25. Annulation de dernière minute

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Contrairement à ma journée du vendredi, le week-end a été assez rude. Nous avons finalement travaillé les deux jours sans repos, avec Thomas. Malgré les nombreuses informations que nous avons pu trouvé en continuant nos recherches et en piratant quelques comptes, j'ai l'impression de ne pas être plus avancée dans ce qui est de ma mission au lycée. Nous ne savons toujours pas qui est l'espion, et nous n'avons pas non plus éliminé de suspects potentiels, à part Monsieur Stelman qui a fini par être expulsé de la liste, absent durant ma première semaine de travail. D'après Stevens, notre ennemi était là à mon arrivé, alors ça ne peut pas être lui. Cependant, notre liste de suspects en dehors du lycée s'est amoindrie. En fait, il ne reste plus qu'une seule personne : Garry Fickelman. Nous sommes maintenant sûrs que c'est lui qui court après George Hale. Nous ne savons pas encore pourquoi exactement, et nous n'avons pas de preuves suffisantes pour l'arrêter, mais nous avons tout de même un début.

Nous avons eu dans ce grand temps de travail une discussion intéressante à propos de ma moto, que j'ai bien sûr lancé. J'ai demandé à Thomas, ou plutôt je lui ai imposé, le fait de m'accompagner au garage pour récupérer l'engin, puisqu'il est à l'autre bout de la ville. Il serait donc plus pratique qu'il m'emmène en voiture que d'y aller à pieds. Et pour le persuader, et aussi un peu le faire culpabiliser, j'ai ajouté que c'était de sa faute puisque c'est lui qui a décidé d'appeler le garagiste le plus loin de mon appartement. Alors il a fini par accepté, et m'a juré qu'il m'accompagnerait le lundi, c'est-à-dire aujourd'hui.

***

Il est neuf heures, et nous sommes tous en train d'écouter M. Monroe parler avec dynamisme de la littérature du dix-huitième siècle. Il est rare de voir un homme de son jeune âge intéressé par la littérature et par tout ce qui y touche de près ou de loin. En fait, il a plutôt un style entre un homme d'affaire et un musicien. Ses vêtements sont classiques mais décontractés, et ses cheveux légèrement longs lui donnent un look bohème mais chic puisqu'ils sont assez structurés. Si l'on met quelques bavards de côté, on peut dire que la classe est captivée par son discours. En tout cas, pour des garçons de mon âge, et malgré le fait que ce soit justement de la littérature, ils ont l'air plutôt intéressés. Quant aux deux filles qu'il reste, elles sont plus absorbées par le professeur en lui-même que par ce qu'il dit. Ça en vient à me faire pitié. Quand je pense qu'il a dix ans de plus qu'elles, et au moins quinze ans de mentalité en trop pour ces filles, je me dis qu'elles peuvent toujours rêver éveillées, même avec leur filet de bave habituel au coin des lèvres. D'ailleurs, je ne vois même pas pourquoi elles sont venues dans cette filière : soit elles discutent entre elles, soit elles pétillent des yeux devant M. Monroe.

Je remarque que depuis quelques temps, je ne fais plus attention à la classe, surtout à chaque personne en particulier. Je crois qu'à force de les côtoyer, j'ai eu petit à petit confiance en eux, mais il ne faut pas que j'oublie que l'un d'eux peut-être mon ennemi. Malgré l'habitude que j'ai eu de me méfier des gens qui m'entourent, ça en devient lassant lorsqu'on ne peut plus accorder sa confiance aux gens auxquels on parle tous les jours, du fait qu'ils peuvent certainement en vouloir à votre vie sans le savoir eux-mêmes. Sur cette pensée, mon regard tourne autour de la classe et évalue chaque élève un par un. Comme d'habitude le seul à qui je fais le plus attention est Jonathan, et celui qui me paraît le plus louche est Thomas. Allez savoir pourquoi.

Quand la cloche sonne, nous nous retrouvons tous les trois, Thomas, Jonathan et moi, devant le lycée, sur la pelouse. Le soleil tape fort en ce début de mai et nous profitons du beau temps pour parler de tout et de rien. Cependant j'ai la tête ailleurs, et mon regard vagabonde tout autour de moi. Il finit par atterrir sur l'affiche du bal de fin d'études, et une chose me revient soudain entête. Ce week-end, j'ai envoyé un message à Stevens pour le prévenir de cette fête, de ce que cela engendrait, et de laquelle il avait apparemment eu vent, certainement par Thomas, puisqu'il avait déjà prévu de placer des agents de la PPAE à cette petite soirée. Sur ce, je lui ai dit que ce n'était finalement pas nécessaire que je vienne, et que j'en profiterai pour fouiller le lycée et trouver de nouveaux indices pour faire avancer l'enquête. Cela ne servira à rien que l'on soit aussi nombreux à ce bal, et je préfère me rendre utile ailleurs. Stevens n'a rien ajouté à cela. De plus, je pense que Jonathan se serait senti étouffé avec autant de monde, même en ignorant tout ce qui se trame autour de lui.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant