43. L'autre côté du miroir

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Après un débriefing de Stevens à l'intérieur de la voiture, je me rends à l'arrêt de bus où tout un groupe d'adolescent s'inscrit sur la liste des voyageurs et attend la suite des instructions de la part du directeur. Un jeune d'une vingtaine d'années, portant un t-shirt bleu semblable à cinq autres personnes, que je suppose donc être les moniteurs, et aux cheveux frisés dressés au-dessus de la tête, vient me voir pour me demander mon nom.

Thomas, dis-je tout en regardant autour de moi. Thomas Peterson.

Je ne porte aucune attention à mon inscription et scrute chaque personne passible d'être celle que je recherche. Le jeune m'adresse quelques mots que je n'écoute pas, et finit par me souhaiter un bon séjour, ne se doutant pas un seul instant de mon absence dans cette conversation. J'observe tous les gens qui sont là, à attendre, encore et encore. Quelques groupes se sont déjà formés alors que le rendez-vous ici était il y a à peine quinze minutes. J'en conclus que certaines personnes se connaissent déjà, donc je n'ai pas à me méfier d'elles. D'autres ados traînent encore avec leurs parents, à rire, ou à demander plus d'argent de poche pour certains. D'autres profitent des derniers moments avec eux comme s'ils n'allaient plus jamais se revoir. Je ne les comprends pas vraiment. Ils ont l'opportunité d'être libres pendant trois semaines, ils auront tout le temps de voir leur famille après. Toute la vie, même. J'ai fait le tour de tous les ados, et j'ai l'impression de toujours voir les mêmes personnes, mais de ne jamais trouver la bonne. Jusqu'à ce que j'entende des voix qui attirent mon attention.

Souriez, Jonathan ! Vous ne pensez pas que cette colonie est le moyen de prendre l'air ?

Une femme de petite taille, d'assez forte corpulence et coiffée d'un foulard fleuri, parle à un jeune d'à peu près mon âge. Je les observe discrètement, voulant en savoir un peu plus sur l'identité de ce garçon.

Il m'avait dit qu'il essaierait de venir pour une fois, répond le dénommé Jonathan en scrutant la route attentivement. Il n'est toujours pas là et nous n'allons pas tarder à partir !

La femme soupire d'un air triste. Je ressens de la pitié de là où je suis. Elle est désolée pour lui mais ne peut rien faire.

Écoutez... M. Hale est débordé en ce moment. C'est pour ça qu'il a insisté pour que vous alliez faire ces vacances. Il sait qu'il n'est pas très présent et ne veut pas que vous vous ennuyiez.

Maintenant je sais qu'il est celui que je recherche. Jonathan Hale. Je ne veux pas l'approcher tout de suite, il n'a pas l'air très bien et ça ne ferait que rendre l'approche plus difficile. Alors je me pose contre la vitre de l'abri de bus et continue discrètement de les observer. Stevens me l'a dit : plus j'en saurai sur lui, et plus me rapprocher de lui sera facile. Le blond s'assoit sur un banc et pose sa tête entre ses mains, avant de les passer sur son visage. La femme vient se poser à ses côtés et passe une main timide dans son dos.

Je sais... Je comprends qu'il ne puisse pas m'accorder tout son temps et je ne lui demande pas, parce que je sais bien que son travail est très important.... Mais j'aurais aimé qu'il soit là au moins aujourd'hui.

Un homme parle fort pour que tout le monde puisse entendre et me coupe dans mon observation, et par la même occasion coupe Jonathan dans ses réflexions. Le groupe d'adolescents se tourne vers lui et je ne lâche pas Jonathan des yeux, n'aimant pas vraiment les effets de disparition soudaine dans les foules. J'écoute d'une oreille alors qu'il se présente comme étant le directeur de cette colonie et instaure les règles qu'il faudra suivre durant le séjour.

Cela fait maintenant trois jours que les « vacances » ont commencé. Si je peux appeler ça comme ça. Je suis censé être un adolescent normal en train de s'éclater comme font tous les adolescents normaux, mais ce n'est pas le cas. Je ne suis pas normal, et je ne m'amuse pas. Je ne peux perdre mon sérieux à aucun moment. J'ai réussi à approcher Jonathan et comme nous avons pu choisir nos chambres, nous pouvons être encore plus proches. Ça me permet de le surveiller en toutes circonstances et à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit. Mais je dois avouer que ce n'est pas facile de le maintenir à distance du danger, étant donné qu'il sympathise avec beaucoup de jeunes. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi positif et social que lui. Contrairement à moi qui suis réaliste et plutôt solitaire. Mais durant les quatre-vingt-dix pour cent du temps, nous ne sommes que tous les deux. J'en ai appris un peu plus sur lui et sur sa vie familiale, bien que j'en savais déjà un bon paquet. 

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant