Chapitre 1 - Partie II

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Shane


Je cours, je ne me retourne pas. J'ai le souffle court, les battements de mon cœur résonnent  dans tout mon corps. Je bouscule quelques passants, tandis que je poursuis ma course effrénée dans une avenue ventée de Brooklyn. Desmond se presse derrière moi en jurant.

— Merde, merde, merde !

J'esquive in extremis une poussette, mon long manteau noir a juste le temps d'effleurer la main de l'enfant avant de disparaître derrière moi, au coin d'une ruelle sombre. Desmond me talonne toujours, à bout de force. J'escalade le grillage qui bloque la moitié du passage, puis l'enjambe sans entrave. Mon manteau rafle les pointes de la grille et virevolte une nouvelle fois autour de moi. Mon compagnon me suit, avec un peu plus de difficultés, et finit par tomber lourdement sur le bitume glacé, de l'autre côté. J'émets un petit rire moqueur à la vue de ce dernier par terre.

— Desmond... Tu te traînes vraiment en ce moment.

Il se relève nerveusement et époussette ses vêtements, tout en me fusillant du regard. Ma langue humidifie mes lèvres et j'essaie de reprendre mon souffle. Soudain, il se braque vers moi et hausse le ton.

— Merde, Shane, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'on a raté ? Je comprends pas ! Ils avaient l'air plutôt réglo, ces mecs-là !

Visiblement agacé, il donne un violent coup de pied dans une poubelle, qui déverse alors dans le caniveau des sacs déchirés aux odeurs nauséabondes. J'appuie mon dos contre le mur de briques rouges.

— Laisse tomber. On s'en est bien tiré, c'est l'essentiel. Les flics nous ont pas attrapés et on a toujours...

Je m'interromps et lève tout à coup des yeux inquiets vers mon acolyte.

— Où est la came ?!

Il me fixe, perplexe, puis finit par réaliser la situation et balbutie, subitement submergé par une vague d'anxiété.

— Quoi ?! Mais c'est toi qui l'avais quand on est parti !

— Desmond, bordel !

— Hey ! C'est pas ma faute ! Qu'est-ce que t'en as fait ?!

— Devine ? J'ai mis la came dans le sac, comme d'habitude ! Le même que tu étais censé avoir avec toi en permanence !

— Quoi ? Je... !

Il se stoppe net, réalisant de but en blanc le ridicule de cet échange, puis finit par se résigner :

— OK. Désolé, j'ai paniqué...

— T'as paniqué ? Desmond ! Tu vas expliquer ça à Robin ? Que t'as paniqué comme une gonzesse ?

— Je sais pas, mais je pense qu'il dira rien tant qu'on se fait pas chopper...

Je frappe l'arrière de mon crâne contre le mur, désabusé. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi naïf. C'en est même à se demander comment il a réussi à survivre jusqu'à aujourd'hui. Il reprend à demi-mot :

— Tu crois pas ?

Je n'ai pas le temps de lui répondre — et d'un sens tant mieux. Une sirène de police résonne tout à coup, en même temps que l'une de leurs voitures se gare à l'entrée de la ruelle pour laisser s'échapper un chien, aux crocs acérés. Ce dernier aboie alors furieusement dans notre direction. Desmond écarquille les yeux, puis me lance un regard, qui traduit sans mal un « sauve-qui-peut » désespéré, tout en m'agrippant le bras.

— Oh ! Merde, Shane !

Je soupire longuement à la vue de la bête féroce qui s'élance vers nous, saute sur une poubelle et s'apprête à bondir par-dessus le grillage. Je bouscule alors mon comparse, qui tient toujours fermement mon bras, avant de reprendre ma course tambour battant vers l'autre bout de la ruelle, sans jeter de regard en arrière.

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant