arraché l'objet de mon amour, en l'occurrence, mes parents. Le mot « peine» qu'on utilise souvent pour désigner la tristesse connote très souvent le sentiment d'être puni ou de subir un châtiment, mais là, pour le coup, ce mot était bien loin de refléter ce que je ressentais en ce moment. La tristesse s'exprime normalement par des pleurs.

Elle se fait parfois si intense qu'elle plonge l'endeuillé dans un état de désolation au point de désirer mourir pour aller rejoindre dans la mort l'être aimé. Pour m'a part, mes pleurs n'étaient que sanglots, que je n'arrivais plus à contrôler désormais. Le décès de mes parents déclencha un cataclysme de sentiments d'une intensité inouïe. De la douleur et de la peine, bien sûr, mais aussi des sentiments qui peuvent paraître plus surprenants, comme la colère ou la culpabilité.

Les Silences Du Passé : Sacha T1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant