Chapitre 20 #

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Je tournai le dos à Harry, avançai jusqu'à ce qu'il disparaisse de ma vue et que je disparaisse de la sienne.

Et je m'assis, ou plutôt je m'effondrai, comme sous le poids d'un fardeau que j'aurais porté durant des années et qui se serait brisé avec ma colonne vertébrale.

Je fermai les yeux. Et je pleurai. Non, pas de petites larmes, je pleurai réellement, je pleurai et on aurait dit qu'il pleuvait sur mes mains, je pleurai et je ne pensais même plus à rien, juste à pleurer, encore et encore jusqu'à ce que je me vide de larmes.

Je pleurai comme un enfant qui prend sa première respiration devant sa mére ou comme un enfant devant la dernière réspiration de sa mère.

Je pleurai et ça ne suffisait pas à faire sortir la douleur, ce fantôme qui s'était installé dans mon ventre, dans ma tête entre deux complexes et deux idées noires, deux remords et deux regrets, alors rapidement je me mis à me frapper à me tirer les cheveux, je m'allongeai par terre.

Mais ça ne suffisait toujours pas.

Parce que je réalisai, que j'étais foutu en l'air, que pendant tout ce temps, c'était moi le gamin foutu en l'air, c'était moi qui n'avais pas su juste fermer ma gueule et laisser Antoine me proposer son putain de boulot sans m'attacher et faire d'histoires pour une douche ou un pique-nique, c'était moi qui avais cru Harry comme un gamin devant les promesses de sa mére, que c'était moi qui l'avais suivi et moi qui ne savais pas lui faire comprendre d'arrêter de se comporter comme ça, qu'il était schyzophréne et que sans médicaments, mon espoir n'allait pas servir à grand chose.

Mais le pire que je réalisai, c'est que, après tout ça, même devant la mort de deux de mes amis et l'autre qui sombrait dans la folie, la seule chose à laquelle je pensais était moi-même, et Antoine, et que même après son caractère devenu monstrueux, je l'aimais toujours, je l'aimais et je n'y pouvais rien.

Alors je me relevai et essuyai mes larmes.































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Voilà deux semaines qui se sont écoulées après que j'aïe accepté de rejoindre le trafic de drogue. La boite de nuit n'avait pas encore repris service, Safae me prétextait que le "patron" était malade et avait besoin de prendre du repos.

Pendant tout ce temps, pas de signe d'Harry ni d'Antoine, Safae, croyant qu'il ne reviendrai plus, ou tout du moins pas avant de l'avoir oublié, a decidé de faire vivre avec elle Serge, parfois, on entendait leurs ébats depuis ma chambre et on en rigolait avec Eduardo.

Je m'étais beaucoup rapproché d'Eduardo, il était de plus en plus tactile avec moi, et il s'était finalement décidé à prendre la chambre de Louis et d'Adam pour réunir les deux lits et en faire un lit deux places.

Il m'avait aidé à tout découvrir dans la ville, deux restaurants, deux fast-foods, un cinéma gigantesque, un musée horiblement lassant, une plage magnifiquement déserte de gens. On était passé aussi à la fête foraine et j'avais essayé tous les ménages osés.

Il s'ouvrait de plus en plus à moi, et je découvrais que c'était quelqu'un de sincère, gentil et plutôt drôle. Sous ses airs de séducteur sans pitié se cachait véritablement quelqu'un de sensible, avec un vrai passé, et un vrai amour en lui, il était du genre à ne pas avoir peur de faire des compliments, de dire aux gens qu'il les aime, de leurs faire des calins. Il parlait de tout et de n'importe quoi sans limites, il connaissait pas de tabous.

Ce soir là, on se préparait à nouveau pour sortir, Eduardo ne me disait jamais où nous allions, peut-être que lui même ne savait pas, quand soudain quelqu'un frappa à la porte.

Je partis ouvrir, Eduardo était derriére moi, entrain de boutonner sa chemise.

Safae se tenait devant la porte, cheveux parfaitement lissés et laqués, maquillage au point, robe blanche moulante jusqu'à mi-cuisse, talons blanches avec un dessous rose d'environ une quizaine de centimètres.
Il ne fallait pas se mentir, mais vue comme ça, elle était magnifique.

Safae : Hola ! Je viens vous annoncer, avec un énorme enthousiasme, que notre patron vous demande, vous êtes les deux nouvelles recrues, et la boite ouvre demain.

Je sentis Eduardo s'arrêter de boutonner sa chemise et je voyais Safae faire durer son regard sur lui, puis croiser mes yeux.

Il continuait ce qu'il avait entrepris en même temps qu'il parlait.

Ed : Cool alors. Y'a que nous deux comme recrues ? On va le rencontrer en face à face ?

Safae enroula une méche autour de son doigt, puis sortit son téléphone. Je remarquai ses doigts vernis de blanc.

Safae : Ouais, ouais, et ouais. Va falloir se grouiller par contre, il aime pas les retardataires, et faut pas blaguer avec lui.

Eduardo rentra prendre les clés, puis passa devant moi aux cotés de Safae, je restai un moment pour fermer la porte avant de les rejoindre.

Safae avaient des fesses anormalement arrondies et fermes, elle les remuait de droite à gauche en marchant. Elle remettait souvent ses cheveux en arrière, ils étaient bruns aux racines puis devenaient progressivement blonds aux pointes. Elle était à peine plus petite qu'Eduardo, perchée sur ses talons. Un moment, l'idée d'eux en couple me traversa l'esprit, ils en feraient un bon.

Eduardo ouvrit la voiture et monta devant aux côtés de Safae, et je pris le siège arrière. Je passai le trajet à contempler le paysage défiler, Eduardo était concentré sur le chemin, et Safae les yeux rivés sur son écran.

On arriva à vingt et trois heures moins dix, j'en déduisit que l'on avait "rendez-vous" avec lui à minuit.

Eduardo se gara juste devant l'entrée, mais en descendant, Safae nous fit signe de la suivre par une ruelle sombre, très étroite, elle étouffait les épaules trop larges d'Eduardo.

On arriva devant une petite porte verte, qu'elle ouvrit grace à une clé qu'elle sortit de son sac de luxe. En entrant, on tombait nez à nez avec les toilettes, et donc à droite, on avait les escaliers.

Les souvenirs défilaient dans ma tête à chaque marche que je gravissais.

La dispute. La musique. Reste là, bouge surtout pas. Les vomissements dans les toilettes. Antoine, regard effrayé. Terrorisé. Antoine qui m'ordonne de pas bouger. Moi qui n'obéïs pas. Louis qui tremble. Adam qui tremble. Le tueur qui tremble. Tir. Tir. Noir.

Nous arrivâmes devant la porte de la pièce où tout s'était passé, Safae toqua une fois, puis deux, avant qu'elle n'ouvre d'elle même pour nous faire entrer.

Nous entrâmes dans un bureau, sombre, une faible lumière essayait d'éclairer la pièce par le seul grillage qui servait de fenêtre.
Même dans l'obscurité, je parvins à reconnaitre un homme, à la quarantaine surement, tein noir ou peut-être que c'était juste la lumière, costume noir qui puait le neuf, chapeau blanc à l'italienne qui lui cachait le front, lunettes de soleil noir ornées de baguettes dorées, cigare à la bouche.

Il suintait le bourgeois, le mafieux italien.

__ : Asseyez-vous, prenez une chaise !

Je reconnaissais cette voix.

Straight Love. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant