Chapitre 23 - Partie I

431 56 53
                                    

Rikers Island

AMKC - Département psychiatrique

Dix mois plus tard

Roxane

Il pleut.

J'appuie ma tête contre le mur froid et ouvre lentement les yeux.

Elle est là.

Une énorme araignée noire, campée sur la cloison blanche en face de moi. Je la regarde, elle me fascine. Ses longues pattes étendues et son corps agile forment une arabesque sombre et gigantesque sur la paroi de ma cellule.

Elle est là. Comme pour me rappeler ma solitude moribonde et mon ennui. Ténébreuse créature esseulée. Je m'avance vers elle et pose mon visage contre le béton, à ses côtés.

- Bonjour toi. Petite bestiole... Tu es toute seule toi aussi ? Tu veux bien être mon amie ?

Les vibrations de ma voix effraient soudain ma compagne d'infortune. L'araignée commence alors à agiter ses longues pattes et s'empresse de continuer son chemin à l'opposé de moi. Je la regarde s'enfuir, ahurie. Un frisson me parcourt le dos. Une fois de plus, mes yeux se brouillent de larmes, tandis que j'essaie d'articuler :

- Même toi, tu me laisses toute seule. Même toi, tu m'abandonnes. Même toi !

Mon cri résonne dans ma cellule, suivi de près par le grondement du tonnerre, comme un rappel à l'ordre. Je me retourne et frappe violemment l'arrière de mon crâne contre le mur blanc à plusieurs reprises, en tentant désespérément de retenir mes larmes. La douleur n'est pas réelle. Ou peut-être que si. Je ne sais plus ce qui est réel ou non depuis bien longtemps.

Je tourne la tête en direction de l'araignée, laquelle s'est nettement déplacée vers l'unique petite lucarne de la pièce et s'apprête à prendre la fuite vers l'extérieur. Je me lève précipitamment, mon épaule racle contre la paroi ; mes bras sont emprisonnés dans une camisole de force. Sans la lâcher des yeux, je me hâte vers l'arachnide, haletant d'un espoir ridicule.

- Emmène-moi... S'il te plaît ! Emmène-moi avec toi, petite bestiole. Sors-moi d'ici !

Ma vision se brouille, mon esprit est confus. J'ai la tête qui tourne, envie de vomir. Ils disent que je suis folle, que mon cerveau ne sait plus qui je suis, que j'ai tout oublié.

L'araignée me paraît de plus en plus floue et lointaine à présent.

- Emmène-moi ! Emmène-moi ! Je t'en supplie ! Sors-moi de là. S'il te plaît ! S'il te plaît... S'il te plaît... S'il te plaît...

J'ai tout oublié.

Je m'effondre peu à peu contre le mur froid jusqu'à me retrouver à terre. Je gigote un peu, tentant vainement de me libérer de ma camisole. Ils ont dit que c'était pour mon bien, que cela m'empêcherait de m'arracher les cheveux, de me griffer le visage...

Les larmes coulent à flots sur mes joues sans que j'en sois vraiment consciente. Je reste tapie dans un coin de ma cellule. Je sanglote, comme une petite fille à qui l'on aurait brutalement repris son jouet préféré, son seul réconfort, son repère. Son attache à la vie.

Je sais qu'il pleut.

Je ferme de nouveau les paupières et tente de faire le vide dans ma tête, de chasser les démons qui vivent perpétuellement en moi. Un petit vent frais s'engouffre dans la pièce et me caresse innocemment le cou. Un frisson me parcourt, tandis que des fragments de souvenirs me reviennent en mémoire. L'odeur d'un parfum vient me chatouiller les narines. Je ferme les yeux un peu plus fort.

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant