LE JOUR OÙ J'AI PERDU MA MÈRE

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— Répond-moi ! cracha-t-elle comme si je la dégoutais.

Son ton me faisait revenir plusieurs années en arrière, la période qui avait suivi le suicide de mon père.

Janvier 2003.

Papa était mort. Il avait emporté avec lui tous nos rêves, nos fous rires, nos théories toutes aussi folles les unes que les autres, notre amour, notre famille, tout.

Maman allait mal, après les funérailles elle s'était enfermée pendant six jours dans sa chambre, sans sortir. J'étais moi-même dans un état semi-léthargique. J'avais peur d'aller la voir, je savais qu'elle m'en voulait, et je m'en voulais aussi, mais je n'avais pas besoin de l'entendre.

Ce matin, je m'étais préparée pour le lycée, il fallait que je reste concentrée malgré tout, tout mon avenir se jouait sur ma bourse d'études, et ma mère m'avait très bien fait comprendre que je ne pourrais plus rester ici.

Jamais je n'oublierai ce soir-là qui avait changé ma vie.

Eric Pender, Annie Clarke, Callie Vasquez, Skyler Johnson, Clara Rossi et Alexander Grayson allaient le payer.

— Sara?

Maman se tenait en haut de l'escalier, elle était à moitié habillée et elle avait les cheveux coupés.

— Tu as vu, j'ai coupé mes cheveux aussi, comme toi quand tu es rentrée cette nuit-là.

Elle se mit à rire comme une hystérique, je n'avais pas remarqué qu'elle avait un ciseau dans les mains.

— Maman, commençai-je

— Tu la fermes! ! hurla-t-elle. Tu sais, je ne t'ai jamais voulu, lorsque j'ai appris que j'étais enceinte de toi, j'étais effondrée. Ton père était aux anges lui, il disait qu'on allait pouvoir partager nos passions avec toi, qu'on allait rire plus à trois, vivre plus à trois, s'aimer plus à trois. Il m'a convaincue et j'avais fini par être heureuse de t'avoir. SI j'avais su, si j'avais su que notre histoire se terminerait comme ça, par ta faute, j'aurais avorté comme prévu, sans rien lui dire.

Elle descendit doucement les escaliers et reprit :

— Un enfant est une faiblesse, tu as été notre faiblesse et il en est mort, et je me retrouve seule. Je ne supporte pas la vie sans lui Sara, je ne t'aime pas plus que lui contrairement à ce que tout le monde pense. J'aimais plus mon mari que mon enfant et te voir là, vivante, ça me tue, je ne peux plus te voir, je veux que tu meures Sara.

Elle se jeta sur moi, et je l'esquivai de justesse en sortant de la maison en courant. J'avais retenu mes larmes pendant tout ce temps, mais je ne pouvais plus, je n'en pouvais plus. Je n'aurai jamais cru ressentir une douleur plus forte que lorsque j'avais appris la mort de papa.

Mais je devais me rendre à l'évidence, tout était ma faute. J'aurais dû me douter que l'invitation d'Eric Pender n'était pas sérieuse. Je ne faisais pas partie de leur monde, mais j'avais été flattée et j'étais tombée dans leur piège comme une débutante.

Cette erreur avait couté la vie à mon père, et je ne voulais plus supporter le regard de maman, je ne pouvais plus. Je m'arrêtai devant le lac artificiel, et sans réfléchir je plongeai.

Tout serait plus simple si je disparaissais, pour maman, pour moi, elle vivrait mieux.

L'eau était glacée et je me laissais couler. L'image de mon père heureux, de notre journée à Disneyland pour mes huit ans, de maman s'essayant à la cuisine française en vain, de notre famille heureuse. Je sentais l'eau me brûler les poumons lorsque je sentis une main me saisir.

Action ou VéritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant