Roxane
La fête bat son plein dans l'appartement cossu de Joanna, au cœur de l'Upper West Side. Je déambule parmi ces corps qui s'agitent et qui bougent au rythme d'une musique sans paroles. Tout autour de moi : des éclats de rire, des cris joyeux, des accolades amicales et des baisers langoureux. Je bois une nouvelle gorgée de vodka, même si en temps normal l'alcool n'est pas vraiment recommandé dans ma situation. Je m'arrête ensuite près d'un petit groupe de garçons et m'installe sur un tabouret non loin de leur canapé. Je tends l'oreille, essayant de recueillir quelques bribes de leur conversation pour pallier mon ennui.
L'un d'entre eux vante ses exploits virils pendant — et après — le match de baseball qu'il a disputé le week-end dernier. Un autre récite ensuite sur un ton jovial, le planning de ses vacances dans les Hamptons et le nombre de bouteilles de whisky hors de prix que son père lui a permis d'emporter avec lui. Un troisième encore, se montre désabusé par la politique gouvernementale actuelle et fait semblant de pleurer les quelques milliers de dollars qu'il a perdus la veille, après une fermeture catastrophique de Wall Street. Je pousse un profond soupir. Ces discours économiques et cette fausse modestie, cachant en réalité une surenchère d'héritage indécent, me donnent la nausée. Après quelques minutes passées à écouter leur laïus sur le classement des Yankees et la précision de tir de leur nouveau lanceur, je me relève et décide de partir à la recherche de Jordan.
Dans les couloirs, les convives se retournent sur mon passage, les yeux vissés sur moi. Il faut dire qu'une fille d'un milliardaire, de réputation complètement asociale, qui se balade tranquillement au cœur d'une soirée comme celle-ci, ce n'est pas si commun. Dieu sait à quel point je déteste qu'on me regarde, mais j'essaie de ne pas y faire attention. Après quelques tours dans l'appartement, je me résigne ; Jordan reste introuvable. Je m'appuie alors indolemment contre la porte du salon et observe un petit groupe de convives, installé dans deux sofas blancs, qui encadrent une table de marbre, immaculé lui aussi. Ils font une partie de cartes où le perdant doit boire de l'alcool. Je dois avouer que je n'ai jamais vraiment compris l'utilité de ce genre de jeu. Je replace mes longs cheveux bruns sur l'arrière de mon crâne et reprends une gorgée de vodka sans lâcher la scène des yeux.
— Alors... Roxane Preston, c'est ça ? Tu t'amuses bien ?
Je sursaute et me tourne vers Eddy, visiblement déjà bien entamé par l'alcool, qui vacille à côté de moi. Je marque un temps d'arrêt avant de lui répondre sur un ton neutre :
— Plus que jamais, comme tu le vois.
Il hoche la tête, titube et porte maladroitement la bouteille de bière qu'il tient jusqu'à ses lèvres.
— On t'a déjà dit que tu étais très, très mignonne Roxane ?
Je me tourne vers lui, perplexe.
— C'est la bière qui te fait dire des conneries pareilles ?
Eddy affiche une moue boudeuse avant de poser la main sur le battant de la porte, juste à côté de mon visage.
— Entre autres.
Il se rapproche dangereusement de moi et je ne bouge pas d'un pouce. La vodka aidant, cette situation m'amuse tout particulièrement.
— C'est vraiment la pire technique de drague que j'ai vue de toute ma vie Eddy, tu le sais j'espère ?
— Au moins, tu te souviendras de moi !
— Qui te dit que j'ai envie d'avoir n'importe quel souvenir de toi ?
— Ben, tu aurais déjà bougé sinon...
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Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉE
RomanceRoxane vit dans un des plus beaux appartements de l'Upper East Side de New York, entourée d'un père aimant et d'une ribambelle de psychiatres qui tentent en vain d'apprivoiser les démons qui l'habitent. Shane fait partie d'un des gangs les plus dan...